Rechercher
Rechercher

Liban - La situation

Autour de Baabda, des manœuvres syro-iraniennes saisissantes...

Le chef de la diplomatie iranienne, hier, en compagnie du président Aoun à Baabda. Photo Dalati et Nohra

Empêtrées dans les dédales de la formation du cabinet sous l'emblème de l'union nationale cher au tandem Amal-Hezbollah, « toutes les parties pataugent » (l'observation est d'un centriste) et vacillent entre ce qu'elles souhaitent et ce dont elles sont capables.

Cela vaudrait avant tout pour le président de la République, Michel Aoun, et son camp, qui ont renvoyé hier des messages paradoxaux. La journée s'est en effet ouverte sur deux positions inédites du ministre Gebran Bassil au quotidien panarabe Acharq al-Awsat. En premier lieu, M. Bassil a reconnu que « le Hezbollah est une partie qui s'ingère en Syrie » et estimé que la « situation épineuse nécessite le retrait de toutes ces parties, afin de laisser la Syrie aux Syriens, mettre un terme à la situation de conflit militaire, combattre le terrorisme et édifier un régime qui soit satisfaisant pour tous les Syriens ».

En second lieu, M. Bassil – qui a rencontré durant près de quatre heures Nader Hariri au palais Bustros, loin des feux de la rampe – a insisté sur la qualité des relations du Liban avec les États arabes. À une question sur les crises diplomatiques provoquées par sa désolidarisation des pays du Golfe lorsqu'il s'était agi de dénoncer les attentats contre l'ambassade de l'Arabie à Téhéran, il a répondu par un aveu d'erreur : « Nous ne pouvons bâtir sur une erreur du passé. »

Les effets de cette interview seront toutefois effacés par deux visites successives au palais présidentiel : celle d'abord – inédite depuis 2011 de la part du régime Assad à ce niveau – du ministre syrien des Affaires de la présidence, Mansour Azzam, qui lui a transmis les vœux de son homologue syrien, Bachar el-Assad. En soirée, c'est le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui a été solennellement reçu à Baabda. Frappante est la similitude des deux discours prononcés hier. À l'instar de l'émissaire syrien, M. Zarif a mis l'accent sur « deux ennemis communs (...) : l'ennemi sioniste et l'ennemi takfiriste et terroriste, lesquels doivent constituer un facteur d'unité entre nos deux pays ». Le diplomate iranien a en outre salué le volet du discours d'investiture relatif à la lutte « préventive » contre le terrorisme, qui se prêterait – du moins aux yeux du 8 Mars – à une interprétation favorable à l'engagement du Hezbollah en Syrie. « Ces propos justes et précis du président révèlent la profondeur et la sagesse de sa vision politique », a déclaré M. Zarif. C'est d'ailleurs la même formulation dithyrambique à l'égard du discours d'investiture – presque mot pour mot – qu'ont utilisée hier des députés du Hezbollah, notamment Nawaf Moussawi.

La parade irano-syrienne au palais de Baabda et son contraste avec la position du ministre des AE se prêtent à deux lectures différentes dans les milieux extra-8 Mars.
La première croit en la capacité du mandat Aoun de neutraliser le pays par rapport aux conflits régionaux. Selon cette lecture, si un diplomate saoudien décidait de se rendre à Baabda, rien ne l'en empêcherait. Défendant une politique de « zéro hostilité », des milieux du courant du Futur s'abstiennent ainsi de s'exprimer sur les deux visites d'hier, mais laissent entendre qu'une initiative similaire des pays du Golfe serait la bienvenue. Rejoignant cet avis, une source indépendante qui avait été hostile à M. Aoun estime que le Hezbollah aurait été interpellé par les déclarations de M. Bassil, et appréhenderait un recentrage du président de la République.

L'autre lecture, guidée par les repères de l'intifada de 2005, ne supporte aucune temporisation. Elle est fournie à L'Orient-Le Jour par Moustapha Hani Fahs, pour qui la double visite de MM. Zarif et Azzam à Beyrouth obéirait à « la méthode de l'axe de la moumanaa de bénir ses victoires, sa victoire au Liban ayant été aujourd'hui déclarée ». « Tout ce que Gebran Bassil a pu dire dans son interview a volé en éclats à la suite de la visite du représentant du régime sanguinaire syrien, suivie de la visite de la puissance coloniale, Téhéran, grand parrain de cette victoire », a dit M. Fahs, en questionnant « le mutisme de ceux qui, au Liban, avaient arboré l'étendard de la chute du régime syrien ». En outre, « M. Bassil, le deuxième homme du mandat Aoun, peut-il nous dire s'il considère l'ensemble des rebelles comme "terroristes" ? Quelle est sa définition du terrorisme ? » s'interroge encore M. Fahs, sans nullement s'attendre à une réponse. « Les contradictions émanant de Baabda qui vicient le début du mandat révèlent que tout ce qui déroge à l'axe de la moumanaa n'est qu'une mascarade, un bal masqué. »

Et le tandem chiite semble s'être trouvé un double masque pour mettre la main sur le prochain cabinet. D'abord, le respect du pacte national – tel qu'il l'entend, naturellement. S'exprimant dans les médias en termes de « partenariat et de représentativité », le président de la Chambre a comme endossé la logique de blocage qui avait été celle du bloc aouniste avant la présidentielle. Cette fois, c'est le tandem Amal-Hezbollah qui veut être le seul à prétendre accaparer la représentativité chiite.

L'une des garanties dont pourrait disposer Saad Hariri pour y faire contrepoids serait de désigner les six ministres sunnites du cabinet de trente, de sorte qu'ils relèvent de lui. Ce qui semble peu probable. Certes, il n'aurait pas pris la décision de céder ou pas un ministre sunnite au président de la République, mais certains noms circulent, comme ceux de Fayçal Karamé et de Oussama Saad, qui risquent de mettre le Premier ministre désigné devant le fait accompli de leur participation au cabinet. En outre, les chances que M. Hariri désigne un ministre chiite de son bord semblent nettement moindres.

D'autre part, la polémique autour de la part du gouvernement censée revenir aux Forces libanaises (FL) a été sous-tendue, du côté de Nabih Berry, par une argumentation qui débouche, en fin de compte, sur la logique de la répartition par tiers. Pour répondre à la demande de Samir Geagea de se voir attribuer le portefeuille des Finances, Nabih Berry a vite fait, en effet, de placer ce portefeuille au-delà du principe de rotation, et déclaré qu'il revenait de droit à la communauté chiite en vertu des accords de Taëf. Le but de maintenir ce ministère aux mains des chiites serait d'assurer le contreseing de cette communauté avec celui du président de la République (maronite) et du Premier ministre (sunnite) sur les décrets ministériels. Mais cet argument souffre d'une erreur de fond, que relève à L'OLJ une source du courant du Futur, catégorique : « Taëf ne dit rien sur la répartition des portefeuilles. » Il y aurait seulement dans les procès-verbaux présumés de Taëf une velléité d'accorder le ministère des Finances à la communauté chiite pour faire l'équilibre avec le poste de gouverneur (maronite) de la Banque du Liban. Ce qui, du reste, n'a jamais été revendiqué en pratique, du moins jusqu'à présent, par la communauté chiite.

Mais la polémique avec les FL n'est pas centrée sur cette question, plutôt sur l'enjeu pour M. Geagea de s'assurer une place ministérielle à la mesure de sa contribution à l'élection de Michel Aoun. S'adressant sur Twitter au président de la Chambre qui avait déploré dans la presse des « caprices » des FL, il a dit « apprécier l'attention continue que vous nous portez récemment... mais trop d'amour tue ! » Il écrira ensuite, après avoir reçu à Meerab le député aouniste Ibrahim Kanaan : « Tout mon intérêt aujourd'hui porte sur la réussite du nouveau mandat. Et je ferai tout mon possible à cette fin... »

 

Lire aussi

La plaidoirie de Nasrallah pour dissiper les doutes sur l'option Aoun..., le décryptage de Scarlett Haddad

Kahwagi : En protégeant les institutions, l'armée a permis la tenue de l'élection présidentielle

Le Hezbollah invite le prochain cabinet à « élaborer une loi électorale basée sur la proportionnelle »

Empêtrées dans les dédales de la formation du cabinet sous l'emblème de l'union nationale cher au tandem Amal-Hezbollah, « toutes les parties pataugent » (l'observation est d'un centriste) et vacillent entre ce qu'elles souhaitent et ce dont elles sont capables.
Cela vaudrait avant tout pour le président de la République, Michel Aoun, et son camp, qui ont renvoyé hier des...

commentaires (7)

La danse des vampires commencent, avec comme chef orchestre Gebran Bassil, le pollueur verbal

FAKHOURI

16 h 40, le 08 novembre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • La danse des vampires commencent, avec comme chef orchestre Gebran Bassil, le pollueur verbal

    FAKHOURI

    16 h 40, le 08 novembre 2016

  • ILS ESSAIENT... PANIQUES PAR LES DECLARATIONS DU MINISTRE BASSIL... DE DONNER DES SENS IMAGINAIRES A DES PAROLES PRONONCEES PAR LE CHEF DE L,ETAT POUR MARQUER LE SEUL ROLE DE L,ARMEE NATIONALE ET DES F.S. POUR PRESERVER LE PAYS ET MAINTENIR L,ORDRE SUR TOUT LE TERRITOIRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 37, le 08 novembre 2016

  • L,INQUIETUDE SUR LES CHANGEMENTS LES FIT COURIR COMME DES LAPINS CEUX QUI NE VOULAIENT POUR LE LIBAN QUE LE -VIDE- POUR PRESIDENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 05, le 08 novembre 2016

  • Samir Geagea devrait relire la fable de La Fontaine "La grenouille qui veut se faire aussi grande que le boeuf."

    Un Libanais

    11 h 16, le 08 novembre 2016

  • gebran bassil fait erreure sur erreure et il continue a etre recompense avec des portefeuils et bientot une election parlementaire taillee a sa mesure (parcequ'il n'arrive pas a etre apprecie)....cela s'appelle la reussite a la Libanaise, on va aller tres loin

    George Khoury

    10 h 29, le 08 novembre 2016

  • miyeh-miyeh lebneniyeh! les collabos pavoisent, à vomir.

    Christine KHALIL

    10 h 22, le 08 novembre 2016

  • Du temps où d'abord la France et ensuite les usa et enfin les bensaouds s'ingéraient dans notre politique interne et internationale , tout le monde trouvait ça normal, je dirai même naturel, malgré que cela nous ait coûté une implantation depuis 48 et une guerre civile atroce , pour laquelle on ne peut pas dire qu'ils soient totalement innocents . Mais depuis 2000, 2006 et jusqu'à ce jour , années qui coïncident avec des défaites militaires de cet axe cité plus haut , on trouve suspect que des relations se tissent avec l'Iran, la Syrie qui pourtant n'est plus présente sur notre sol, et la Russie. Que le Liban continue à avoir des relations avec ses anciennes amours , il n'y a pas de problèmes à ça, autant en tirer le max de profit , mais qu'il veuille s'ouvrir à d'autres grace à l'expérience désastreuse qu'il a eu à croire à la sincérité de ces anciennes relations , on ne devrait pas s'étouffer pour autant.. D'autant plus que si vous écoutez les " delicatesses" avec lesquelles se sont écharpes les candidats à la présidentielle us , de corruption de meurtre de sexisme et du manque d'éthique, c'est ce qui se dit dans les rues à Téhéran à Moscou et à Damas depuis la nuit des temps . Et Dahyeh aussi . Je ne vois pas pourquoi le Liban devrait se priver de cette nouvelle donne , il devrait être fier d'être un précurseur en la matière.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 12, le 08 novembre 2016

Retour en haut