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Liban - Environnement

Aïn Dara : marche citoyenne contre le projet de mégacimenterie

Une centaine de personnes, dont des militants de l'environnement, ont répondu à l'appel de la municipalité du village de Aïn Dara pour s'associer à son initiative visant à protester contre le projet de mégacimenterie lancé par les frères Fattouche.

L’une des grandes carrières visibles de loin, dans la région de Aïn Dara-Dahr el-Baïdar. Photo Nadège Justiniani

L'ambiance est paisible et les familles sont nombreuses. Sur la place du village de Aïn Dara, un petit drone filme la centaine de marcheurs regroupés ce dimanche matin pour protester contre le projet de la mégacimenterie lancé par les frères Fattouche, détenteurs des plus grosses carrières avoisinant le village. La foule est hétéroclite puisque se confondent parmi les habitants des membres de nombreuses ONG environnementales, des représentants de média ainsi que des Libanais non originaires de Aïn Dara. « Ces personnes ont fait le déplacement en famille et viennent de tout le pays, du Nord comme du Sud », nous indique Antoine Haddad, secrétaire général du Renouveau démocratique. Seule la présence soutenue de policiers, militaires et autres services de secours trahit les vives tensions qui entourent l'affrontement entre les exploitants de la vallée et la société civile.

Pour rappel, l'altercation entre une employée de la municipalité et les responsables du projet, au lendemain des élections municipales au Mont-Liban, avait provoqué la colère des habitants en mai dernier et avait déclenché un mouvement uni d'opposition à la mégacimenterie. Le litige portait sur la signature, par la municipalité sortante, de l'autorisation de début des travaux.

Dans un discours prononcé lors de cette journée de rassemblement, l'activiste Abdallah Haddad retrace l'historique des carrières et de leurs effets sur Aïn Dara : « Depuis les années 1990, les exploitations n'ont cessé de se multiplier, et, avec elles, des atteintes à la loi, comme la construction sans permis ou l'extension illégale des sites hors de la superficie permise. » Rappelant que le projet de la mégacimenterie avait d'abord été localisé à Zahlé avant d'être transposé à Aïn Dara, suite au refus de la population dans la capitale de la Békaa, M. Haddad déplore que le village soit devenu « un symbole, celui d'une région où tout est permis ».
M. Haddad mentionne ainsi le danger que représente un tel projet gigantesque sur la population et sur l'environnement : « De nombreuses habitations sont situées dans un rayon très proche de la cimenterie sans oublier l'utilisation et le transport du clinker, une substance qui menace la santé publique de Aïn Dara. » Le clinker est un composant utilisé dans la fabrication du ciment et comporte des résidus de métaux lourds, rendant son utilisation potentiellement toxique


(Pour mémoire : Les hommes de main de Pierre Fattouche, frère du député, tabassent des journalistes d'al-Jadeed)

 

Annulation de permis ministériels
Dans ce combat déséquilibré où David le citoyen défie Goliath l'exploitant puissant, pesant « 200 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel » selon M. Antoine Haddad, la résistance s'organise. Dans cette affaire, l'engagement et la mobilisation nouvelle de la société civile jouent un rôle essentiel. « Vous avez ici le résultat de l'union de 75 ONG qui cherchent à renforcer le pouvoir local, c'est-à-dire les municipalités qui peuvent aujourd'hui bien plus pour le citoyen que le gouvernement national », affirme Gladys Nader, membre du Lebanon Eco Movement.

C'est donc dans l'union et la solidarité que les habitants expriment leur refus catégorique de la réalisation de ce projet. Et l'affaire, pourtant locale, attire de plus en plus l'attention hors de Aïn Dara : « C'est parce que notre cause est juste, affirme Abdallah Haddad, et parce que notre mouvement s'attache au respect de la loi, qui exige une distance de 500 mètres entre la réserve du Chouf et toute activité industrielle. Cet article de loi est totalement ignoré par le projet des exploitants, lequel est en contact direct avec la réserve et à trois kilomètres à peine des premiers cèdres. » Les militants exigent ainsi l'annulation des signatures d'autorisation des travaux par les ministères de l'Environnement et de l'Industrie dans un premier temps. Ils souhaitent également le soutien des politiciens ayant défendu Zahlé contre cette mégacimenterie.


(Pour mémoire : Les habitants de Zahlé unis contre le projet de cimenterie)

 

Antoine Haddad insiste sur l'importance du soutien des pouvoirs publics au mouvement de protestation contre la cimenterie. Le nouveau président de la municipalité, Fouad Haïdamous, jouit d'une forte popularité et affirme que l'environnement est la priorité de son mandat. « Tout notre projet politique est fondé sur les principes de protection de l'environnement », précise M. Haïdamous. Cherchant à transformer le conseil municipal en exemple de bonne gouvernance, il apporte à son village une vision économique alternative, souhaitant réhabiliter l'agriculture sur les terres avoisinantes.

Une vision défendue par Abdallah Haddad qui considère la défense de l'environnement comme un tout, intégrant la santé publique, la préservation des paysages et le développement d'une économie durable. « Il s'agit d'un retour à une économie saine et viable », explique-t-il. Plus généralement, Antoine Haddad estime que le combat que mènent les habitants de Aïn Dara deviendra, peut-être, un modèle nouveau de contestation à portée de tous les Libanais. « Protester à un niveau local, c'est se battre contre les trois problèmes qui infectent le Liban : la corruption, la cupidité et le business sauvage », affirme-t-il.

 

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L'ambiance est paisible et les familles sont nombreuses. Sur la place du village de Aïn Dara, un petit drone filme la centaine de marcheurs regroupés ce dimanche matin pour protester contre le projet de la mégacimenterie lancé par les frères Fattouche, détenteurs des plus grosses carrières avoisinant le village. La foule est hétéroclite puisque se confondent parmi les habitants des...

commentaires (2)

Ils devraient être "jugés" comme ceux de Citroën et Renault après 45....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

21 h 08, le 20 juin 2016

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Commentaires (2)

  • Ils devraient être "jugés" comme ceux de Citroën et Renault après 45....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    21 h 08, le 20 juin 2016

  • Corruption, cupidité et business sauvage, les trois fléaux qui détruisent lentement notre beau Liban ! Honte à tous ces gens "sans conscience" et je leur souhaite vraiment qu'un jour ils payent personnellement pour tout le mal qu'ils infligent à note pays! Irène Saïjd

    Irene Said

    09 h 58, le 20 juin 2016

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