Bachar el-Assad a passé une mauvaise semaine. Lundi dernier, Vladimir Poutine annonçait le début du retrait de la majeure partie des forces russes déployées en Syrie. Jeudi, les Kurdes syriens votaient favorablement la création d'une entité « fédérale démocratique ». Vendredi, Staffan de Mistura, l'émissaire de l'Onu pour la Syrie, mettait la pression sur les dirigeants syriens pour qu'ils présentent « une vision plus détaillée de la façon dont ils envisagent la transition politique ». Trois déclarations qui sonnent comme trois mauvaises nouvelles pour le régime syrien qui négocie actuellement, de façon indirecte, avec l'opposition à Genève.
Le timing de ces trois annonces, intimement liées, n'est pas anodin et reflète les tractations en cours entre Washington et Moscou. Russes et Américains veulent que les négociations s'accélèrent, d'où la pression exercée sur le régime, et semblent favorables à l'instauration d'un État fédéral en Syrie. Leurs intérêts sont assez proches – préservation des institutions syriennes, lutte contre les organisations jihadistes –, mais des divergences demeurent quant au sort à réserver à Bachar el-Assad et à la classification des opposants armés au régime syrien dans la catégorie des groupes terroristes. Ces divergences font pour l'instant le jeu du président syrien qui n'a montré jusqu'alors aucune volonté de négocier. Même si les trois événements qui se sont déroulés cette semaine lui sont défavorables, il sait qu'ils ne lui sont pas fatals.
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Que fera Vladimir Poutine ?
Le retrait – partiel – des forces russes ne signifie pas que Moscou abandonne son allié. Les Russes conservent leurs bases de Lattaquié et de Hmeimim, leur système de défense antiaérien, et continuent de bombarder les positions des groupes qu'ils qualifient de terroristes. Mais l'annonce de Vladimir Poutine est peut-être en partie motivée par un agacement vis-à-vis du manque de coopération du régime. L'intervention russe a en effet permis de modifier considérablement le rapport de force sur le terrain, sécurisant la Syrie utile et permettant aux forces loyalistes d'être à l'offensive sur tous les fronts. Mais alors que les Russes semblent se satisfaire de cette situation, M. Assad veut remettre la main sur l'ensemble du territoire. Le retrait russe est notamment un moyen de faire pression sur son allié tout en gardant la main sur la scène diplomatique et en conservant la marge de manœuvre nécessaire pour préserver ses intérêts sur la scène militaire. Avec ce retrait, Vladimir Poutine n'a absolument rien à perdre et tout à gagner. Mais cela suffira-t-il à convaincre son allié syrien de modérer sa position lors des négociations ? Et que fera M. Poutine si ce dernier refuse ? Est-il en position d'imposer tout ce qu'il souhaite au président syrien ? Les Iraniens auront aussi leur mot à dire.
(Dossier spécial : Guerre en Syrie, an V : Pour quoi, pour qui et comment ?)
Risques de partition
L'annonce des Kurdes syriens concernant la création d'une entité « fédérale démocratique » a probablement dû faire bondir les dirigeants à Damas. Forts du soutien de Moscou et de Washington, les Kurdes ont mis la main sur un vaste territoire dans le Nord syrien et ont déjà, de facto, une certaine autonomie. Dans les combats qui les opposent aux rebelles syriens, ils se sont même alliés, de façon indirecte, aux forces loyalistes. Mais cette alliance demeure circonstancielle compte tenu du fait que Damas n'a aucune intention de céder une partie de son pouvoir à une autorité fédérée. Et dans cette lutte, elle devrait trouver un allié assez inattendu : la Turquie. Ankara s'opposera en effet à tout projet d'autonomie pour les Kurdes syriens, craignant que cela déstabilise encore plus sa frontière avec la Syrie. Washington devrait également s'opposer à cette initiative en soutien à son allié turc. La fédération syrienne n'est donc pas encore près de voir le jour. D'autant que beaucoup d'obstacles restent à franchir avant sa mise en œuvre. Qui dominerait les régions de l'Est syrien actuellement sous le joug de l'État islamique ? Comment éviter les risques de partition ? Et surtout : qui aurait la main sur le pouvoir central ? Car davantage que la question de la nature de l'État, c'est bien celle de la nature du régime qui conditionne toute possibilité de trouver une issue au conflit syrien. Avec cette interrogation en toile de fond, à laquelle ni les Russes ni les Américains ne parviennent pour l'instant à trouver une réponse : dans l'équation Assad/régime/Syrie, à quel point la survie de la dernière donnée dépend de celle des deux premières ?
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commentaires (4)
VAINQUEUR LE PEUPLE SYRIEN... OU LE PARTAGE DE FACTO QUE LE PEUPLE SYRIEN NE RECONNAITRA JAMAIS ET LA GUERRE INDEFINIE SERAIT OUVERTE...
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 46, le 21 mars 2016