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Liban - Focus

Les élèves à la fin du parcours scolaire : anges ou démons ?

Dans plusieurs établissements scolaires, des élèves de terminale se lancent souvent dans des mouvements de contestation pour exprimer à leur façon leurs adieux à la vie scolaire. Deux psychologues scolaires exposent à « L'Orient-Le Jour » leur analyse de ce phénomène de société qui est devenu récurrent.

Pour la plupart, ces jeunes de 17 ans qui affichent une allure semblable à celle des adultes et qui méritent, selon eux, d’être traités comme des grands, sont toujours couvés par leurs parents. Fred Dufour/AFP

Dans les institutions scolaires privées, un phénomène récurrent se fait ressentir chaque année davantage, sachant qu'il n'est pas totalement récent : il s'agit du mouvement de contestation mené, sous différentes formes, par des élèves de terminale achevant donc leurs études secondaires. Ce mouvement semble être dirigé contre le corps professoral, l'administration, le système éducatif ; il paraît être dirigé contre une discipline bien trop rigide ou pourrait être aussi l'expression ou la manifestation d'une certaine peur à la veille du grand saut dans le monde universitaire. Ces mouvements vont crescendo, dépendamment du nombre d'élèves qui y participent et de l'espace géographique dont ils disposent. Ils se traduisent parfois par de simples chahuts dans la cour de récréation ou carrément par des actes de vandalisme laissant des traces sur les murs et les équipements scolaires.
Parents et éducateurs sont ainsi confrontés à des jeunes de plus en plus dissipés et rebelles à la fin d'un parcours scolaire particulièrement chargé, long, stressant et essoufflant pour les trois partenaires.
Nous sommes allés chercher pas très loin, au tout début de leur adolescence, une raison à ces comportements qui peuvent être qualifiés de débordements scolaires.

Pour la psychologue scolaire Claudia Abi Harb, il s'agit de deux âges bien différents aux besoins tout aussi différents. L'enfant au début de son adolescence est bien différent du jeune dont la physionomie ressemble à celle d'un adulte mais qui n'en est pas encore un. « Un adolescent de 12-14 ans est concentré sur ses problèmes liés aux changements hormonaux et physiques qui transforment son corps et contre lesquels il n'y peut rien et dont les résultats peuvent être catastrophiques et source de honte pour certains (poussée d'acné, poils sur le visage, une poitrine naissante...) », explique-t-elle.
Ajoutez à cela tous les problèmes qui peuvent affecter l'enfant et qui pourraient justifier un comportement inadéquat en classe ou en autocar, tels que le harcèlement entre les élèves, un niveau académique inquiétant, une ambiance malsaine à la maison ou une relation empoisonnée entre parents divorcés. « Il est très rare de témoigner donc d'un mouvement de masse contestataire, organisé dans les classes complémentaires, où chaque individu est concentré sur ses problèmes », souligne la psychologue scolaire. « L'autorité de l'administration y est par ailleurs omniprésente à travers un système de punitions encore efficace bien qu'il s'avère inutile avec certains élèves qui ne sont pas dans les normes scolaires », note-t-elle. « Durant cette période, la relation est certes conflictuelle entre des enfants qui grandissent et l'autorité sous toutes ses formes : parentale, professorale ou administrative, ajoute-t-elle. Les enfants ressentent différemment le besoin de s'affirmer face à cette autorité et chacun essaiera de le faire à son tour, soit à titre individuel, très tôt, pour les plus audacieux, ou bien en groupe, plus tard, pour les plus discrets qui espèrent trouver enfin leur place une fois le stress des études dépassé. »

Et de poursuivre : « Nous considérons le comportement contestataire d'un jeune adolescent comme anormal s'il se traduit par de la violence qui met en danger son entourage ou sa personne (automutilation), sinon c'est normal que les adolescents rejettent une forme de règlementation à un moment ou un autre de leur passage vers l'âge adulte. Cela peut se traduire aussi bien par l'hyperactivité physique que par la désinvolture, la tristesse, la mélancolie ou même la dépression », ajoute la jeune femme qui est en contact direct au quotidien avec les petits dans une école francophone privée.

(Lire aussi : Un « mouvement de masse » dégénère au Collège Notre-Dame de Jamhour)

 

Braver les interdits
Pour Pamela Hage, responsable du suivi psychologique des élèves des classes secondaires d'une école privée, les mouvements de masse prémédités (cours séchés, émeutes localisées, pétards en classe...), menés par les élèves de terminale, ont lieu surtout vers la fin de l'année scolaire qui se fait plus tôt que d'habitude, vu que le baccalauréat français est présenté durant le mois de mai ou début juin. Ces jeunes, qui sont pour la plupart déjà admis aux universités sur dossier, n'ont plus, selon elle, à se soucier du restant de l'année qu'ils tiennent, néanmoins, à marquer de leur passage. « Chaque promotion veut prouver à son aînée qu'elle a réussi à relever le défi de se soulever face à la seule autorité non parentale qui l'encadre et l'infantilise en public : l'école », explique la jeune psychologue. « Ne sachant pas encore à quelle tranche d'âge appartenir et voulant à tout prix marquer une rupture physique avec le reste des adolescents qui ne sont pourtant pas beaucoup plus jeunes, ces petits anges qu'ils étaient, il y a encore une ou deux années, essayent de pousser les limites chaque année un peu plus loin. Ils se concentrent sur la façon avec laquelle ils réussiront leurs stratagèmes et braveront les interdits tout en étant inconscients des conséquences », explique Mme Hage.

Du coup, selon elle, si un interdit devient permis, il perd automatiquement de son intérêt à leurs yeux et ils en rechercheront aussitôt un autre. « Nos jeunes de 17 ans sont à la recherche de sensations fortes sans avoir de mauvaises intentions, précise Mme Hage. Ils sont inconscients de l'ampleur ou de la gravité de leurs actes qu'ils espèrent garder impunis une fois que l'objectif de se prouver aura été atteint. Pour la plupart, ces jeunes qui affichent une allure semblable à celle des adultes et qui méritent, selon eux, d'être traités comme des grands sont toujours couvés par des parents qui restent les premiers responsables de la dure tâche qui consiste à leur dresser des limites bien définies », insiste la jeune psychologue.
« Un enfant qui passe une journée au ski ou à la plage lorsqu'il est renvoyé de son collège n'a pas pu bénéficier de l'objectif pédagogique de la sanction, et, croyant ainsi qu'il n'a commis aucune erreur, il récidivera certainement, indique Mme Hage. Un enfant, même à 17 ans, ou aussi à 18 ans pour certains, a besoin qu'on lui fixe des limites, sinon il ira les trouver très loin, et cela peut devenir dangereux », indique la jeune psychologue qui intervient souvent en classe auprès des jeunes.

(Lire aussi : Homosexuel(le)s et bien accepté(e)s sur leurs campus... mais dehors ?)

 

Des moyens parfois musclés
Plusieurs théories, adoptées par certains parents, affirment par contre que les comportements violents ou incontrôlés des enfants sont le résultat d'une frustration refoulée, suscitée par des méthodes d'apprentissage archaïques ou par l'application d'une discipline sévère, parfois même arbitraire, à l'école.
« Dans un établissement qui éduque à l'autonomie et qui respecte les droits des élèves, l'enfant doit assumer ses devoirs et ses obligations ainsi que ses sanctions », souligne encore Mme Hage. « Une intervention des parents pour défendre l'enfant remettra en cause leur confiance en la décision de l'école et repoussera la barrière du permis un peu plus loin. Ils apprennent à leur enfant que la règle peut être facilement enfreinte et la sanction levée. Nous percevons par ailleurs chez les jeunes qui ressentent ce besoin de s'affirmer une volonté de grandir qui est mélangée à une peur de grandir », relève Mme Hage.

Ainsi donc, pour ceux qui associent le monde des adultes à la cigarette, la bière, aux voitures et au désir de dire non, ces quelques mois de la fin des études scolaires sont le seul et dernier moment où ils peuvent se permettre de souffler, de faire des bêtises avant de rejoindre à jamais le monde sérieux de l'université et d'assumer chacun ses responsabilités. « C'est comme le repos du guerrier, mais qui représente, hélas, ne l'oublions pas, un cauchemar pour les enseignants contraints de terminer leurs programmes face à un public qui pourrait être très désagréable, irrespectueux et par-dessus le marché solidaire ! » conclut Pamela Hage.

Malgré toutes les justifications dont peuvent bénéficier ces jeunes, mi-anges, mi-démons, les administrations sont acculées à adopter des moyens parfois musclés – critiqués ou applaudis, suivant le cas – qui réussissent à rétablir l'ordre dans leurs établissements qui ne comprennent pas seulement les classes de terminales. Des mesures qui réduisent la probabilité de récidive à zéro, laissant place toutefois à des relations tendues à la veille des adieux qui restent pour autant émouvants.

 

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