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À hue et à média

La liberté de presse a des inconvénients. Mais moins que l'absence de liberté.
(François Mitterrand)

Comme bouc émissaire, difficile de trouver mieux que la presse, tous médias confondus. Le phénomène n'est guère nouveau certes ; mais en plus d'un point du globe, il revêt de nos jours une ampleur et même une violence rarement égalées. À commencer – à tout seigneur tout honneur – par ce paradis de la communication de masse qu'est l'Amérique, celle du prix Pulitzer et du Late Night Show.


Exemple mal choisi, objectera-t-on, puisque plus rien n'est désormais normal dans l'Amérique de Donald Trump. L'autre soir, une grande chaîne de télé française, psychanalistes à l'appui, allait même jusqu'à poser sérieusement la question de savoir si le président des États-Unis n'était pas fou : cela au vu des messages totalement contradictoires qu'il s'évertue sans arrêt à lancer dans toutes les directions. Il insulte ainsi les juges qui ont eu le front de bloquer son fameux décret anti-immigration ; et puis il renonce à faire casser leur arrêt, préférant plancher sur un nouveau décret plus réfléchi, mieux étudié. Il donne le fou rire à Benjamin Netanyahu quand il l'invite à ralentir un tout petit peu son programme de colonisation de la Cisjordanie occupée, il remet même en question le dogme des deux États sur la Palestine, mais c'est pour faire dire aussitôt par ses collaborateurs que Washington continue de soutenir mordicus une telle solution.
S'il est une direction, une seule, où la girouette folle ne fait jamais marche arrière, c'est toutefois celle des médias. Tout récemment, Trump faisait éjecter de la salle de presse de la Maison-Blanche un journaliste qui refusait de ravaler une question jugée irrecevable par le maître des lieux. Entre deux asseyez-vous ou taisez-vous distribués çà et là, ce président, qui, sur Twitter, ne se prive pas de faire de la réclame pour l'affaire de sa fille, a qualifié les journalistes de gens malhonnêtes œuvrant pour des intérêts particuliers.
Plus près de nous, l'affaire Fillon, entre autres dommages collatéraux, a posé – du moins chez nombre de partisans du candidat de la droite à la présidence – la question de l'opportunité, pour ne pas dire de la justification morale, du journalisme d'investigation. Salauds de journalistes : ces inconditionnels s'indignent bruyamment que des journaux aient pu faire leurs choux gras de fuites malveillantes, ayant trait à des situations déjà anciennes mais lâchées à un moment critique, c'est-à-dire au beau milieu de la campagne électorale. Par ricochet, se retrouve également sur la sellette un parquet financier dont la célérité à se saisir de ces révélations est jugée plus que suspecte.


Il reste qu'en France, on ne lapide pas les salauds de journalistes comme on le fait dans notre pays, quand on ne recourt pas à des moyens plus expéditifs. Il y a quelques jours, les Libanais, éberlués, ont pu suivre en direct sur leur petit écran, des heures durant, l'assaut lancé par des forcenés, à l'aide de jets de pierres et de brûlots, contre une station de télévision sise en pleine capitale. Cette chaîne avait diffusé un programme satirique jugé offensant pour la mémoire d'un chef spirituel disparu, mais aussi pour le président de l'Assemblée nationale, dont les partisans ont, à leur manière, exigé réparation : la preuve qu'au Liban des lumières, humour, religion et politique font bien mauvais ménage.


Toujours éberlués, les Libanais ont pu entendre un président du Conseil national de l'audiovisuel jeter l'opprobre sur ladite station. De plus en plus éberlués, ils ont constaté l'incroyable retard mis à l'arrivée sur place de renforts de l'armée, les forces de police se trouvant débordées. Et plus que jamais éberlués, ils ont vu les forces de l'ordre se contenter de faire barrage aux manifestants mais sans jamais faire mine de les empêcher de lancer des projectiles divers sur leur cible, faisant ainsi des blessés parmi le personnel et occasionnant des dégâts divers.


Elle a mauvaise presse, la presse ? Que les politiques se rassurent : sur ce terrain glissant, ils auront toujours une bonne longueur d'avance...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

La liberté de presse a des inconvénients. Mais moins que l'absence de liberté.(François Mitterrand)
Comme bouc émissaire, difficile de trouver mieux que la presse, tous médias confondus. Le phénomène n'est guère nouveau certes ; mais en plus d'un point du globe, il revêt de nos jours une ampleur et même une violence rarement égalées. À commencer – à tout seigneur tout honneur...