Le torchon brûle entre Pharaon et la direction du Casino

À quelques mois de la hausse prévue du prélèvement exercé par l'État sur les revenus des jeux au Casino du Liban (CdL), le ministère du Tourisme est monté en première ligne hier sur le dossier relatif aux finances de l'établissement.

Le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, a reçu hier le PDG du site d'information Lebanon Debate, Michel Kanbour, qui lui a remis un certain nombre de documents exploités par son site.
Depuis mars, Lebanon Debate a publié une série de documents à l'origine non précisée et commentés par ses soins qui dénoncent entre autres une mauvaise gestion financière du CdL, faisant même état de cas de détournements de fonds. Parmi ces documents, certains faisaient état de chèques ex gratia qui auraient été distribués par le bureau du PDG du CdL, Hamid Kreidi, à certains employés et contractuels, pour des montants variant entre 1 000 et 15 000 dollars. Selon Lebanon Debate, ils auraient été en partie octroyés à des employés fictifs. Un autre document publié par le site faisait état du montant des jetons de présence octroyés aux membres du conseil d'administration du CdL lors de leurs réunions, le site dénonçant des montants trop élevés.

« Le dossier du CdL est très important pour le tourisme libanais, car nous sommes témoins du succès des casinos dans le monde tandis que la situation du CdL va de mal en pis », a déclaré M. Pharaon, cité par l'Agence nationale d'information. Le service de presse de la direction du CdL a publié un communiqué en réaction à cette rencontre, réfutant en bloc ces accusations et dénonçant des « positions et déclarations insultantes envers le CdL émises par le ministre du Tourisme Michel Pharaon ».
« Nous assurons au ministre du Tourisme que les soi-disant infractions transmises par Michel Kanbour dans un dossier sont des calomnies et des allégations infondées, dénuées de vérité dont l'explication est tronquée », poursuit le communiqué qui accuse par ailleurs le ministère du Tourisme d'être à l'origine de la fuite de certains de ces documents. Contacté par L'Orient-Le Jour, M. Kreidi n'était pas joignable pour commenter davantage cette affaire.

(Lire aussi: Casino du Liban : deux actionnaires portent plainte contre la direction)

« Menaces »
« En tant que ministère du Tourisme, nous avons essayé depuis plus de deux ans d'attirer l'attention sur ce dossier complexe à travers plusieurs courriers, mais nous nous sommes heurtés à un refus catégorique qui prend la forme de menaces, comme si le simple questionnement de la part du ministère du Tourisme était interdit », a expliqué le ministre. Il faisait référence à plusieurs correspondances adressées par le haut comité de contrôle technique et financier du CdL à sa direction, qui soulèvent notamment plusieurs questions relatives à sa gestion financière et l'exhorte à prendre des mesures pour remédier aux problèmes constatés. Ce comité, où siègent de hauts fonctionnaires des ministères des Finances et du Tourisme, a pour mission de contrôler les revenus des jeux pour le compte de l'État. Dans le cadre du contrat de concession conclu en 1995 entre l'État et la société du Casino – dont 52 % des actions appartiennent à Intra, une filiale de la Banque du Liban – l'établissement reverse 40 % de ses revenus à l'État (en sus de l'impôt de 15 % sur les bénéfices), un prélèvement destiné à être relevé à 50 % entre 2017 et 2026.

« Cette situation ne peut plus continuer car cela mène à un recul des recettes de l'État, celles-ci représentent des dizaines de millions de dollars, d'autant que nous ne savons pas ce qui va advenir au niveau de la part de l'État et du dossier des employés l'an prochain. La situation financière n'est plus supportable, il faut intervenir rapidement afin de mettre un terme à la détérioration qui s'opère, d'autant plus après cette vague de scandales », a poursuivi M. Pharaon.

Dans son communiqué, le service de presse de la direction du CdL dément la mauvaise santé financière de la société, sans pour autant fournir un chiffre pour étayer ses propos. « La gestion actuelle du CdL a créé des profits et a donc augmenté les recettes de l'État à des niveaux record et les actionnaires du Casino du Liban en sont témoins », affirme la direction avant de poursuivre : « Nous espérons que Son Excellence le Ministre du Tourisme puisse exercer le rôle de son ministère qui est d'encourager le tourisme au Liban, au lieu de recourir à des sources douteuses et à des informations fausses de la part de parties qui ont déjà fait l'objet des poursuites. » Le 11 avril dernier, le CdL avait porté plainte pour diffamation contre Lebanon Debate ainsi que le site Lebanon Files – qui avait aussi publié un article le concernant (depuis retiré). Ce procès est encore en cours au Tribunal des imprimés de Baabda.

(Pour mémoire : Le Casino du Liban attend toujours sa réforme)

Autre procès
Hasard du calendrier, le juge du Tribunal des référés de Jounieh a décidé hier de tenir la première audience du procès opposant deux actionnaires au CdL le 28 juillet. Mardi, deux actionnaires du CdL, l'avocat Wadih Akl et son client Naji Salem (également ancien employé du CdL), avaient déposé une plainte contre l'établissement et M. Kreidi, pour mauvaise gestion. Selon Wadih Akl, le chiffre d'affaires du CdL a fondu de plus de 30 % entre 2012 et 2015, à 100 milliards de livres libanaises, raison pour laquelle il a demandé la nomination d'un administrateur judiciaire à la tête de la direction. Dans un communiqué, la direction du CdL avait aussitôt réfuté ces accusations et menacé les plaignants de poursuites pour diffamation. M. Salem, qui avait perdu son emploi suite aux accusations qu'il a porté mi-mai contre la direction lors d'une interview sur la chaîne al-Jadeed, fait aussi l'objet de poursuites pour ces propos.

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