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Liban - Justice

Inauguration d’un colloque international sur le génocide arménien : pour une nouvelle approche, centrée sur le dédommagement

Un séminaire sur le génocide arménien ayant pour thème « De la reconnaissance à l’indemnisation » se tient aujourd’hui et demain au siège du catholicossat arménien, en présence de juristes internationaux.

Le catholicos de Cilicie s’attarde autant sur la reconnaissance que sur l’indemnisation du peuple massacré et déporté.Photos Marwan Assaf

Le séminaire sur le génocide arménien qu’organise le catholicossat arménien de Cilicie amorce une problématique nouvelle, celle de l’indemnisation, qui vient appuyer l’appel assidu à la reconnaissance internationale des massacres de 1915-1916. À l’occasion de l’inauguration du séminaire hier (« De la reconnaissance à la réparation »), le catholicossat a explicité dans un communiqué les enjeux qu’il est déterminé à soulever. « Le dédommagement matériel, humain et moral, qui revient de droit au peuple arménien, depuis 1915, constitue l’objet premier du séminaire », souligne le communiqué, mettant l’accent sur « les biens sacrés des milliers d’églises et monastères de Cilicie et de l’Ouest de l’Arménie (l’actuel Sud-Est de la Turquie), pillés par l’Empire ottoman, et que l’État turc refuse de rendre jusqu’à ce jour ».

Aram 1er : « Un cri de conscience »...
Dans son allocution, le catholicos Mgr Aram 1er a situé la tenue du colloque par rapport à une sensibilité accrue, sur la scène internationale, à l’égard du génocide, « qui a dépassé les seules limites des relations turco-arméniennes pour devenir partie intégrante de l’agenda mondial ». Cette transformation rejaillit notamment au niveau de la décision récente de la Chambre des représentants des États-Unis qui somme la Turquie de remettre aux ayants droit les lieux de culte confisqués, ainsi que les biens de l’Église dérobés. Le catholicossat est actuellement déterminé à mettre cette demande à exécution, puisque « les droits de l’homme ne sont pas optionnels, mais intrinsèques au message évangélique ». Et le séminaire est à la fois un moyen de réfléchir aux voies juridiques permettant cela et « un cri de conscience que nous adressons au monde entier ».
Mgr Aram 1er a rappelé les normes internationales qui sacralisent les droits de l’homme (notamment la Charte universelle des droits de l’homme), avant de s’attarder sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (l’une des premières conventions onusiennes relatives au droit humanitaire, adoptées en 1948). « L’effet rétroactif de la Convention sur le génocide est une affaire critique qui sera certainement traitée lors du colloque », a relevé Mgr Aram 1er. Et de conclure : « La reconnaissance formelle du génocide arménien est une condition sine qua non pour toute tentative ou procédure visant à rétablir la justice. »

 « Le déni », substitut à la non-reconnaissance turque
Cette question de reconnaissance vient donc se greffer inévitablement sur la réparation. Mais la logique du séminaire semble tendre vers un certain affranchissement de cette reconnaissance, comme condition de l’indemnisation. C’est d’ailleurs ce point qui a particulièrement été valorisé par Joe Verhoeven, juge ad hoc à la Cour internationale de justice (CIJ). « Le point de vue du catholicossat est correct, puisqu’il articule son approche sur les deux aspects de la reconnaissance et de l’indemnisation », affirme-t-il de prime abord. Estimant que « le génocide est indiscutablement le résultat d’une politique décidée par l’Empire ottoman », M. Verhoeven rappelle qu’il s’agit d’une « histoire tragique, dont la diffusion auprès de l’opinion publique aurait dû se faire plus efficacement ». Il précise néanmoins que « le génocide n’est pas, à l’instar de la paternité, un problème juridique où la reconnaissance importe ». « C’est un fait que personne ne réfute désormais », martèle-t-il. Dans ce cadre, il interprète l’aversion de la Turquie à reconnaître le génocide comme « un refus d’assumer sa responsabilité, car elle est dans le déni même du fait ». L’enjeu devient ainsi celui de « punir les autorités turques pour avoir menti ». Professeur de droit international public à Paris II-Assas, il amoindrit la portée « du débat public qui entoure actuellement la loi pénalisant la négation du génocide arménien, votée par le Sénat. Ce n’est pas là l’appui central d’une éventuelle révélation de la vérité sur le génocide arménien ». L’enjeu n’est donc plus celui de l’existence du génocide, mais du « respect à rendre à la dignité de tout un peuple, dont l’identité même a été lapidée ». Et face à cela, « la Turquie n’est plus en position de nier ce qu’elle devrait accepter », conclut-il.

De la qualification de génocide
En outre, l’approche du juge Fausto Pocar, ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, apporte elle aussi une innovation juridique relative au génocide. Rappelant que celui-ci se définit comme « l’extermination intentionnelle d’un groupe », M. Pocar a insisté sur « l’intention » pour cerner la réalité d’un génocide. Si les cas de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda auront clarifié les actes propres à définir un génocide, celui du peuple arménien et l’atermoiement au niveau de sa reconnaissance pavent la voie à une nouvelle approche, réitérée hier par M. Pocar : « L’intention peut être inférée par des actes qui ne sont pas proprement caractéristiques du génocide. » Cette intention peut donc se dégager, au-delà des massacres et des déportations, d’un contexte trahissant une volonté d’extermination d’un groupe.
Les sessions de réflexion et de débat qui animeront le siège du catholicossat arménien de Cilicie à Antélias, aujourd’hui et demain, en présence de juristes et d’experts du génocide arménien, promettent ainsi de consacrer une nouvelle stratégie légale, qui complète les lacunes de la reconnaissance par l’indemnisation concrète d’un peuple persévérant.
Le séminaire sur le génocide arménien qu’organise le catholicossat arménien de Cilicie amorce une problématique nouvelle, celle de l’indemnisation, qui vient appuyer l’appel assidu à la reconnaissance internationale des massacres de 1915-1916. À l’occasion de l’inauguration du séminaire hier (« De la reconnaissance à la réparation »), le catholicossat a explicité dans un...
commentaires (8)

Les ou des. Cela va de soi et cela n'est pas mieux en le disant....

Saleh Issal

12 h 10, le 24 février 2012

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Commentaires (8)

  • Les ou des. Cela va de soi et cela n'est pas mieux en le disant....

    Saleh Issal

    12 h 10, le 24 février 2012

  • Je suis d'accord pour que: – Les Arméniens se voient restituer ce qui leur a été volé par les Turcs ou les Kurdes – Les Kurdes se voient restituer ce qui leur a été volé par les Turcs, les Irakiens, les Syriens – Les Palestiniens se voient restituer ce qui leur a été volé par les Israéliens. – Tous les habitants de tous les continents se voient restituer ce qui leur a été volé par DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE... etc... etc... Vous n'en connaissez pas ? Moi oui! Sur ce chapitre-là, il y a du pain sur la planche. Voilà qui donne un sens à la vie! Où sont les avocats et les ONG qui défendraient (gratuitement) les intérêts de toutes ces personnes qui ont été spoliées ? De ceux qui, à cause d'un Etat, de l'ignorance, du fanatisme, de la cupidité, d'une famille, sont aujourd'hui dans la précarité et qui se consolent à l'idée que, dans un autre Monde, justice sera faite...

    Nayla Sursock

    11 h 29, le 24 février 2012

  • Désolée, mais certains internautes généralisent. Vous n'avez pas le droit de dire LES KURDES ont été le bras armé des Turcs, mais DES KURDES. Car si certaines tribus kurdes ont effectivement obéi aux ordres des Sultans puis de Mustafa Kemal, d'autres n'ont pas répondu aux injonctions des Turcs. Certains Kurdes ont SAUVE des Arméniens. Ils ont adopté des enfants rescapés des massacres et les ont éduqués. Je connais plusieurs familles mixtes arméno-kurdes qui vivent dans l'harmonie. De même, on ne peut pas dire que tous LES ITALIENS étaient fascistes et que tous LES ALLEMANDS étaient des nazis... ni que tous les Palestiniens étaient des terroristes. Ni que les Libanais sont tous des traficants de drogue (comme certains le disent dans plusieurs pays européens...). La généralisation est un acte dangereux.

    Nayla Sursock

    11 h 21, le 24 février 2012

  • Mr Karamoun. Vous avez raison. Les Kurdes ont été utilisés pour le génocide. Et cela avait déjà été le cas lorsque le sultan Abdul Hamid "Le Rouge" avait, quelques dizaines d'années avant les Jeunes-Turcs, éliminé 250 000 Arméniens, dont tous ceux de l'armée , et chargé les Kurdes de cette besogne. Aussi quand les occidentaux ont exigé l'arrêt des massacres, il leur a répondu : "Ce n'est pas moi, ce sont les Kurdes" ! Exactement la réponse du Hezbollah et du huit mars : Ce n'est pas nous , ce sont les Israéliens (mais rappelez vous que les milieux de Lahoud ont fait courir le bruit que cela pouvait venir des Kurdes....). Il s'agit ici évidemment de certains assassinats. Donc nous attendons les présumés assassins Kurdes.

    Saleh Issal

    09 h 37, le 24 février 2012

  • Il serait temps que la Turquie reconnaisse le génocide arménien et qu'elle indemnise les Arméniens. Une fois cela réalisé, elle pourra se permettre de jouer au «gendarme» du Moyen-Orient puisque ce rôle qui semble lui plaire... Mais on peut se demander de quel droit la Turquie, non exemplaire sur le plan des droits de l'homme (Arméniens, Kurdes, liberté d'expression etc...) serait le «gendarme» du Moyen-Orient. Le temps des Ottomans est révolu...mais les Turcs sont curieusement toujours animé par un sentiment de supériorité à l'égard des Arabes, des Persans, des Arméniens, des Kurdes... Ils considèrent qu'ils sont les «plus évolués» du Moyen-Orient et leur chauvinisme m'exaspère...

    Nayla Sursock

    08 h 19, le 24 février 2012

  • De même pour les kurdes de Turquie qui devront aussi le reconnaitre, ce Génocide, ayant été le bras armé des Ottomans de ce temps-là, ayant investi les villages et pris les Biens arméniens jusqu'aux temps présents !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    07 h 49, le 24 février 2012

  • Tout le monde connaît la fameuse phrase de Hitler qui préparait la réunion de Wannsee : "Qui se souvient encore du génocide arménien ? ". On ne se souvient bien que de ce que l'on veut à tout prix occulter. Si les Turcs veulent que le monde oublie le génocide arménien, ils devront commencer par le reconnaitre.

    Saleh Issal

    04 h 45, le 24 février 2012

  • La demande pour l’indemnisation concrète du peuple arménien persévérant,est une riposte indirecte à la Turquie qui avec les printemps arabes veut revenir de force dans la région. Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    02 h 00, le 24 février 2012

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