Pour la seconde fois en quelques semaines, le secrétaire général du Hezbollah a évoqué le chef des Forces libanaises, sans le nommer, dans son discours. La première fois, il avait exprimé l'appui clair de son parti à l'élection du général Michel Aoun à la présidence de la République, allant même jusqu'à demander à ceux qui ont des doutes sur cette position de regarder les bulletins des députés membres du bloc de la résistance pendant le vote en dépit du fait que celui-ci doit être secret. La seconde fois, il a rappelé que son parti a été accusé de vouloir entraver l'élection de M. Aoun et que certains continuent à le soupçonner de vouloir bloquer la formation du gouvernement.
Cette plaidoirie du secrétaire général du Hezbollah est assez rare, notamment au sujet de dossiers internes, pour justifier que l'on s'y arrête. D'abord, elle suppose que les manœuvres systématiques, principalement du chef des Forces libanaises, pour semer le doute chez les partisans du général Aoun au sujet de la véritable position du Hezbollah ont relativement porté leurs fruits. C'est pourquoi Hassan Nasrallah s'est cru obligé de rappeler que son parti avait été accusé de ne pas vouloir d'élection avant que ne se précise une solution en Syrie. Dans les milieux des FL, on affirmait ainsi que le Hezbollah faisait semblant d'appuyer Aoun pour cacher son désir de maintenir la vacance à la tête de l'État. D'ailleurs, le Premier ministre désigné Saad Hariri a aussi repris cette idée dans ses déclarations au cours des dix derniers jours, en disant que le candidat du Hezbollah était en fait le vide. Hassan Nasrallah a donc jugé bon de mettre les points sur les i, d'abord pour les partisans du CPL, ensuite pour sa propre base, que les doutes exprimés peuvent blesser.
Il a ainsi rappelé que le choix d'appuyer la candidature de Michel Aoun à la présidence a été pris il y a plus de deux ans, lorsque ce dernier a annoncé son intention d'être candidat. Il s'agit d'une décision stratégique qui ne souffre d'aucune mise en doute, selon lui. Preuve en est que le Hezbollah a consenti « un grand sacrifice » pour permettre l'arrivée de M. Aoun à la présidence, qui consiste dans l'acceptation du retour de Saad Hariri au Sérail. Les sources proches du Hezbollah rappellent à cet égard qu'en 2011, après avoir fait chuter le gouvernement de Saad Hariri en janvier, Hassan Nasrallah avait reçu la visite urgente des ministres des Affaires étrangères du Qatar et de la Turquie. Les deux hommes lui proposaient une série d'acquis, concrétisés par un document portant la signature de M. Hariri lui-même, moyennant le retour de ce dernier à la tête du gouvernement. En dépit de ces appâts, Hassan Nasrallah avait refusé la proposition, pour ce qu'il avait alors qualifié de « position de principe ». Or, il est revenu sur sa décision récemment et il a accepté le retour de Saad Hariri au Sérail, avec pour seule contrepartie l'élection de Michel Aoun à la présidence. C'est en ce sens que le patron du Hezbollah a considéré que son parti a fait un grand sacrifice pour faciliter l'élection de son allié stratégique, le général Aoun.
Contrairement à ce qui a été suggéré dans les médias, Nasrallah a donc précisé qu'il n'y a eu aucun accord préalable, ni des ententes particulières. Il s'agissait simplement d'un compromis « équitable » dans lequel le courant du Futur vote en faveur de Michel Aoun alors que le Hezbollah accepte la désignation de Saad Hariri à la tête du gouvernement. Pour le Hezbollah, le parti a donc tenu la promesse qu'il s'était faite à lui-même de tout faire pour faciliter l'élection de Michel Aoun à la présidence, en dépit de toutes les pressions exercées sur lui et de toutes les accusations de blocage qui lui ont été adressées au cours des deux dernières années. Les sources proches du Hezbollah précisent aussi que ces accusations étaient donc justifiées dans la mesure où le Hezbollah, avec ses alliés du 8 Mars, ont empêché la réalisation du quorum des deux tiers pendant 45 séances parlementaires d'élection présidentielle au cours des deux dernières années. Mais contrairement à ce que croyaient certaines parties politiques qui avaient bâti des théories sur une hypothèse fausse, le Hezbollah n'agissait pas ainsi pour maintenir le vide à la présidence, mais pour empêcher toute autre personnalité que le général Aoun d'être élue à la tête de l'État.
Aujourd'hui, le Hezbollah considère donc qu'il a marqué un point stratégique en aidant le candidat qu'il appuie à arriver à Baabda, et, en même temps, en montrant à toutes les parties internes qu'il est prêt à toutes les concessions pour aider ses alliés. C'est donc, selon les sources proches de ce parti, dans ce même esprit qu'il est prêt à ne pas avoir d'exigences particulières dans la formation du gouvernement, se contentant de laisser le président de la Chambre mener les négociations au sujet de la part de la communauté chiite. Hassan Nasrallah l'a d'ailleurs répété dans son discours de vendredi : le Hezbollah a pleinement confiance dans la personne du nouveau président, qui a, à son tour, résisté à toutes les offres alléchantes, dont la présidence, pour défaire son alliance avec le Hezbollah. Selon ses proches, Hassan Nasrallah a ainsi voulu démentir toutes les rumeurs sur d'éventuelles frictions entre le Hezbollah et le nouveau président, et déjouer à l'avance les manœuvres de ceux qui cherchent encore à semer la suspicion entre la base du CPL et celle de la formation chiite. Cela suffira-t-il à dissiper les appréhensions ? La situation est loin d'être simple et les spéculations restent multiples.
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commentaires (5)
En bref, le Hezbollah a en effet bloqué le pays sachant que s'il y avait des élections constitutionnelles légales son candidat perdrait! Le coup d’état contre le gouvernement Hariri en 2008 avait pour but d'effacer leur défaite lors des élections de 2005 et de retourner la situation en sa faveur. Coup raté puisqu'il a aussi perdue les élections de 2009. Reconnaître avoir bloqué les élections de peur de voir un autre a la place du fou de la République, contredit le but de votre article qui est de blanchir le Hezbollah aux yeux de l'opinion publique, puisqu'il est clair que s'il y a eu sacrifice c'est bien le 14 Mars qui l'a fait acceptant un incompétent, instable et criminel personnage a prendre le gouvernail de la Présidence pour éviter que l’état ne s’écroule totalement. Remettons les pendules a l'heure: Ni le Hezbollah, ni Bashar, ni les Russes ne se battent contre l'EI. Ce sont les Ricains qui le font avec leurs alliés. Ceci dit, tous savent qu’après les élections US le compte a rebours va recommencer. Tous savent aussi que le Liban est ligne rouge sinon...! Le Hezbollah a donc préféré voir un idiot a la Présidence ayant un risque élevé de faire des conneries leur permettant de réagir a leur avantage qu'un Libanais patriote qui agira dans l’intérêt du pays. Ils ont préféré Aoun a Franjieh. C'est tout dire! Stratégique la décision en effet!
Pierre Hadjigeorgiou
16 h 31, le 08 novembre 2016