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Culture - Design

Richard Yasmine, un « Profane » à la grand-messe milanaise

Au Salon du meuble de Milan*, l'exubérant designer libanais présente, dans la sélection internationale des talents émergents de la Ventura Lambrate, « Profane », une sculpturale table de service d'un baroque absolu.

« Glory Holes » en version socle de grande table. Photo DR

Avec ses lunettes à grande monture et son sweater à capuche rouge, Richard Yasmine annonce d'emblée la couleur. Cet architecte d'intérieur et designer de produits n'entre pas dans le moule des architectes à chemise blanche ou noire, synonymes de minimalisme et de sobriété. Lui, c'est le rouge qu'il préfère. Et tout ce qui va avec: une certaine forme d'exubérance, ou plutôt une exubérance certaine des formes dans les pièces qu'il conçoit. À commencer par la dernière en date: une assez sensationnelle desserte, ou encore table de service, baptisée Profane, qu'il présente au Salon du meuble de Milan, dans le cadre de la 4e édition de la Ventura Lambrate, plateforme (néerlandaise) dédiée à une sélection de talents émergents du design international.

Baroque, byzantin, glamour...
Composé d'un assemblage de 17 éléments – en marbre, en laiton massif poli et tourné à la main, ou encore en métal revêtu de béton – servant de plateaux de présentation, de vase ou sceau à glace, de bols et de jattes aux couvercles rappelant les dômes d'églises byzantines ou les coupoles de minarets, ce meuble hybride, modulable et très ornemental concentre toute la philosophie hédoniste et décomplexée de son concepteur. «Baroque, byzantin, glamour comme une sculpture, c'est un objet qui ne passe pas inaperçu. Normal, vu que je l'ai développé à partir de l'idée qu'il faut se libérer des chapes, des secrets et des rituels socio-communautaires pour assumer pleinement sa singularité», soutient avec conviction ce trentenaire volubile et extraverti, qui a gagné ses galons de designer à force de détermination.

Des rêves et des projets
«Je suis quelqu'un qui met tout en œuvre pour réaliser mes rêves», affirme Richard Yasmine. «Tout jeune, je rêvais de l'Italie, mais nous n'avions pas les moyens de voyager. J'ai alors participé à un concours de dessin lancé par Fabriano dont le prix était un voyage à Rome. Et je l'ai gagné... Idem pour l'architecture qui m'attirait depuis que j'étais gamin. Après un détour par les sciences commerciales, à l'injonction de mes parents qui voulaient un métier "rassurant", et quelques années de travail dans ce domaine, j'ai choisi de revenir à mes premières amours. Je me suis inscrit en architecture d'intérieur à l'UL d'où je suis sorti major de promotion en 2003. Il faut dire que j'étais alors un vrai nerd, constamment plongé dans mes études. Puis tout juste diplômé, j'ai été embauché par Pascal Tarabay, le designer libanais qui venait de retourner de Milan. Avec lui, je me suis immédiatement plongé dans le design de meubles et de produits, et c'est ainsi que j'ai découvert ma vocation.» Il se lance dès lors avec passion, avec rage presque dans ce domaine qui l'attire tant. Et ne rate, du coup, aucune occasion de participer à une compétition ou un appel à projet.
De sa Bouteille embouteillée, installation sculpturale en verre soufflé qui se retrouve à la Biennale de design de Saint-Étienne en 2004, à son Calibre 32, tabourets en assemblage de pièces de bois massif inspirés du mécanisme horloger réalisé dans le cadre d'une compétition lancée par Squad Design lors de la Beirut Design Week de 2014, en passant par «Wonderwood» sa série d'objets en marqueterie de bois massif (noyer, érable et chêne), ses créations attirent l'attention. Notamment, des blogs et magazines spécialisés, tels Dezeen, Design Milk, Journal du Design, ou encore Designboom qui l'accueillent régulièrement dans leurs rubriques.

Nostalgie et provocation
Sa marque de fabrique? Audace, matières nobles et lignes massives, sinon spectaculaires, souvent relevées d'un zeste de provocation. «Je ne me situe pas dans le créneau du design accessible ou écologique, indique-t-il sans ambages. Je créé des pièces uniques ou en éditions très limitées, qui se rapprochent de l'installation, sculpturale et conceptuelle, tout en restant (multi)fonctionnelles».
Parfaite illustration de cette «philosophie», la Glory Holes, une sculpturale table basse (ou d'appoint) réversible et multifonctionnelle conçue sur le thème de la «revanche» et qui a été présentée à la Smogallery dans le cadre de la Beirut Design Week de 2015. Côté pile, elle offre un plateau circulaire en marbre blanc perforé de cercles de différents diamètres dans lesquels sont glissés des soliflores en laiton poli. Côté face, ou plutôt une fois retournée, elle se transforme en socle de grande table et ses soliflores dorés prennent alors un aspect nettement plus phallique. D'autant qu'ils peuvent être démontés pour être utilisés en tant que jouets sexuels!

« Feyrouz-Khairazan »
Mais ne croyez pas pour autant que Richard Yasmine ne pense qu'à ça! Ce jeune homme rangé, qui vit encore chez ses parents en attendant de réaliser son prochain rêve, «acheter une maison à Gemmayzé», a une tendresse particulière pour tout ce qui a trait au patrimoine artisanal levantin. Il s'en inspire largement et le revisite dans des créations, élaborées en collaboration avec des artisans libanais. À l'instar de ses fameuses déclinaisons de la chaise «Khaizaran», qu'il a reconfigurée avec une assise plus large ou même en tabouret-table d'appoint pouvant incorporer un plateau de service, et dans des matériaux nobles (cuir, bois et laiton poli). Une série qu'il a baptisée «Feyrouz-Khairazan», en hommage à une certaine idée du passé de Beyrouth que ce nostalgico-futuriste aime tant!

* Salone Internazionale del Mobile, du 12 au 17 avril.

 

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