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Nos Lecteurs ont la Parole

Pourquoi les Kataëb ne soutiennent pas la candidature du général Aoun

(Réponses aux questions de M. Ronald Barakat)

Je tiens à remercier M. Ronald Barakat pour les questions qu'il a adressées à Samy Gemayel, président du parti Kataëb, dans l'édition du vendredi 19 février de L'Orient-Le Jour. La responsabilisation des politiques est en effet indissociable du questionnement critique des citoyens, hélas de moins en moins vocal ces derniers temps où la scène politique se résume à un jeu d'habilités politiciennes, sans contours ni règles précises, où les acteurs s'amusent devant un public fort inquiet.
Samy Gemayel a choisi de faire de la politique autrement. L'action politique qu'il entreprend est basée sur une vision claire et un projet porté par les seuls intérêts du Liban. La transparence, la droiture et l'ouverture sont les valeurs qui accompagnent ce projet et c'est donc avec grand plaisir que j'aimerais répondre aux questions de M. Barakat, d'autant plus qu'elles sont susceptibles d'intéresser aussi d'autres citoyens désireux de s'inscrire dans une vie politique normale, celle du débat rationnel et démocratique, qui est aux antipodes de la partie de poker-menteur qui se joue au Liban depuis bien trop longtemps.

La première question posée par M. Barakat au parti Kataëb est celle de savoir « pourquoi ce parti a sérieusement examiné la candidature de M. Frangié » alors qu'il a exclu « de voter pour un candidat ou un projet du 8 Mars ». Samy Gemayel a en effet été très clair lors de sa conférence de presse. Il n'est pas question pour lui de voter pour ou de soutenir un candidat porteur du projet du 8 Mars. Cette position n'interdit pas pour autant de dialoguer avec les deux candidats Aoun et Frangié pour évaluer leur aptitude à se positionner au centre, à réaliser un grand bond en avant vers l'autre. C'est un « je vous ai compris » que cherchait le parti à travers son dialogue, bien nécessaire, avec les candidats. Samy Gemayel a donc évidemment demandé des garanties sur les constantes souverainistes aux deux candidats qui jusqu'à ce jour ont été dans l'incapacité de les fournir. D'où le fait que les Kataëb n'ont pas soutenu la candidature de M. Frangié malgré la qualité des relations personnelles liant ce dernier à Samy Gemayel et en faisant fi d'une pression interne et externe rarement vue, alors même que l'on annonçait cette élection comme étant imminente. La présidence reste une fonction primordiale au Liban contrairement à ce que laisse entendre M. Barakat. Et les Kataëb n'accepteront jamais un président qui ferait basculer encore plus le pays dans le giron du Hezbollah, un président qui exposerait encore plus le Liban au conflit syrien, un président qui rendrait le pays encore plus otage de la confrontation meurtrière qui se joue dans la région.

La deuxième question concerne l'ambiguïté de la feuille d'intentions, conclue entre le CPL et les FL, notamment concernant les armes du Hezbollah et leur usage. M. Barakat s'interroge : « Les circonstances ne contraignent-elles pas, parfois, un leader à devoir ménager la chèvre et le chou ? Pour le bien commun ?
Pour l'intérêt général et surtout celui de la patrie ? »
Heureusement que l'attitude qui consiste à considérer que l'ambiguïté sert l'intérêt général n'est plus de mise pour Samy Gemayel. Sur des questions aussi primordiales pour l'avenir du pays, il faut, au contraire, agir avec clarté et transparence. Refuser en politique la dissolution des principes, dans l'ambiguïté des mots, est essentiel. Il y va du respect des candidats et des militants qui les soutiennent, mais surtout et d'abord des Libanais en général. Les Libanais savent maintenant mieux que personne que c'est à coup d'accords bancals que le pays en est arrivé là où il est aujourd'hui et Samy Gemayel s'est fixé comme mission de sortir de la politique traditionnelle pour offrir aux Libanais une option sérieuse et cohérente, pour faire de la politique autrement avant qu'il ne soit trop tard.

La troisième question consiste à s'interroger sur les raisons qui empêchent de considérer que la déclaration en dix points lue par le Dr Geagea et dont l'ambiguïté a été déjà reconnue par M. Barakat dans sa question précédente ne répond pas aux inquiétudes formulées par le parti Kataëb. M. Barakat s'aventure même à considérer que, sauf mauvaise foi, il faudrait considérer que les dix points seraient satisfaisants. Hélas, il est évident que le document fournit au général Aoun une marge de manœuvre suffisante pour qu'il puisse déclarer quelques jours après sa signature, dans le cadre d'une interview au quotidien al-Akhbar le 29 janvier, que les termes de l'accord de Meerab « figurent dans le traité de fraternité, de coopération et de coordination entre le Liban et la Syrie (sic) en vertu duquel le Liban s'engage à ne pas servir de passage ou de base à toute force, État ou organisation qui vise à déstabiliser la Syrie », excluant le Hezbollah « légitimé par Taëf ». C'est au cours de cette interview que le général Aoun confirme aussi la « complémentarité existentielle » (les mots sont du général) avec sayyed Hassan Nasrallah. Le général affirme aussi au cours d'une interview donnée le 4 février à la chaîne de télévision al-Manar que « la réalité s'impose, celle de la guerre présente à nos frontières et dans une partie de notre territoire, et là nous ne pouvons pas contraindre les armes, chose que nous pourrons faire dans l'avenir lorsqu'il y aura des solutions. Mais quand cela arrivera-t-il ? Il y a toujours Israël et ses menaces ». Samy Gemayel met plein de bonne foi dans son action publique, dialoguant avec ses détracteurs et opérant une séparation, inédite au Liban, entre les relations personnelles avec les dirigeants et la convergence des principes. Mais toute la bonne foi du monde ne saurait rendre sourd et aveugle, surtout lorsqu'il va de l'intérêt général.

La quatrième question concerne le passé du général Aoun. M. Barakat compare l'historique politique du général à celui de M. Frangié et considère que cela doit conduire à voter pour le premier. C'est précisément pour éviter ce genre d'exercice que le parti Kataëb met en avant le projet des candidats et non leur humeur, leur historique ou autre trait personnel sujet à polémique. Nous laisserons les Libanais et l'histoire juger de l'historique de ces hommes pour se concentrer sur la définition d'un projet commun pour l'avenir. C'est bien pour cette raison que Samy Gemayel a posé les questions qu'il a posées et qu'à ce jour aucune réponse convaincante n'a été donnée, par aucun des deux candidats. Soutenir un candidat à la présidentielle, comme choisir un député d'ailleurs, doit se faire en fonction des principes et des projets. C'est sur cette base que les Kataëb se sont situés dans les réunions privées et les déclarations publiques.

La cinquième question concerne la participation des Kataëb à la réconciliation qui a eu lieu à Meerab. Samy Gemayel, à titre personnel, n'est pas en conflit avec le général Aoun ni avec le Dr Geagea. Une réconciliation personnelle n'est donc pas, pour lui, nécessaire. Au contraire, sur beaucoup de points, il assure déjà une coordination avec les deux mouvements. Ce que le président du parti Kataëb a appelé de ses vœux, est, en revanche, d'établir un vrai projet commun (et non une lettre d'intentions ambiguë) et d'œuvrer à sa réalisation. Le CPL et les FL continuent à camper sur des positions politiquement opposées. La réconciliation, dont on se félicite, il faut le répéter, ne s'est donc pas accompagnée d'un accord sur le fond. La preuve est que la déclaration de Meerab n'est qu'un extrait du document d'entente signé il y a plus de six mois. Or, ce document était censé amorcer l'étape zéro de la coopération (tel qu'énoncé par le Dr Geagea lui-même) et non pas de constituer un aboutissement par lequel les FL endosseraient la candidature du général ! Le parti Kataëb continuera cependant d'œuvrer avec les deux partis sur un véritable projet d'intérêt général à même de sortir le Liban de la crise permanente qu'il subit depuis plus de 40 ans.

La sixième question, posée par M. Barakat, rappelle la quatrième question, à laquelle il a été déjà répondu, puisqu'il est reproché au parti Kataëb de ne pas voter pour le général Aoun qui, selon M. Barakat, se rapproche, plus que M. Frangié, des principes des Kataëb. On reste ainsi dans la logique du moins pire qui repose sur des considérations et sympathies personnelles, et qui est contraire à toute la manière de faire des Kataëb, dont des milliers de membres sont tombés en martyrs pour défendre une cause présentée comme « impossible » par les cassandres de la realpolitik de l'époque.

La dernière question consiste à inciter les Forces libanaises et les Kataëb à violer la Constitution pour empêcher l'arrivée au pouvoir d'un candidat du 8 Mars. Samy Gemayel a répondu, à maintes reprises, à cette question en martelant que le respect par la classe politique de la Constitution est une obligation inviolable, si l'on veut éviter la loi de la jungle. Une Constitution, cela se modifie, cela ne se viole pas. C'est bien pour cela que le parti Kataëb a été le seul, hélas, à refuser de voter des lois, avant l'élection d'un président, tout simplement parce que la Constitution l'interdit très explicitement. On ne sauve pas la démocratie et l'État de droit en les violant.

Enfin, je ne devrai pas rappeler à un observateur aussi fin que M. Barakat que les Kataëb se sont opposés officiellement à la déclaration ministérielle, qu'ils ont accepté de participer au gouvernement après un débat houleux au sein du bureau politique – Samy Gemayel était partisan du retrait à l'époque – qu'à la condition de se désolidariser de la formule qui figure au sujet des armes du Hezbollah. Aussi, la comparaison entre les deux actes est, pour le mieux, risible. Le choix d'un président et l'accession à la magistrature suprême d'un homme, qui parlera au nom du pays tout entier, ne sauraient être comparés à la participation à un gouvernement regroupant l'ensemble des contradictions du pays et dont la seule raison d'être est d'empêcher une vacance totale du pouvoir.

Pour terminer, j'aimerai à mon tour poser quelques questions à considérer par l'opinion publique. N'est-il pas dangereux d'adouber un candidat qui a fait du blocage une arme pour s'accaparer de la présidence ? Quel avenir serait-on en train de dessiner pour la démocratie au Liban en cédant à tel chantage ? Aussi, n'est-il pas du devoir des forces politiques souverainistes – celles qui restent ancrées dans l'esprit originel du 14 Mars, celui pour lequel milite le parti Kataëb depuis presque 80 ans – de dénoncer le diktat du Hezbollah ?
Peut-on soutenir et promouvoir le candidat unique à défaut duquel la République restera sans président ? Enfin, qui a décrété qu'il fallait se restreindre à deux candidats du 8 Mars ? Pourquoi ne pas soutenir un homme moderne qui pourra préserver le pays des troubles, loin des contingences politiciennes et des engagements régionaux, surtout qu'il n'en manque absolument pas au Liban ?
Ces questions habitent Samy Gemayel. Il s'est mis en tête de sauver le pays, pas de se l'arracher en lambeaux. Pour se faire, il faut que l'opinion publique se mobilise et s'indigne. Il faut que la majorité silencieuse, ces 85 % des Libanais qui ne profitent pas du système et qui en ont fini d'être infantilisés, se mobilise. C'est là que réside la majorité. Et il faut qu'elle exige que l'on fasse de la politique autrement avant qu'il ne soit trop tard.

Albert KOSTANIAN
Conseiller du président des Kataëb

 

 

Pour mémoire
Samy Gemayel persiste et signe : les FL et le Futur ont « capitulé »

Les chrétiens et les chiites votent Aoun

Je tiens à remercier M. Ronald Barakat pour les questions qu'il a adressées à Samy Gemayel, président du parti Kataëb, dans l'édition du vendredi 19 février de L'Orient-Le Jour. La responsabilisation des politiques est en effet indissociable du questionnement critique des citoyens, hélas de moins en moins vocal ces derniers temps où la scène politique se résume à un jeu d'habilités...

commentaires (7)

Samy Gemayel se distingue par une demarche politique originale et atypique qui veut croire a un nouveau sursaut des libanais a un moment donne. Il faut se reunir dans le cadre d'une vraie confederation de communautes religieuses avec une tres forte decentralisation administrative...car ne soyons pas naifs,il n'est guere possible de construire un etat laic au Liban. Il sait aussi que le hezbollah est une realite incontournable sur le terrain mais que le Liban n'est ni saoudien ni iranien et peut vivre dans le cadre d'un systeme confederal avec presidences tournantes,decentralisation et neutralite reconnue et garantie par les grandes puissances... Il a suffisament de cran ce jeune Samy pour voir a long terme sans repeter les erreurs du passe....en cela, il est et restera le digne heritier de sa famille politique. En attendant de voir ce reve se realiser sans guerre et sans douleurs...il est assez intelligent pour voir en Sleimane Frangie un rassembleur au dela du 8 mars et une personne capable de rompre le cercle suicidaire dans lequel nous sommes actuellement.

Pierre Moise

15 h 53, le 23 février 2016

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Commentaires (7)

  • Samy Gemayel se distingue par une demarche politique originale et atypique qui veut croire a un nouveau sursaut des libanais a un moment donne. Il faut se reunir dans le cadre d'une vraie confederation de communautes religieuses avec une tres forte decentralisation administrative...car ne soyons pas naifs,il n'est guere possible de construire un etat laic au Liban. Il sait aussi que le hezbollah est une realite incontournable sur le terrain mais que le Liban n'est ni saoudien ni iranien et peut vivre dans le cadre d'un systeme confederal avec presidences tournantes,decentralisation et neutralite reconnue et garantie par les grandes puissances... Il a suffisament de cran ce jeune Samy pour voir a long terme sans repeter les erreurs du passe....en cela, il est et restera le digne heritier de sa famille politique. En attendant de voir ce reve se realiser sans guerre et sans douleurs...il est assez intelligent pour voir en Sleimane Frangie un rassembleur au dela du 8 mars et une personne capable de rompre le cercle suicidaire dans lequel nous sommes actuellement.

    Pierre Moise

    15 h 53, le 23 février 2016

  • LES KATAEB ONT RAISONS ... MAIS ILS NE PRENNENT PAS LE BON CHEMIN POUR LE FAIRE VALOIR

    Bery tus

    14 h 16, le 23 février 2016

  • Une chose positive au Liban , et c'est une chance indéniable , les enfants ont un droit de parole , même si on ne les écoute pas trop !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 38, le 23 février 2016

  • IL Y A PAPA QUI REVE AUSSI ! IL FAIT PARTIE DES TROIS MOUSQUETAIRES + DARTAGNAN...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    12 h 30, le 23 février 2016

  • Cher Monsieur, Je vous réponds par deux autres questions et une réponse ! 1-N’est-il pas dangereux d’élire un président, dans les conditions actuelles, qui n’a pas d’assises parlementaire et populaire suffisante pour pouvoir contrer la marginalisation des chrétiens et autres minorités et de pouvoir contrer les attaques visant leurs participations active à gouverner ce pays ? 2-Est-ce que pour vous, qui défendez la constitution et le principe de la participation de tous, l’application de cette constitution et ce principe ont été suivis en prolongeant les mandats des parlementaires par deux fois et en évitant l’examen d’une loi électorale juste qui puisse donner à toutes les couches de la population une représentativité digne de ce nom ? Si la réponse est non pour 1 et oui pour 2 ! Alors allez-y cher monsieur descendez et votez pour n’importe quel président !!!

    Joseph Zoghbi

    10 h 39, le 23 février 2016

  • les "85% de majorite silencieuses" en ont marre de ces politiciens qui sont tres philosophes quand ils ne sont pas au pouvoir et tres "requin de la finance" quand ils y arrivent. Charite bien ordonee commence par soit meme. J'ai beaucoup apprecie les excuses de samir geagea pour ses erreures pendant la guerre, tres touche par la franchise de michel moawad lors d'une interview lorsqu'il a avoue avoir touche de l'argent de l'etranger et qu'il a montre les documents montrant combien de terrains il a du vendre pour continuer a faire de la politique. On aimerais beaucoup que les kataeb fassent de meme parceque je ne vous le cache pas, bcp de bruits courent sur ce parti (je ne veux pas rentrer dans les details)

    George Khoury

    09 h 53, le 23 février 2016

  • Faudrait peut 'être évité de vendre ...le cirage et la brosse à reluire en- même temps...!

    M.V.

    08 h 59, le 23 février 2016

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