Réveiller le phénix...

Comment êtes-vous tombés des hauteurs, aigles des nuées, subtils papillons et descendants des Phéniciens ? Seriez-vous toujours ceux qui ont survécu aux atrocités des guerres ? Seriez-vous toujours les grandes âmes honorées et honorables, respectées dans tous les coins de l'Orient et de l'Occident ? J'appelle le phénix qui dort en vous sans savoir s'il est possible de le réveiller. De jeunes filles au regard vide, aux mots vides, à la tête vide que l'on affiche à la télé, des publicités dégradantes pour la dignité humaine, des images incroyables de clients qui se disputent pour obtenir une robe, un parfum, un écran, un pyjama et j'en passe. Le superficiel et le superflu sont devenus la norme. Ainsi, pourquoi se contenter d'acheter un cadeau chez le vieux marchand de jouets lorsque l'on pourrait s'endetter pour en offrir cinq ailleurs ? Mieux encore, pourquoi acheter un seul pantalon sur mesure, au temps et à l'heure que l'on veut, lorsque l'on pourrait guetter les soldes pour courir dans de grandes boutiques bourrées d'acheteurs affolés, arracher des articles de n'importe quelle couleur, de n'importe quelle taille, attendre son tour pour qui ne vient presque pas, dans une ambiance étouffante, apocalyptique et, enfin, alléluia, payer une somme abominable pour des choses inconvenables que l'on n'utiliserait probablement jamais ? Quelle perte ! Perte de quoi, dirait-on... S'agirait-il de l'argent qui se fait de plus en plus futile et fugitif ? Du temps qui se fait aussi précieux que l'air qu'on respire ? De la confiance et du contact personnel qui distinguaient hier encore la relation entre le commerçant et sa clientèle ? Du plaisir d'obtenir un nouveau costume ou un petit jouet après tant d'attente et d'effort ? La vérité serait qu'avec chaque minute qui passe, on perd de petits bouts de notre dignité, que notre valeur humaine se sauve rapidement, en douce, sans qu'on ait le temps de la sauver. Et ce jour-là, le jour où l'on se réveillera étourdis de notre ivresse, on se rendra compte de notre stupidité et notre esprit fera le grand deuil de sa valeur perdue. Ce jour-là, ni déni, ni colère, ni désespoir ne suffiront à racheter la simple joie de vivre, elle serait déjà vendue aux enchères contre une poignée de nécessités fébriles et éphémères. Alors réveillons-nous, s'il est encore possible de le faire ! Nos ancêtres ont donné le jour à l'alphabet, ne salissons pas leur image, recherchons la culture, recommençons à lire. Conservons la richesse de nos régions, consommons les produits locaux dans les restaurants locaux, achetons dans la boutique du coin de la rue, prenons le temps de prendre le temps, apprécions l'originalité de nos productions et les trésors cachés de notre patrimoine commun.
Notre pays se noie, son économie pleure et nous buvons un verre à la santé de sa noyade. Que c'est triste à voir...
Notre pays adoré se noie, ne restons plus au sec, mais tendons-lui la main et tirons-le, d'un coup sec, mais sûr, vers le bord. Que son économie soit sauvée, mais surtout que les valeurs de son peuple soient sauvegardées, afin que le nid d'aigles ne fasse planer que des aiglons et que le phénix qui somnole trouve enfin une bonne raison de sortir de ses cendres.

Maya BEAÏNY