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Liban - Association

« Libami » : rendez-vous avec le don

Comparé au fléau de la corruption, qui s'étale bruyamment sur nos écrans, le fléau de la pauvreté dévaste le Liban en silence.

Session de travaux manuels à Libami. Un enfant qui se sent aimé est un enfant heureux.

La guerre en Syrie et l'afflux des réfugiés ont aggravé au-delà de tout ce qu'on peut imaginer le malaise social, frappant les catégories les plus vulnérables, celle des journaliers, des petits métiers sans qualification, des petits commerces, des services. La « grande misère » a désormais droit de cité chez nous. La grande misère, c'est-à-dire des enfants qui dorment sans manger, des sandwiches de pain sec ou de purée de tomates, des malades qui meurent faute de soins, des logements insalubres, glacials l'hiver, torrides l'été, des enfants condamnés au décrochage scolaire, parce que leurs parents sont illettrés, ou par absence d'un coin où ils peuvent étudier. Sans parler de la violence conjugale ou des abus sur mineurs.
Née durant les années de guerre, Libami (pour LIBan-AMItié), est une association nichée au cœur du périmètre surpeuplé de Sin el-Fil-Bourj Hammoud-Nabaa, qui lutte avec des moyens rudimentaires contre ce fléau. Elle a vu le jour un peu par hasard, en 1986, à la suite d'un cri d'alarme lancé par Nohad Azzi, une veuve de Damour, au père Francis Leduc. Relevant de la congrégation des Pères blancs, ce dernier enseignait depuis vingt ans la théologie morale à l'Institut supérieur des études religieuses de l'USJ. Au moment de l'appel, il passait en France une année sabbatique. Il s'agissait de sauver d'un naufrage social certain un cultivateur dont venait de lui parler une religieuse des Saints-Cœurs, Rachidé Maalouli. Le malheureux avait perdu les deux jambes dans l'explosion d'une mine. L'opération et l'achat de prothèses étaient absolument hors de ses moyens.


Grâce à un rapide « tour de table » auprès de ses amis, le père Leduc finit par envoyer à Mme Azzi une lettre contenant 2 000 francs. « C'était une lettre piégée », commente aujourd'hui le père Leduc. L'homme est sauvé. Dans le Liban des années 1980, où la guerre fait rage, la nouvelle se propage. Les familles frappent à la porte de Nohad Azzi et du père Leduc. En France, un confrère au père Leduc crée une association de parrainage. Libami voit le jour. Aujourd'hui près de 330 familles en détresse sont aidées par une association installée dans deux appartements superposés de Sin el-Fil, achetés grâce à un don.

 

Liens de confiance
Encadré par neuf membres permanents, des assistantes médico-sociales et des stagiaires venus de l'École libanaise de formation sociale de l'USJ et de la faculté de santé publique de l'UL, Libami agit d'abord à travers des rencontres avec les familles qui permettent de nouer des liens de confiance. Celles que l'on choisit d'aider viennent de la plus grande misère. Ce sont des familles privées de couverture médicale ou sociale, formées de cinq, six ou neuf personnes qui s'entassent dans une pièce unique, avec un semblant de cuisine, des matelas roulés et un téléviseur, pour maintenir le lien social (alors que pour le riche, la télévision le coupe). La mère est en général femme de ménage, le père journalier, malade ou chômeur. Parmi les enfants, certains souffrent de traumatismes divers, d'autisme, de retard mental, etc.


Avec ces familles, Libami établit un plan d'action pouvant revêtir différentes formes : aides d'urgence (en général médicales, mais aussi, selon les saisons, chaufferettes, ventilateurs, couvertures, tapis, denrées alimentaires), aides régulières sous forme de parrainage scolaire, intégration les membres de la famille dans les activités organisées par Libami (dont le fleuron est un atelier de fabrication de chocolat, avec un produit de première qualité venu de Belgique).


Les parrainages sont proposés aux enfants dont les parents ne peuvent assurer la totalité des frais de scolarisation. En outre, pour les universitaires, l'association a mis au point un programme « transport » dont profitent les étudiants qui auraient dû renoncer à leurs études sans ce soutien financier.
Libami assure aussi un soutien scolaire aux jeunes qui habitent des logements exigus où l'espace de travail manque, ou dont les parents sont illettrés. L'association met à leur disposition ses locaux chaque après-midi, de lundi au vendredi. Un repas chaud leur est en outre assuré.


Au besoin, un support psychologique est assuré aux familles en difficulté psychologique : chez les parents, violence subie, manque de confiance en soi, dépression et conflits conjugaux. Chez les enfants, retard scolaire, hyperactivité, repli sur soi, agressivité, etc.
Libami propose aussi diverses activités de jour : clubs pour enfants et adolescents (samedi), rencontres avec les mamans, fabrication de chocolat et cuisine, journées « plein air », etc.
Par la force des choses, Libami fonctionne aussi comme agence d'emploi et dispose de ce que les organisateurs appellent « des pistes » pour trouver des emplois aux familles menacées par le chômage.

 

Les plus pauvres sont les plus touchés
Quelques donateurs participent au financement des activités de Libami, au Liban et en France. Mais l'association est loin d'être à flot. C'est tous les jours de nouvelles difficultés qui se présentent, dans ces quartiers où se côtoient Libanais, Kurdes, Arméniens, Égyptiens, Irakiens et de plus en plus de Syriens. C'est peut-être là que le bât blesse. Cet afflux frappe de plein fouet les plus pauvres. Ainsi, ce logeur (aisé) qui reprend à une famille libanaise un appartement pour y loger, pour cent cinquante dollars supplémentaires par mois, cinq familles syriennes qui le compartimentent avec des draps. Les besoins restent donc immenses et les possibilités d'aider infinies. La moitié environ des dons que Libami reçoit vient de France et de Belgique, et une moindre partie du Canada, d'Allemagne ou d'Italie. Reste quelque 13 000 dollars mensuels de frais de fonctionnement, mais l'ami de Dieu prêt à financer ces salaires reste pour le moment introuvable. Par contre, ce qu'on appelle ici « les dons flottants » finissent toujours par combler les déficits des « dons stables » et par répondre aux besoins.


Sous la pression des besoins, un comité de coordination entre 26 associations, municipalités et dispensaires situés à Nabaa, Sin el-Fil et Bourj Hammoud s'est formé. Cette coopération s'avère indispensable dans certains cas. Un accord existe aussi avec l'hôpital Jeitaoui, auquel sont référés certains malades pour vaccins, examens ou soins. Dans certains cas graves, des familles sont sollicitées, confie Mme Azzi, mais il s'agit « d'une roue de secours dont il ne faut pas abuser ».
Dans son exhortation apostolique La Joie de l'Évangile, François affirme : « La disparité sociale est la racine de tous les maux » (202). On ne saurait mieux dire. En attendant la disparition de la disparité, SGBL Association amis de la famille, numéro de compte 083458 ou Bank Audi Libami, n° 346277. On peut aussi joindre le père Leduc ou Mme Azzi aux numéros suivants : 01/498462 ou 01/511810.

La guerre en Syrie et l'afflux des réfugiés ont aggravé au-delà de tout ce qu'on peut imaginer le malaise social, frappant les catégories les plus vulnérables, celle des journaliers, des petits métiers sans qualification, des petits commerces, des services. La « grande misère » a désormais droit de cité chez nous. La grande misère, c'est-à-dire des enfants qui dorment...

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