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Liban - liban

Beyrouth allégée de 8 000 tonnes d’ordures durant le week-end

Adwan affirme attendre la décision du procureur de la République dans l'affaire Sukleen.

Des dizaines de camions s'activaient dimanche depuis 06h00 à enlever les sacs d'ordures, dont des images aériennes ont montré qu'ils ont littéralement pris la forme d'un fleuve à Jdeidé, dans la banlieue nord de Beyrouth. ANWAR AMRO/AFP

Dès 6 heures du matin, samedi, des dizaines de camions s'activaient un peu partout dans Beyrouth pour ramasser les tonnes de déchets amoncelés depuis 8 mois, annonçant par là la fin du long cauchemar vécu par les Libanais depuis la fermeture de la décharge de Naamé, le 17 juillet dernier. Et c'est précisément vers cette même décharge – la plus grande du pays et rouverte, selon les termes du plan mis en place par le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb, pour 60 jours seulement – que vont être acheminés ces déchets.

La population locale ne semble pas s'être accommodée de cette solution malgré son caractère en théorie temporaire, puisqu'un camion-benne de la société Sukleen a été brûlé hier soir dans la région de Dohat Aramoun par un groupe de jeunes qui entendaient protester contre la réouverture de la décharge de Naamé.
Réagissant à l'incident, la société Sukleen a noté dans un communiqué publié un peu plus tard dans la soirée que « ces attaques (...) n'empêcheront pas la société de remplir sa mission en ramassant les déchets et en appliquant le plan adopté par le gouvernement ». Tard dans la soirée, la cellule de crise de Choueifate a publié un communiqué dans lequel elle a condamné la mise à feu du camion de Sukleen, qualifiant cet acte d'« injustifié ».

(Lire aussi : Déchets : cherchez l’argent, l’incivisme et l’esprit de parti !)

 

Vague de contestation à Khaldé et Choueifate
Plus tôt dans la journée d'hier, ce sont les habitants de Khaldé qui ont manifesté contre la réutilisation de la décharge de Naamé, alors qu'à Choueifate ce sont les mères de famille qui sont descendues dans la rue pour exprimer leur mécontentement.
Joint au téléphone par L'Orient-Le Jour, le responsable de la campagne de fermeture de la décharge de Naamé, Ajwad Ayache, a estimé que « le mouvement de protestation sur le terrain, même s'il n'est pas important en nombre, reflète néanmoins le sentiment de mépris ressenti par les habitants. Ils sont également terrifiés par la reprise des activités à Naamé, car ils sentent qu'ils ont désormais à choisir entre mourir intoxiqués ou mourir sous les balles (de l'armée libanaise qui est postée à l'entrée de la décharge, NDLR) ». Et d'ajouter que « les Libanais ne se rendent pas compte des conséquences de cette solution. Déjà, plusieurs membres de ma famille ont choisi de déménager, ils ont loué des appartements loin de la décharge car leurs enfants sont malades en permanence ». Ajwad Ayache poursuit : « Cette solution est un crime commis contre la population locale, c'est pour cela que le fait de s'y opposer relève de la légitime défense pure et simple. »

Même cri de révolte du côté du président du mouvement écologique libanais Paul Abi Rached qui n'a pas hésité à qualifier de « viol » ce que subissent actuellement la localité de Naamé et ses environs. Il affirme ainsi à L'Orient-Le Jour que « cela fait deux ans » qu'il suit ce dossier de près, et que la confrontation aurait pu facilement être évitée « si un dialogue avait été instauré entre le gouvernement et les habitants ». Or, se désole-t-il, « cela n'a pas été fait ». Pour lui, « tout ce qui est en train d'être déposé à Naamé se retrouve dans le poisson que nous mangeons et dans la mer dans laquelle nous nageons, car tout le lixiviat qui s'écoule des ordures trouve le chemin vers la mer et pollue tout ». Et d'ajouter : « Nous avions proposé d'utiliser pour les déchets organiques l'usine de la Quarantaine, et l'usine d'Amroussieh pour les déchets non organiques. En guise d'incinérateurs, nous avions proposé d'utiliser le four des cimenteries et des usines électriques qui tirent l'énergie des matières plastiques non recyclables. Ces solutions n'ont à aucun moment été prises en compte. »

Quoi qu'il en soit, dans la pratique, les « fleuves » de détritus qui ont inondé la capitale 8 mois durant sont donc appelés à disparaître progressivement du paysage libanais. En 24 heures, ce sont déjà « 8 000 tonnes de déchets qui ont été levés », se félicitait hier le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk. S'adressant aux groupes de la société civile, il leur a demandé d'unir leurs forces avec le gouvernement. De son côté, Paul Abi Rached a indiqué que les groupes de défense de l'environnement sont prêts à épauler le gouvernement dans ses efforts « si celui-ci est prêt à faire machine arrière et adopter un plan susceptible de protéger l'environnement et la santé du citoyen ».

Envers et contre tout, du moins pour le moment, ce sera donc vers Naamé, 60 jours durant, que la plupart des déchets seront entreposés en attendant que les mesures logistiques permettent de rendre fonctionnels les dépotoirs de Bourj Hammoud et de Costa Brava. Mais Paul Abi Rached tire également la sonnette d'alarme en affirmant qu'au vu des contacts qui sont actuellement en train d'être entrepris avec les habitants de la région, « nous avons l'impression que Naamé sera amenée à être opérationnelle à long terme et non pas uniquement pour 60 jours ».

Du côté du Costa Brava, le mécontentement est le même. Le conseiller de Talal Arslane, Sélim Hamadé, a fait savoir que « le projet de décharge sera combattu par tous les moyens légaux et légitimes ».
Toutefois, selon le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb, « le plan est en marche et toutes les déchetteries sont concernées ». Il a en outre précisé que « les municipalités qui ont d'ores et déjà commencé à traiter leurs déchets sont exclues de ce plan ». Le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, a quant à lui tenu à saluer « les efforts » fournis par le Premier ministre Tammam Salam et le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb afin de trouver une solution à cette crise et de sauver le pays « d'une catastrophe sanitaire et environnementale certaine ».
De son côté, le Conseil pour le développement et la reconstruction (CDR) a annoncé que « le travail préparatoire est en cours dans les deux points de stockage temporaire, à savoir Bourj Hammoud et à l'embouchure du fleuve Ghadir ».

Adwan attend la décision du procureur dans l'affaire Sukleen
Se prononçant hier sur la mise en application du plan de gestion des déchets, le député Georges Adwan (Forces libanaises) a souligné la lassitude ressentie par les Libanais au sujet de ce dossier, affirmant que ces derniers veulent « être sauvés des déchets à tout prix ». « De par le monde, le citoyen a pour ambition l'économie et la stabilité, alors qu'au Liban nous pensons uniquement à la manière dont nous pouvons nous débarrasser des déchets et comment éviter que les propriétaires des générateurs électriques n'imposent leurs tarifs (...). Aujourd'hui, nous sommes dans l'attente de la décision du procureur général en ce qui concerne le dossier de Sukleen, car il apparaît qu'il existe véritablement une faille dans cette affaire », a-t-il conclu.

 

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Dès 6 heures du matin, samedi, des dizaines de camions s'activaient un peu partout dans Beyrouth pour ramasser les tonnes de déchets amoncelés depuis 8 mois, annonçant par là la fin du long cauchemar vécu par les Libanais depuis la fermeture de la décharge de Naamé, le 17 juillet dernier. Et c'est précisément vers cette même décharge – la plus grande du pays et rouverte, selon les...

commentaires (3)

En fait...on a juste déplacé ces tonnes d'ordures d'un endroit à 'l'autre ! Et après ? Y a-t-il un plan pour la suite, ou allons-nous bientôt revivre le cauchemar de ces derniers mois? Messieurs M. Machnouk et A. Chehayeb, vous rendez-vous seulement compte de ce que cela veut dire: organiser pour l'avenir la collecte journalière des déchets ménagers et savoir quoi en faire après ? Ce que tous les pays ont su organiser...êtes-vous vraiment incapables de le faire ? Irène Saïd

Irene Said

17 h 22, le 21 mars 2016

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Commentaires (3)

  • En fait...on a juste déplacé ces tonnes d'ordures d'un endroit à 'l'autre ! Et après ? Y a-t-il un plan pour la suite, ou allons-nous bientôt revivre le cauchemar de ces derniers mois? Messieurs M. Machnouk et A. Chehayeb, vous rendez-vous seulement compte de ce que cela veut dire: organiser pour l'avenir la collecte journalière des déchets ménagers et savoir quoi en faire après ? Ce que tous les pays ont su organiser...êtes-vous vraiment incapables de le faire ? Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 22, le 21 mars 2016

  • MALGRE QUELQUES TROUS ET LACERATIONS DE DERRIERES COLLES SUR LEURS ETERNELLES CHAISES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 56, le 21 mars 2016

  • "Le dossier de la HONTE". c'est comme ca que devrait être qualifiée la catastrophe écologique qui a frappé notre pays ces derniers 8 mois. nos dirigeants nous ont noyé sous les ordures afin de perfectionner leurs operations de corruptions et d'enrichissement aux depends du peuple, tous cela, sans qu'il n'y ai aucune arrestation et/ou condamnation judiciaire (car personne n'est a blamer dans ce dossier). "Le dossier de la HONTE": car les dirigeants se sont encore une fois moqués de la population... et la population a encore une fois accepté cela sans broncher!

    Hanna Philipe

    10 h 45, le 21 mars 2016

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