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Économie - Liban - Témoignages

Ces milliers d’expatriés libanais en Arabie qui attendent leur paye de Hariri...

Navire amiral de l'ancien Premier ministre dans le royaume, le groupe de BTP Saudi Oger ne paie plus ses 38 000 salariés depuis plusieurs mois. Avec des conséquences très lourdes pour ces derniers.

En 2013, l’entreprise de Saad Hariri avait déja connu des retards de paiement des salaires. Anwar Amro/AFP

Pris en porte-à-faux par les retombées de la crise diplomatique qui sévit depuis plus d'une semaine entre Beyrouth et Riyad, l'ancien Premier ministre et homme d'affaires Saad Hariri doit aussi gérer celles des mésaventures de son navire amiral dans le royaume wahhabite. Victime de la politique d'austérité mise en œuvre en Arabie saoudite suite à l'effondrement des cours du brut, la grande majorité des 38 000 salariés du géant du BTP Saudi Oger, dont 5 % de Libanais, accusent plusieurs mois de retard dans le paiement de leur salaire.
« Certains ne peuvent plus payer la scolarité de leurs enfants, d'autres ne peuvent même plus payer leur facture de téléphone... », rapporte un ancien employé libanais toujours en contact avec ses anciens collègues. « Le cycle s'est inversé. Avant, c'étaient les Libanais en Arabie saoudite qui envoyaient de l'argent à leur famille. Aujourd'hui, c'est nous qui avons besoin d'aide », ironise un salarié libanais de Saudi Oger, en poste depuis près de 20 ans et ayant requis l'anonymat, comme toutes les personnes ayant accepté de se confier à L'Orient-Le Jour dans le cadre de cet article.

Contactée, Saudi Oger ne communique pas la date exacte du début des retards de paiement des salaires, se bornant à indiquer qu'ils ont commencé « au dernier trimestre 2015 », selon un cadre s'exprimant au nom de l'entreprise, mais tenant néanmoins à rester anonyme. D'après plusieurs sources interrogées, la très grande majorité des employés n'a été payée qu'à la mi-février pour septembre 2015, et en décembre dernier pour le mois d'août 2015. « Tous nos employés sont touchés par les délais, indépendamment de leur travail, de leur nationalité ou de leurs projets. Toutefois, comme certains de nos clients ont honoré leurs obligations de paiements, nos employés travaillant sur ces projets sont moins concernés », ajoute le cadre autorisé à communiquer. En particulier, il semble que les employés travaillant sur les projets supervisés par la compagnie pétrolière Saudi Aramco ne soient pas affectés. Pour les autres, l'entreprise assure également avoir payé le salaire de février, ce qu'aucune source ne confirme bien que des rumeurs circulent à propos d'un paiement imminent.

(Lire aussi : La colère saoudienne et ses conséquences sur le courant du Futur)

 

Non-renouvellement des permis de résidence
« Nous avons bon espoir que l'implémentation de notre nouveau plan financier va réaligner nos opérations et réduire nos coûts », souligne le cadre autorisé à parler pour le groupe. Le 14 février, Saudi Oger a envoyé une lettre à tous ses employés détaillant son plan d'action. Elle y explique qu'à partir de mars, un salaire mensuel sera versé et que le solde impayé sera réglé progressivement. Selon ce qui semble être une copie de cette lettre qui circule sur les réseaux sociaux, Saudi Oger encourage aussi vivement ses employés à s'abstenir de « toute activité perturbatrice ». Une référence voilée aux protestations des nombreux cadres, dont des Libanais, lorsque l'entreprise voulait qu'ils quittent leur logement pour cause de non-paiement des loyers. Référence également aux grèves des employés les moins qualifiés venus en grande majorité d'Asie du Sud-Est (Pakistan, Philippines, Bangladesh...), lancées dès l'été dernier en raison de retards de paiement sur certains sites de construction, selon le groupe Facebook Unofficial: Saudi Oger Lover. « Ils ont très peu d'économies, ce sont les premiers touchés », résume un employé européen.

Ces retards entraînent aussi de graves problèmes administratifs pour les employés étrangers, toutes nationalités confondues. « L'administration publique a arrêté de renouveler les permis de résidence de ses employés jusqu'à ce que leurs salaires soient payés. Lorsqu'ils expirent, les salariés ne peuvent pas conduire ni sortir de l'argent de la banque, ou quitter le pays », explique l'un des administrateurs du groupe Facebook précité.
Des conséquences qui risquent aussi d'aggraver la situation des finances de Saudi Oger. « Le ministère du Travail a imposé des amendes sur de nombreuses entreprises de construction dans le royaume », reconnaît ainsi le cadre autorisé à communiquer, sans donner plus de précisions. D'après un article du journal saoudien Arab News daté d'octobre 2015, les entreprises qui payent leurs salariés en retard doivent s'acquitter d'une amende de 800 dollars par infraction.

(Pour mémoire : Lutfi el-Zein Group acquiert les parts de Saudi Oger dans Medgulf)

 

« J'ai pitié de Saudi Oger »
Non cotée en Bourse, l'entreprise ne communique pas son chiffre d'affaires – estimé aux alentours de 10,4 milliards de dollars par l'agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance) en 2012 – ni sa masse salariale – qui oscillerait entre 53 et 60 millions de dollars par mois selon les différents employés interrogés. Un mastodonte donc, qui ne serait pas un cas isolé, nombre de ses concurrents, dont Saudi Ben Laden et El Seif, seraient également touchés. « La chute des prix du pétrole entraîne une révision des grands projets dans le royaume. Tous les groupes qui dépendaient essentiellement de la dépense publique se retrouvent confrontés à la réorientation des priorités gouvernementales, entraînant une obligation de restructuration, et ce particulièrement dans le BTP », confirme une source diplomatique étrangère à Riyad.

Une centaine de Libanais seraient déjà allés voir ailleurs. « Le problème, c'est qu'il n'y a pas grand-monde qui recrute en ce moment », soupire un autre Libanais qui travaille dans une entreprise de construction en Arabie saoudite. Ces deux dernières semaines, il a reçu une quinzaine de CV d'employés de Saudi Oger.

Les employés qui ont choisi de rester affichent leur optimisme. « Saudi Oger se voit toujours attribuer des projets, comme des palais pour la famille royale », souligne un Libanais, qui ajoute que « l'entreprise a de nombreux actifs dans le monde entier qu'elle peut vendre pour renflouer ses caisses ». Saudi Oger est l'actionnaire majoritaire de Turk Telecom et possède également des parts à la banque jordanienne Arab Bank. « Après 30 ans de maison, je suis confiant », renchérit l'employé européen interrogé. « Ce qui arrive est du jamais-vu, mais je ne vois pas comment une entreprise de cette taille mettrait la clef sous la porte. »

Ils reconnaissent toutefois que ce n'est pas la première fois que l'entreprise de Hariri souffre de retards de paiement. « En 2013, je n'ai pas été payé pendant 5 mois de suite. J'ai dû emprunter auprès de mon entourage pour honorer mes dettes », se souvient un Libanais, ce qui l'a poussé à quitter Saudi Oger après sept ans passés au sein de l'entreprise. Un départ qui n'a pas ébranlé sa loyauté, à l'instar de nombreux de ses ex-collègues : « J'ai pitié de Saudi Oger. Ils ne méritent pas ce qui leur arrive aujourd'hui. » À l'époque déjà, les salariés n'avaient reçu aucune explication sur les raisons de ces retards. Des rumeurs de mauvaise gestion et de fraude ont circulé entre employés et dans la presse. « Personne n'en connaît les vraies raisons. Comme la plupart des autres entreprises de BTP dans le royaume, Saudi Oger est une structure familiale au fonctionnement opaque », observe un employé.

 

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commentaires (5)

IL FAUT ATTENDRE À DES CHANGEMENTS CHEZ NOUS ALORS. LES MERCENAIRES SAOUDIENS VONT TOURNER LEUR VESTE MAINTENANT, MANQUE DE LIQUIDITÉ. ESPÉRANT LA MÊME CHOSE POUR LE HEZBOLLAH. ÇA NOUS LIBÈRE UN PEU DE CES DEUX PAYS, L'IRAN ET L'ARABIE SAOUDITE.

Gebran Eid

15 h 05, le 02 mars 2016

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Commentaires (5)

  • IL FAUT ATTENDRE À DES CHANGEMENTS CHEZ NOUS ALORS. LES MERCENAIRES SAOUDIENS VONT TOURNER LEUR VESTE MAINTENANT, MANQUE DE LIQUIDITÉ. ESPÉRANT LA MÊME CHOSE POUR LE HEZBOLLAH. ÇA NOUS LIBÈRE UN PEU DE CES DEUX PAYS, L'IRAN ET L'ARABIE SAOUDITE.

    Gebran Eid

    15 h 05, le 02 mars 2016

  • Ils ont tellement craché dans la soupe, et voilà le résultat !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 19, le 02 mars 2016

  • les libanais doivent tous aller travailler en iran,un pays en plein boom economique depuis la levee des sanctions....

    HABIBI FRANCAIS

    13 h 09, le 02 mars 2016

  • Autant depuis 40 ans , le pétrole à permis de financer des guerres inutiles ...et voilà que maintenant ,il en réduit l'utilité ...! c'est bon signe pour le Liban , nous n'exportons pas de pétrole et nous sommes vacciné contre les guerres inutiles...

    M.V.

    11 h 49, le 02 mars 2016

  • Voilà clairement expliqué le fond du retour du fugitif chef du 14 agonisant. La faillite totale de sa politique et de la gestion de ses affaires. Et on veut nous faire croire que c'est pour élire un président, moi ça m'en fait une belle jambe.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 18, le 02 mars 2016

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