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Liban - La situation

Au Liban-Nord, un scrutin qui confirme des tendances

« No Pasaràn ! » semble dire Boutros Harb à l\'attention de la liste rivale.

Le Liban-Nord n'a pas failli à sa réputation hier, offrant, pour le dernier round de ces élections municipales 2016, des batailles ultrapolitisées, dont l'objectif était pour les forces en présence de délimiter leur périmètre et de tester leur poids sur le terrain. Pourtant, il est toujours bon de le répéter, les municipales ne peuvent que représenter un test vicié à la base par les formes de légitimité anté-étatiques, notamment le facteur familial et les enjeux micros.

Qu'à cela ne tienne, le nouveau round est venu confirmer certaines tendances électorales observées dès la première phase du scrutin, à Beyrouth, au début du mois.
D'abord, les formations politiques ne sont a priori pas aussi puissantes qu'elles pourraient le penser. À trop jeter leurs forces dans la bataille, à trop surpolitiser le terrain, l'effet boomerang est garanti. C'était le cas hier pour le tandem Courant patriotique libre-Forces libanaises, par exemple. Boosté par l'effet Deir el-Qamar et la guerre d'élimination menée contre Dory Chamoun, le bulldozer de Meerab a tenté hier de rééditer l'exploit, avec des résultats mitigés (selon des chiffres encore non officiels, en attendant les résultats du ministère de l'Intérieur), notamment à Tannourine (caza de Batroun), où l'objectif est d'abattre une autre personnalité chrétienne indépendante, Boutros Harb, et à Kobeyate (Akkar), où la cible s'appelait Hadi Hobeiche, l'un des porte-étendards du courant du Futur dans la région.

Si à Kobeyate, le duo CPL-FL serait passé près de l'exploit au terme d'une lutte âpre et serrée – ne perdant qu'à une quarantaine de voix d'écart (18-0, selon des premiers résultats non officiels proclamés par M. Hobeiche) face à la liste appuyée par Hadi Hobeiche (d'autres résultats non vérifiés faisaient état cependant de trois percées de la part de la liste FL-CPL), l'ancien député Mikhaël Daher et le parti Kataëb – le résultat a été beaucoup plus dur à Tannourine, où Boutros Harb l'aurait emporté haut la main, avec environ près de 600 voix d'écart entre le dernier de la liste gagnante et le premier de la liste perdante (selon les premiers résultats).

La victoire de Boutros Harb serait d'autant plus importante qu'elle consacrerait Tannourine comme le verrou imprenable qui continue de faire de la résistance à Gebran Bassil au sein du caza de Batroun, où les FL disposent également d'une base importante. Michel Aoun et Samir Geagea devront donc remettre aux calendes grecques – ou plus vraisemblablement aux prochaines législatives – les « tentatives d'unification du fusil », ou plutôt de monopole de la représentation chrétienne, aux dépens des personnalités indépendantes... Les formations chrétiennes devront revoir, après analyse approfondie des municipales, leurs ambitions (et leur discours monopoliste) à la baisse.

Si dans sa forteresse de Batroun Gebran Bassil l'a emporté hier face à des indépendants dispersés (dont l'un aurait néanmoins percé la liste), deux autres mastodontes parmi les formations chrétiennes – les FL à Bécharré et les Marada à Zghorta – ont dû faire face pour la première fois à une nouvelle donne, qui renvoie elle aussi à ce qui s'est produit dans la capitale, le premier dimanche des élections, puis après face au duopole Amal-Hezbollah au Liban-Sud ou face à l'alliance courant du Futur-Jamaa islamiya à Chehim, dans l'Iqlim el-Kharroub : la réédition du schéma « Beyrouth Madinati », avec l'émergence d'une société civile soucieuse de jeter les bases d'une autre forme de politique face aux formations traditionnelles.

Ainsi, à Bécharré – le nid d'aigle impénétrable de Samir Geagea et des FL – une liste indépendante a obtenu un score honorable dans ce qui ressemblait à un vote de contestation face à la députée Sethrida Geagea, aux commandes dans la région depuis 2005. Et, à Barhalioun, dans le caza de Bécharré, la liste FL est tombée face à celle des familles.

Dans les contrées hyperclaniques de Zghorta aussi, et face à un rouleau compresseur regroupant le haut de gamme de l'ensemble des familles du village et emmené par l'alliance des deux clans rivaux, Sleiman Frangié et Michel Moawad, la liste indépendante formée de jeunes et de représentants de la société civile aurait obtenu autour de 15 % des voix.

(Voir aussi : Municipales 2016 : le scrutin au Liban-Nord et au Akkar, en images)


Précis de décomposition

Le dernier enseignement à tirer de ces municipales, c'est sans doute, après la mort clinique des alliances respectives du 14 Mars et du 8 Mars, ce paysage de dislocation – ou de recomposition, pour les plus optimistes – de « l'ordre ancien » au profit d'un ordre nouveau encore incertain et confus. Dans l'intermédiaire, c'est le chaos qui l'emporte, avec des combats fratricides et des alliances qui, il y a quelques mois encore, paraissaient impensables tant elles sont contre-nature.

Naturellement, la coalition autour du courant du Futur à Beyrouth, le tandem CPL-FL un peu partout, et l'alliance Dory Chamoun-Nagy Boustany à Deir el-Qamar avaient déjà donné un échantillon de cette nouvelle configuration absconse. Hier, une nouvelle alliance contre-nature est née de cette configuration, regroupant les ennemis jurés de la veille : d'une part, Nagib Mikati, Mohammad Safadi, Fayçal Karamé, les représentants de la communauté alaouite et les Ahbache, et de l'autre Saad Hariri et la Jamaa islamiya, à Tripoli, pour une bataille visant à conserver leurs pole positions au sein du leadership de la communauté sunnite, face à un troisième homme voulant tracer à son tour le périmètre de sa popularité tant sur le plan local que communautaire : « l'enfant terrible » Achraf Rifi. À l'alliance Mikati-Hariri, le ministre démissionnaire de la Justice a également dû faire face à une ruée vers les bureaux de vote de l'électorat (alaouite) de Jabal Mohsen, qui a probablement entraîné, en fin de journée, une riposte en termes d'affluence dans les bureaux de vote du quartier sunnite de Bab el-Tebbaneh.

C'est la première fois que le leadership sunnite haririen ainsi que la tendance au compromis du chef du courant du Futur sont aussi clairement remis en question par une personnalité qui le double à droite sur ce qui était devenu, depuis 2005, son terrain de prédilection, en l'occurrence le souverainisme. Mieux encore, cette personnalité est issue directement du camp Hariri, dont elle a été le fer de lance sur le front de la guerre sécuritaire et politique depuis 2005.

À l'heure d'aller sous presse, il était encore trop tôt pour présager des résultats de ce choc de titans sunnites entre un rouleau compresseur politico-financier d'une part, et une figure de plus en plus populaire aussi bien au sein de sa communauté que dans ce qui reste comme opinion publique 14 marsiste transcommunautaire. Des premiers résultats non officiels donnaient une percée considérable – et surprenante – en faveur de la liste d'Achraf Rifi, les chiffres oscillant entre 8 et 12 sièges d'acquis (sur 24) pour l'ancien ministre aux dépens de la coalition adverse, ce qui relèverait tout simplement de l'exploit individuel. Si cela se confirme, il faudra désormais compter avec Achraf Rifi, et commencer à songer, à la Maison du Centre, dès aujourd'hui, à tirer les nombreux enseignements de ce vote, dans une perspective méliorative, loin de l'interminable spirale des déchirements internes.

Un mot, pour finir, sur le taux de participation. Car, in fine, comme l'ont souligné la plupart des candidats et des forces politiques, c'est surtout le sacro-saint principe de la participation qui l'a emporté hier : 45,3 % de participation dans le Liban-Nord et le Akkar – 26,9 % dans le caza de Tripoli (et 25,82 % seulement dans la ville, ce qui reste bien maigre face à tous les poids lourds et tous les enjeux engagés dans la bataille : un autre « vote général de défiance », l'abstention, à analyser de plus près), 43,8 % à Koura, 54,4 % à Batroun, 57,2 % à Minié-Denniyé, 61,6 % dans le Akkar, 36,6 % à Bécharré, et 36,68 % à Zghorta.

 

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Le Liban-Nord n'a pas failli à sa réputation hier, offrant, pour le dernier round de ces élections municipales 2016, des batailles ultrapolitisées, dont l'objectif était pour les forces en présence de délimiter leur périmètre et de tester leur poids sur le terrain. Pourtant, il est toujours bon de le répéter, les municipales ne peuvent que représenter un test vicié à la base par les...

commentaires (5)

C'est une torture, et non des "grâces familiales" !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 18, le 30 mai 2016

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Commentaires (5)

  • C'est une torture, et non des "grâces familiales" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 18, le 30 mai 2016

  • RIFI EST UNE EXCEPTION... MON COMMENTAIRE SE REFERE AUX AUTRES ET NON PAS A CET HOMME -NDIFFFF- HONNETE, VRAI LIBANAIS, HOMME DE FOI ET DE VOLONTE... BRAVO A MES COMPATRIOTES TRIPOLITAINS... VIVE RIFI ! RIFI POUR PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 03, le 30 mai 2016

  • Avec de tels mugissements, apparemment que quelques taureaux de ce genre de région auraient de jeunes veaux fort ressemblants ; car ayant précisément ce même mugissement.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 26, le 30 mai 2016

  • LES MUNICIPALES NE REFLETENT JAMAIS LES TENDANCES POLITIQUES... MAIS CELLES DES APPETITS DE : MINE BIDDOU I 3ABBI IL JEYBE HAL MARRA... LEICH HINNEN OU MA NIHNA... FUTURS ENTREPRENEURS DE TOUTES TENDANCES CONTRE ANCIENS 3ABBI IL JEYBE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 37, le 30 mai 2016

  • il est toujours bon de le répéter, les municipales ne peuvent que représenter un test vicié à la base par les formes de légitimité anté-étatiques, notamment le facteur familial et les enjeux micros. yo2borneh rabbak !! c'est sans doute, après la mort clinique des alliances respectives du 14 Mars et du 8 Mars, ce paysage de dislocation – ou de recomposition, pour les plus optimistes – de « l'ordre ancien » au profit d'un ordre nouveau encore incertain et confus. Dans l'intermédiaire, c'est le chaos qui l'emporte, avec des combats fratricides et des alliances qui, il y a quelques mois encore, paraissaient impensables tant elles sont contre-nature. d'où mon opinion exprimer ici sur le fait que geagea devrait faire demissionner ces deputes .. et de revenir plus fort lors des prochaines elections en organisant un referendum au sein du partie pour faire ressortir les demandes de la base donc le peuple (une partie au moins) Achraf Rifi fidel a lui meme !!

    Bery tus

    04 h 50, le 30 mai 2016

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