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Liban - Archéologie

D’Achrafieh à Zokak el-Blat et Wadi Abou Jmil, l’histoire sous nos pieds

Les chantiers de construction sont l'occasion de fouilles préventives très fructueuses, surtout en vestiges gréco-romains.

Les trois sarcophages en pierre découverts sur le bien-fonds 1082, à la rue du Liban. Photo DGA

Les explorations menées depuis plusieurs mois dans divers quartiers de Beyrouth ont mis au jour un paysage funéraire romain daté du Ier au IIIe siècle de l'ère chrétienne, confirmant ainsi que le monticule d'Achrafieh était une zone consacrée aux inhumations.
Les opérations de fouilles préventives sont une véritable opportunité de mieux connaître l'histoire du pays et d'assurer la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments exhumés. Aussi, la Direction générale des antiquités a déclenché des fouilles d'urgence préalables aux chantiers de construction prévus en différents lieux de la capitale. Le cas échéant, si les sites des fouilles ne peuvent être préservés, il sera procédé à l'analyse et à l'étude exhaustive des niveaux archéologiques avant qu'ils ne soient détruits par les travaux.


Partout, d'Achrafieh à Zokak el-Blat, des complexes funéraires sont déterrés. Tout d'abord, à la rue Sursock où officie l'archéologue Assaad Seif. L'exploration de la parcelle 237 (près de la Croix-Rouge libanaise) a révélé un hypogée d'époque romaine, aménagé dans une fosse creusée en grande partie dans la roche, au Ier siècle après J-C. Il est percé de cinq loculi (niches funéraires servant de sépultures), « surmontés d'arcs décorés de stucs peints », signale Raffi Gergian, responsable auprès de la Direction générale des antiquités des fouilles à Beyrouth et dans le Mont-Liban. Dans l'enceinte extérieure de l'hypogée, une mosaïque à motifs de croix byzantines témoigne de l'utilisation de cette tombe jusqu'au IVe siècle. Des vases d'ex-voto et des lampes à huile en terre cuite ont été découverts au sein des sépultures, mais il semble qu'une grande partie du matériel funéraire ait été saccagé et pillé lors des occupations ultérieures.


Confiée à l'archéologue Maha Masri, la parcelle 115, située face à l'église Saint-Nicolas, à Achrafieh, a livré un cimetière romain, enfoui sous une couche sableuse rouge depuis la première moitié du Ier siècle de l'ère chrétienne. Il abritait une centaine de sarcophages en pierre et en terre cuite. Des traces de clous et de poignées de boîtes laissent supposer que des défunts étaient également inhumés dans des coffres en bois. Outre les ossements recueillis, le squelette entier d'un adulte (d'âge indéterminé) a été exhumé ainsi que celui d'un cheval. Le mobilier funéraire disposé dans les sépultures renferme des poteries, des balsamaires, des verreries, des cruches en plomb, des passoires, des bracelets en bronze, des pinces à cheveux et un outil pour le filage en os. Selon M. Gergian, « il ne s'agit pas de tessons ou de fragments de poteries, mais d'objets presque complets ».

 

Julius et les bijoux
On ne sait pas si la céramique et la verrerie sont une production locale. Ne disposant pas des éléments nécessaires pour raconter l'histoire de ces objets, et en attendant les résultats et données scientifiques des fouilles pour comprendre les pratiques et les rituels qu'elles recèlent, Raffi Gergian s'est borné à des indications générales.
Dans le secteur Medawar (parcelle 660), indique-t-il aussi, les couches superposées, du Ier et IIe siècles de l'ère chrétienne, ont livré plusieurs sépultures inhumées dans le sable dont une pour enfant contenant des lacrymatoires, ces petites fioles dans lesquelles on recueillait les larmes qui coulaient sur les tombeaux. À la limite du terrain, les vestiges d'un réservoir faisant partie d'un pressoir et quatre tombes construites en pierre ont été mis au jour.


De même, trois sarcophages en pierre calcaire et deux autres en terre cuite ont été découverts lors des travaux de consolidation d'un vieux bâtiment à la rue du Liban, parcelle 1082.
Les travaux d'aménagement d'un nouveau parking pour l'USJ (derrière la faculté de médecine) ont endommagé une partie d'une nécropole où reposaient des sarcophages en bois, en pierre et en terre cuite, datant du Ier et IIe siècles après J-C. Les archéologues accourus en hâte ont pu sauver la partie restante du site ainsi qu'une inscription en marbre gravée du nom de Julius. Les tombes, qui se trouvaient presque au niveau de la route, renfermaient de la céramique, des flacons à onguents, des lacrymatoires et des bijoux en or. Et c'est un arbre « hors coupe » qui a préservé quatre sarcophages posés à quelques pieds de ses racines.
Ni vestiges ni poteries à Furn el-Hayek. C'est une carrière gréco-romaine, avec les traces d'extraction et de dimensions des blocs arrachés, qui se trouvait dans le sous-sol du bien-fonds 599, situé près de la pharmacie Berty.

 

(Pour mémoire : Au diable l'histoire et la mémoire, Adloun veut jouer la carte des loisirs)

 

Méduses, bassin et mosaïque
Encore des tombes, mais cette fois à Zokak el-Blat (parcelle 689) où les excavations pilotées par Chaker Ghadban ont permis de dégager les fondations d'un bâtiment ottoman et une carrière romaine de pierre à l'angle de laquelle a été découvert un complexe funéraire à loculi qui aurait servi depuis la moitié du Ier siècle jusqu'au IIIe siècle. Des feuilles d'or et des pièces de monnaies, pour permettre le passage des défunts vers l'au-delà, ont été trouvées dans les tombes. Au nord-ouest de la parcelle, une chambre funéraire sans aucun ornement contenait deux sarcophages de plomb aux parois et couvercles gravés des masques de méduses.
Côté Saïfi, sur le bien-fonds 2, une mosaïque de 6 mètres sur 4 et un bassin d'eau aux bordures offrant un dessin géométrique ont été découverts. Ils font partie de l'atrium d'une villa, datée entre 60 et 150 après J-C. L'ensemble, bien conservé, a été démonté pour être réintégré dans le projet de la nouvelle construction.
Dans le même secteur, les fouilles menées par Joyce Nassar et Julien Chanteau de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO), sur la parcelle 477 (à proximité de l'hôpital Haddad), ont dévoilé deux types de vestiges : deux puits, l'un construit en pierre de taille et l'autre de forme circulaire creusé dans le rocher, ainsi que des infrastructures de canalisations d'eau de l'époque romaine. D'autre part, quatre tombes de pierre relevant de la période phénico-perse ont été mises au jour.
Dans la parcelle annexe, les archéologues ont trouvé les fondations de murs de terrassement et la structure d'une chaussée, remontant à l'époque gréco-romaine.

 

(Pour mémoire : Le cri d'alarme de l'AIST : « Le port de Tyr de nouveau en péril »)

 

Clou des fouilles : un amphithéâtre ?
Des installations antiques pouvant appartenir à l'hippodrome romain ont été découvertes par l'archéologue Mountaha Saghié sur la parcelle n° 808, située à l'ouest du cirque antique, à Wadi Abou Jmil. Raffi Gergian a également indiqué, photo à l'appui, que les fouilles réalisées à l'est de ce même hippodrome (parcelle 1375) ont dévoilé le prolongement du tracé de la spina et une partie des gradins d'un amphithéâtre qui gardent les traces d'un revêtement de marbre. Mais la Direction générale des antiquités a refusé de remettre le cliché en question à L'Orient-Le Jour.
Pour en revenir aux sites funéraires, les tombes récemment mises au jour, ajoutées à celles découvertes ces dernières années à Gemmayzé, Rmeil, rue Beydoun, rue Ghandour el-Saad, Accaoui, La Sagesse, ainsi que dans la zone située entre la rue du Liban et Mar Mitr, à Achrafieh, apportent une somme de connaissances sur la typologie funéraire de la nécropole romaine de Beyrouth et sur les modes d'inhumation à cette période de son histoire.

 

Pour mémoire

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Les explorations menées depuis plusieurs mois dans divers quartiers de Beyrouth ont mis au jour un paysage funéraire romain daté du Ier au IIIe siècle de l'ère chrétienne, confirmant ainsi que le monticule d'Achrafieh était une zone consacrée aux inhumations.Les opérations de fouilles préventives sont une véritable opportunité de mieux connaître l'histoire du pays et d'assurer la...

commentaires (1)

En archéologie on découvre l'inconnu. En politique on couvre le connu.

Jack Gardner

15 h 28, le 04 mars 2016

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Commentaires (1)

  • En archéologie on découvre l'inconnu. En politique on couvre le connu.

    Jack Gardner

    15 h 28, le 04 mars 2016

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