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Liban - Témoignage

« Il suffit de traverser la cour pour recevoir sur les mains quelques gommettes éparses... »

Depuis des années, Offre-Joie accueille des Libanais en soutien scolaire et s'est adapté à l'une des plus graves crises humanitaires actuelles en recevant des enfants syriens afin qu'ils puissent retrouver une vie un peu plus normale.

Le centre Offre-Joie de Kfifane accueille environ 200 Syriens le matin et 40 Libanais l’après-midi.

C'est une école perchée entre les oliviers, sur les flancs des montagnes de Kfifane, aux allures d'utopie, mais qui pourtant effectue des missions bien concrètes. Le centre d'Offre-Joie, tout le monde le connaît dans le village. Il accueille environ 200 Syriens le matin et 40 Libanais l'après-midi. Volontaire française parmi quatre autres, j'ai été projetée dans une autre sphère. Adieu superflu, confort et petits tracas : place à l'essentiel, au partage de moments simples de la vie. Il suffit de traverser la cour pour recevoir sur les mains quelques gommettes éparses, collées furtivement. De ces trois mois passés en compagnie d'enfants syriens, on ne peut retenir que des visages tournés vers vous et des bras ouverts qui vous enlacent les jambes. Offre-Joie, ce ne sont pas des réfugiés, ce sont seulement des enfants. Des victimes de la guerre qui souhaitent vivre normalement. Malgré leurs conditions de vie misérables – certains s'entassent à 9 dans la même pièce d'une maison informelle –, les enfants ont cette force tirée du passé de profiter de ce privilège exorbitant qu'est le présent.

Nour, Hala, Fatmé, Mohammad, Wadih, Farès, Nasser, Raghat... Ce seront ces noms aux intonations d'un ailleurs oriental et leurs sourires aux dents de lait qui me resteront en mémoire. Je me souviendrai aussi du regard intense de Maria, qui avait marché une heure sur les chemins de montagne pour passer quelques instants de plus, le temps d'une soirée d'un bleu profond, en compagnie des volontaires. Elle n'était pas volubile, mais répondait aisément aux questions : si sa famille a quitté la Syrie, c'est parce qu'elle a vu « toutes les maisons détruites aux alentours, sauf la sienne qui était connue de tout son village ». Les souffrances dont elle a été témoin ont aggravé les pupilles brunes de cette gamine de 10 ans, comme celles de tant d'autres enfants dont les regards sont parfois renversants de tristesse. Il me restera de même l'application des enfants à prononcer le « r » à la française, qui ressemblait davantage aux bruits poussifs d'un pénible démarrage en côte, et me faisait décrocher des sourires amusés.


(Lire aussi : Faire revivre aux petits réfugiés syriens au Liban leur pays perdu)

 

La violence en filigrane
L'équipe pédagogique d'une dizaine de professeurs essaie de leur inculquer, tant bien que mal, les valeurs d'Offre-Joie, obligeant à voir ce qui échappe au cadre de perception conventionnel : amour, respect, pardon. Trois doigts projetés vers l'avant comme signe de rappel que nous pouvons remédier à la violence. Car la violence reste malgré tout en filigrane dans leur quotidien. Certains sont contraints dès l'âge de 11 ans de quitter l'école pour aider financièrement leurs familles en travaillant dans des « dekkénés » : « Tu as de mauvaises notes ? Alors, tu seras plus utile à ramener de l'argent à la maison. » Comment faire comprendre à ces parents démunis que l'école leur offrira justement leur liberté de penser et leur rapportera bien plus que ces quelques livres libanaises acquises au prix d'un travail sans lendemain ?

Offrir l'éducation ou comment dévouer sa vie à les délivrer de l'ignorance et former leur regard. C'est si facile de faire taire cette « révolution silencieuse »... L'école efface ses nombreux besoins grâce au bénévolat ou aux dons de particuliers. Timidement, des partenariats se forment avec quelques écoles libanaises ou françaises. Au contact des enfants, les élèves libanais dépassent les conflits générationnels et déconstruisent certains préjugés : les échanges en classe en deviennent alors plus nourris.
Offre-Joie ? On en ressort avec un élan vital et une furieuse envie d'oser. Et décorée de gommettes aux couleurs vives, uniques trésors et signes de reconnaissance des enfants.

 

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C'est une école perchée entre les oliviers, sur les flancs des montagnes de Kfifane, aux allures d'utopie, mais qui pourtant effectue des missions bien concrètes. Le centre d'Offre-Joie, tout le monde le connaît dans le village. Il accueille environ 200 Syriens le matin et 40 Libanais l'après-midi. Volontaire française parmi quatre autres, j'ai été projetée dans une autre sphère. Adieu...

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