Le ministre libanais de la Justice, Achraf Rifi, a annoncé dimanche sa démission du gouvernement, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
M. Rifi a présenté sa démission au Premier ministre Tammam Salam, affirmant "être fidèle à la mémoire du martyr du Liban, l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et de tous les martyrs de la révolution du Cèdre".
"Le Liban passe par l'une des phases les plus critiques de son histoire contemporaine, en raison d'une crise locale engendrée par les forces de facto qui risquent d'imposer leur mainmise sur l'Etat et ses institutions", a estimé le ministre de la Justice dans un communiqué, dans une allusion au Hezbollah.
"Le comportement de ces forces a abouti au démembrement de l'Etat (...) et à la déformation de son identité nationale, tout en mettant en danger son indépendance, son économie, son avenir et ses relations internationales, notamment avec le monde arabe", a ajouté M. Rifi, en référence à la décision saoudienne d'interrompre vendredi son aide aux forces armées libanaises, en raison des critiques de certaines parties, notamment le Hezbollah, à l'égard de Riyad.
M. Rifi justifie sa décision de démissionner en évoquant notamment le "blocus imposé par le Hezbollah et ses alliés au sein du gouvernement et en dehors de celui-ci, à travers la vacance à la présidence de la République, (...) et les blocages face au transfert du dossier de Michel Samaha devant le Conseil de Justice (...)".
Vendredi, le ministre de la Justice démissionnaire a affirmé vouloir traduire l'ancien ministre Michel Samaha devant la justice canadienne et la Cour pénale internationale. M. Samaha est actuellement jugé par la Cour de cassation militaire au Liban. Il a été libéré sous caution le 14 janvier dernier par cette instance après avoir purgé une peine de 4 ans et demi de prison (trois ans et demi de facto), pour avoir transporté des explosifs qui lui avaient été remis en Syrie, en vue de perpétrer des attentats au Liban, en 2012. Son procès a repris le 21 janvier. Cette relaxe a été largement critiquée, notamment dans les rangs de l'alliance du 14 Mars. Entendu à nouveau jeudi par le tribunal militaire, Michel Samaha a souffert d'un malaise. Son audience reprendra le 23 février.
M. Rifi s'étend longuement sur l'affaire Samaha dans son communiqué, estimant que celle-ci "est la preuve de l'hégémonie sur le gouvernement paralysé depuis des mois", et fait assumer au Hezbollah "l'entière responsabilité", affirmant que celui-ci "assure une couverture au criminel".
(Lire aussi : Affaire Samaha : le débat juridique bat son plein)
"Je dis aux Libanais qu'aujourd'hui, la situation est devenue insoutenable, en raison notamment des agissements du Hezbollah et de ses alliés, et rester au sein du gouvernement équivaudrait à une approbation de cette déviation, ou du moins un aveu d'incapacité à y faire face. Je refuse ces deux options", a ajouté M. Rifi
Et de conclure : "Ma participation au gouvernement n'a jamais été une fin en soi. J'ai seulement voulu servir mon pays. Nous avions souhaité que ce gouvernement puisse éviter les conflits, or ils (le Hezbollah et ses alliés, ndlr) l'ont voulu comme couverture à leur projet destructeur. Je n'accepterai pas de devenir un faux témoin et de couvrir ceux qui tentent de dominer l'Etat et ses institutions (...) c'est pour cela que je présente ma démission".
La ministre libanaise des Affaires des déplacés, Alice Chaptini, assurera par intérim les fonctions du ministre de la Justice.
Réagissant à la démission de M. Rifi, la coalition du 14 Mars, dont il fait partie, a tenu une réunion élargie à 18h à la Maison du centre. Dans un communiqué, la coalition a accusé le Hezbollah de "saper la stabilité financière, sécuritaire et sociale" du Liban, invitant le gouvernement à rétablir les relations entre le Liban et les pays du Golfe, à la suite de l'interruption de l'aide saoudienne aux forces armées libanaises.
Le gouvernement se réunira lundi à 10h en Conseil des ministres afin d'examiner les dossiers urgents, dont cette question, selon l'Ani.
"La prise de position de M. Rifi est dénuée de tout calcul politique, car à un moment donné, quelqu'un doit prendre position face à la situation actuelle, notamment par rapport à la (détérioration) de la relation avec l'Arabie saoudite et à l'affaire Samaha", a estimé pour sa part le chef des Forces libanaises, Samir Geagea.
Même son de cloche de la part du chef des Kataëb, Samy Gemayel : "La coalition du 14 Mars prendra aujourd'hui une position en guise de mise en garde. Si le gouvernement ne se montre pas réceptif à cette prise de position, nous serons dans l'obligation d'adopter des mesures supplémentaires".
De son côté, l'ancien ministre libanais Wi'am Wahhab, virulent détracteur d'Achraf Rifi, a menacé dimanche sans le nommer le ministre de la Justice démissionnaire. "Si quelqu'un croit pouvoir renverser la table, il doit savoir que nous renverserons le monde sur sa tête et celle de ses soutiens", a écrit M. Wahhab sur sa page Twitter. Ce à quoi M. Rifi, cité par la chaîne LBCI, a répondu : "Si vous en êtes capable, faites-le".
Wi'am Wahhab a également estimé que "le gouvernement actuel n'avait aucune raison d'exister", appelant les ministres de la coalition du 8 Mars a présenter leur démission en bloc, afin de se diriger vers "la tenue d'une Constituante".
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commentaires (29)
Il était temps que quelqu'un du gouvernement dénonce ce hezbollistan qui gangréne le vrai Liban....
CBG
18 h 00, le 22 février 2016