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Nos Lecteurs ont la Parole - Par Élie Michel NASARD

L’immense chantier qui attend le nouveau président

Patrick Baz/AFP

Lorsque tous les grands courants politiques du Liban – ou presque – sont représentés dans le gouvernement (à l'image du Parlement), sous prétexte de faire participer toutes les communautés à la gérance du pays, cela ne signifie-t-il pas que nous aurions ainsi annihilé toute opposition, et que, par conséquent, un des principaux rôles du Parlement, qui consiste à contrôler le gouvernement et à lui demander des comptes, lui aura été retiré ? N'aurait-il pas été plus judicieux de choisir au moins deux partis politiques, de taille modeste, quoique moins populaires, pour représenter partiellement certains courants politiques au sein du cabinet, même si l'on risque de mécontenter les grands partis (souvent voraces) ; tout en poussant certains à s'installer dans les fauteuils de l'opposition, ce qui serait tellement plus sain pour la bonne marche du gouvernement, car ainsi il resterait au moins quelques voix pour mettre un terme au laisser-aller éventuel de ce dernier ?
Dans cet ordre d'idées, et si je ne m'abuse, je crois que feu le roi de Grande-Bretagne, George VI, remarquant que le pays, après les élections de 1945, se retrouvait sans opposition, ce qui aurait été nuisible à la bonne marche de la démocratie (surtout dans un pays très chatouilleux sur ce principe), invita lui-même le conservateur Winston Churchill à constituer un front d'opposition au gouvernement du travailliste Clement Attlee. Quelle honorable attitude d'un roi soucieux de l'intérêt supérieur de la nation !
Pour le moment, en ce qui nous concerne, le plus impératif et le plus urgent demeure la nouvelle loi électorale, calice (relatif) que notre establishment politique pourri cherche, le plus sournoisement du monde, à éloigner indéfiniment, afin de sauvegarder ses privilèges, et qui devrait mettre fin, une fois pour toutes, au système pervers du vote majoritaire.
Par ailleurs, afin d'en finir, à partir de 2022, une fois pour toutes, avec le chantage et des interminables bazars régionaux et internationaux, précédant chaque élection présidentielle, et pour mettre fin aux ingérences étrangères dans nos affaires intérieures, et de pouvoir élire un président authentiquement représentatif, sans laisser, pendant des années, ce poste vacant (avec toutes les répercussions négatives que cela comporte), rien de plus simple qu'un petit amendement constitutionnel, exigeant des élections présidentielles au suffrage universel (comme dans la plupart des démocraties), dont le premier tour aurait lieu au sein de la communauté chrétienne. Ainsi, les deux candidats qui auraient remporté le plus grand nombre de voix, pourvu que le minimum respectif accumulé ne soit pas inférieur à 30 %, seraient alors plébiscités, dans un deuxième tour, par le corps électoral libanais entier ; et ainsi, celui, parmi ces deux candidats, qui aurait obtenu le plus grand nombre de voix au suffrage universel, englobant toutes les communautés, serait confirmé comme président. Cependant, si un seul candidat obtient le minimum exigé de 30 % des voix chrétiennes, il serait alors automatiquement confirmé comme président, sans attendre alors le deuxième tour évidemment.
Ces formules devraient avoir un caractère provisoire, car il faut absolument que nous puissions parvenir un jour à instaurer un État complètement laïc (ou civil, pour ceux que le terme laïc dérange), sinon nous n'accéderons jamais au niveau de ce qui devrait être un État moderne.
Si le nouveau mandat présidentiel du général Aoun (qui s'annonce difficile) réussit (entre autres) la gageure de trouver une solution aux défis susmentionnés, nous pourrons alors considérer qu'il aura brillamment réussi son mandat, et ainsi son nom restera gravé dans l'histoire comme étant l'un de ses plus grands hommes, car il aura sauvé le Liban, en mettant fin à l'anarchie, la corruption et la décadence généralisées. Bref, en un mot, en instaurant les fondements de l'État de droit tant rêvé, afin de tirer les Libanais du grand fossé du désespoir croissant dans lequel ils sont tombés depuis longtemps, après être passés par les étapes douloureuses de 1975 (début de la guerre civile), de 1990 (l'éviction forcée du général Aoun), de 2005 (le triste accord quadripartite) et de 2008 (le début d'un mandat décevant) ; tout en mettant un terme à l'hémorragie de l'émigration de nos jeunes talents désespérés, qui ne songent qu'à s'installer sous des cieux plus cléments, dans des pays régis par l'État de droit et qui savent apprécier les compétences. Sans l'accomplissement de ce qui précède, il ne faudrait espérer rien de bon pour l'avenir.
Je suis persuadé que le président Aoun est animé de la meilleure bonne volonté de réussir son mandat, dans le sens souhaité dans cet article, car l'homme est connu, entre autres, pour sa droiture, sa culture et son patriotisme. Cependant, toutes ces bonnes notes ne suffisent hélas pas, parce que les prérogatives du président sont bien limitées et qu'il risque de se heurter provisoirement à la mauvaise volonté du Parlement et/ou du gouvernement ; quoique ces écueils seront improbables si (comme première étape) la nouvelle loi électorale (qui mettra fin à la dictature de la majorité) est votée et un nouveau Parlement est élu avant la fin du premier semestre 2017. C'est alors que la marche inexorable vers le sauvetage du pays pourra démarrer en force.
En tout cas, il n'y a pas une minute à perdre, parce qu'ici tout est pourri et, par conséquent, tout est à refaire. Il faut s'atteler à la tâche immédiatement afin de rattraper l'immense retard, dans le but de combler graduellement l'énorme fossé qui nous sépare des authentiques États de droit et des vraies démocraties, sans oublier le très important secteur de l'économie, accaparé par les monopoles.

Lorsque tous les grands courants politiques du Liban – ou presque – sont représentés dans le gouvernement (à l'image du Parlement), sous prétexte de faire participer toutes les communautés à la gérance du pays, cela ne signifie-t-il pas que nous aurions ainsi annihilé toute opposition, et que, par conséquent, un des principaux rôles du Parlement, qui consiste à...

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Une citation de Michel de Montaigne (1533-1592) : "Sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul".

Un Libanais

12 h 13, le 21 décembre 2016

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Commentaires (1)

  • Une citation de Michel de Montaigne (1533-1592) : "Sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul".

    Un Libanais

    12 h 13, le 21 décembre 2016

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