Il n'y a rien de plus fascinant/repoussant, dans l'imaginaire collectif des habitants de cette planète, qu'un président américain. Que toute la mythologie qui le flanque – quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, où qu'il aille. Que cette espèce de suspension tous azimuts, carrément palpable, avant que cette Maison-Blanche oracle ne s'exprime, d'une façon ou d'une autre.
Aujourd'hui, les Terriens sourient en apprenant que Barack Obama s'en ira fin mars avec tambours et trompettes à La Havane ressasser le nécessaire respect des droits de l'homme en signant beaucoup de contrats avec la dynastie castriste – même si les Cubains s'en moquent un peu: ce n'est pas cette visite présidentielle qui va changer le moins du monde leur assez sinistre quotidien. Ces Terriens sourient, aussi, de voir les Américains aller beaucoup mieux, entre baisse du chômage, institutionnalisation de l'assurance maladie et autorisation du mariage pour tous – même si la législation sur les armes à feu restera coincée comme une tumeur dans les phantasmes et les canaux lacrymaux du sémillant 44e président américain. Ils sourient encore, ces Terriens, en assistant en continu à la débushisation, même si ostentatoire et terriblement bâclée, de la politique étrangère des États-Unis ; sourient de ce glissement progressif, même si encore rachitique et pas très fécond, vers les rivages asiatiques. Ils sourient, toujours, de cette dénucléarisation( ? ) et de cette greffe historique, qui se veut triomphante, de l'Iran des ayatollahs au reste du monde, du remodelage aux couleurs des Darius de ce Proche-Orient dégénéré, éviscéré et de plus en plus agonisant. Ils sourient enfin, mais cela ressemble désormais bien plus à un rictus, en regardant ces premiers flics de la planète tourner carrément le dos à l'épicentre géopolitique, militaire, culturel et humanitaire de la planète: ce même Proche-Orient au cœur duquel le conflit syrien, cette confrontation Risk grandeur nature entre deux barbaries, le jihadisme et l'assadisme, risque de s'anamorphoser à n'importe quel moment en guerre mondiale, troisième du nom.
Rien de plus fascinant/repoussant, aussi, que cette campagne présidentielle made in USA. Que ce moment, grotesque, où la quasi-totalité de l'humanité prend conscience que, finalement, elle risque de regretter amèrement ce Barack H. Obama, malgré son immense balourdise, ses entêtements, ses erreurs tactiques et stratégiques, et sa déconnexion parkinsonienne d'un nombre imposant de réalités et de priorités. Le tableau est psychédélique, entre un Trump Joker bouffon et foncièrement dangereux, un Ted Cruz martien, déterminé à réhabiliter Bachar el-Assad et à l'ancrer sur un trône, et une Mme Clinton qui n'a visiblement pas compris, malgré des qualités certaines, que l'histoire, infiniment gueuse, ne repasse jamais les mêmes plats. Et qu'elle ne pardonne pas.
Barack Obama a encore une dizaine de mois pour éviter à la fois une pas très glorieuse carterisation, voire une nixonisation, un Syriagate moral et politique qui le confinerait dans un recoin sombre et humide du trombinoscope de la Maison-Blanche malgré cette Amerika en bonne santé qu'il va laisser à son successeur, et un (énième) chamboulement du Proche-Orient, aux conséquences cette fois-ci totalement démesurées et dangereusement inconnues. Une dizaine de mois pour faire passer les États-Unis de sympathiques figurants, juste capables de suivre le tempo et de larguer quelques bombes de temps à temps, à ce qu'ils ont toujours été, avec plus ou moins d'intelligence: des acteurs. Fondamentalement cyniques, définitivement opportunistes et (mal)heureusement indispensables, certes, mais des acteurs. Des premiers rôles.
Il n'y a rien de plus fascinant/repoussant qu'un président américain. À son élection, il y a près de huit ans, Barack Obama était à lui seul un champ des possibles. De promesses. Il n'est plus aujourd'hui qu'un monsieur un peu fatigué et très impatient de s'en aller cultiver ses jardins hawaïens et de donner deux ou trois conférences chaque année. Et ce n'est pas un Proche-Orient condamné de toute façon au suicide ou à l'autocombustion qui l'empêchera de profiter de sa retraite. Ni de sourire. Lui aussi.
Casser quel(le) Barack ?
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 19 février 2016 à 00h00
commentaires (7)
Il n'y a qu'une seule et unique personne qui peut prétendre être l'Homme de la Situation : Hillary Clinton !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
16 h 18, le 19 février 2016