Dix jours après « l'annonce de Meerab », l'effet de surprise est passé. Le tableau devient de plus en plus clair avec l'insistance des Forces libanaises, et de leur chef, à vouloir placer la balle dans le camp du Hezbollah, dans une tentative évidente de semer le trouble entre cette formation et le CPL. Le discours des Forces libanaises – et des médias qui en sont proches – est clair et se résume ainsi : maintenant que Samir Geagea a fait ce pas énorme, qu'attend donc le Hezbollah pour suivre la tendance et faire pression sur ses alliés pour faire élire Michel Aoun à la présidence ? Toutes les autres inconnues sont ainsi occultées pour mettre en cause l'alliance entre le Hezbollah et le CPL, comme si c'est là que se trouve le nœud et... la solution. Non seulement cette approche n'est pas réaliste, mais elle est aussi réductrice pour les alliés du Hezbollah. Pour l'instant, la formation chiite se contente de déclarer qu'elle n'est pas tenue de répondre aux accusations des Forces libanaises et de leurs médias et elle n'a donc pas à se justifier. Les cadres du parti ont ainsi reçu des instructions précises de ne pas aborder la question présidentielle dans leurs interventions devant les médias. Seul le député Ali Fayad a déclaré lundi que, pour le Hezbollah, la candidature de Michel Aoun « est sacrée ». Ce qui devrait lui donner aux yeux des partisans du Hezbollah une dimension religieuse qui la place au-dessus de la politique et même de la stratégie.
La question qui se pose toutefois est la suivante : pourquoi, dans ce cas, le Hezbollah ne saisit-il pas l'occasion fournie par le chef des FL et ne fait-il pas le nécessaire pour faire élire Michel Aoun à la présidence ? Des sources proches de ce parti fournissent quelques explications non officielles. Les considérations du Hezbollah seraient ainsi à la fois internes et régionales. Sur le plan interne, le Hezbollah ne voudrait pas avoir l'air de suivre les instructions du chef des Forces libanaises qui continue d'être le fer de lance de la campagne médiatique et politique menée contre lui. Il n'est donc pas question pour le Hezbollah de donner tout le crédit de l'élection de Michel Aoun à la présidence au chef des Forces libanaises. Si ce dernier veut se réconcilier avec Aoun et préparer une alliance électorale avec lui, au niveau de la base chrétienne, tout en cherchant à se réserver une place dans le tableau politique, indépendamment des développements régionaux, il a toute la latitude pour le faire.
Mais cela ne signifie pas que le Hezbollah doit obtempérer et consacrer Samir Geagea comme « le faiseur de président ». De plus, le Hezbollah ne considère pas que ses relations avec ses alliés sont basées sur le concept hiérarchique, comme s'il était le chef et les alliés les subordonnés. Chacun a donc ses intérêts propres et ses considérations mais tous sont d'accord sur la vision stratégique. Tout comme le Hezbollah ne se sentait pas obligé de donner son avis sur l'initiative de Saad Hariri de faire de Sleiman Frangié son candidat à la présidence, alors que cette annonce n'a pas été officialisée, il ne se sent pas non plus obligé de réagir à l'initiative de Samir Geagea, tant qu'il y a encore des obstacles venant du 14 Mars qui se dressent devant l'élection d'Aoun. Enfin, toujours sur le plan des considérations internes, le Hezbollah continue d'estimer que la présidence n'est qu'une partie de l'accord et que ce dernier doit être global. Il faut donc s'entendre sur les principaux dossiers litigieux avant de se rendre au Parlement pour élire un président.
Ces dossiers sont aussi bien la présidence du Conseil que la formation du gouvernement et la loi électorale. Or jusqu'à présent, les concessions faites par le courant du Futur, en acceptant la candidature de Frangié, et par les Forces libanaises en acceptant celle de Michel Aoun, se limitent au seul dossier présidentiel. Pour cette raison, le Hezbollah, qui n'a pas été habitué à être ménagé par les protagonistes du 14 Mars, flaire un piège qui consisterait à vouloir l'isoler ou le neutraliser sur la scène interne. Il craint en effet qu'il s'agisse de jeter en quelque sorte de la poudre aux yeux en donnant la présidence à un de ses deux alliés, pour exiger en contrepartie des concessions sur le fond et sur les rapports des forces politiques internes.
Certaines rumeurs font ainsi état d'un objectif caché de la part de Saad Hariri en acceptant la candidature de Frangié, celui d'avoir un président affaibli après la chute de son allié Bachar el-Assad, au point de devenir au mieux « un autre Michel Sleiman » ou au pire « un autre Émile Lahoud ». De même, pour Geagea, il s'agirait d'appuyer Michel Aoun pour l'éloigner du Hezbollah et du 8 Mars.
Tout en étant convaincu que ces intentions cachées, si elles existent, sont irréalistes, le Hezbollah préfère rester méfiant et attendre sans faire de vagues que l'élan donné par cette double initiative retombe, sans avoir à prendre des initiatives controversées avec ses alliés. Selon des sources proches du Hezbollah, ce dernier reste persuadé que la candidature de Michel Aoun à la présidence est un choix stratégique qui s'imposera de lui-même en temps voulu au cours des prochains mois. L'acceptation par le 14 Mars de deux candidats issus de l'alliance entre le 8 Mars et le CPL ne serait donc qu'un début. Qui aurait imaginé il y a quelques mois encore qu'une telle option était possible ?... Il s'agit donc pour le Hezbollah d'attendre, car la situation tant interne que régionale évolue en faveur de ses choix.
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commentaires (23)
ACTUELLEMENT NABIH BERRI EST OFFICIEUSEMENT LE PRÉSIDENT. IL A AMENÉ LA CHAISE DE BAABDA À AÏN EL TINÉ. ET SI ON LE PROPOSE OFFICIELLEMENT PRÉSIDENT ET QU'ON FINISSE. LE HEZBOLLAH ACCEPTE OU RESTE BLOQUÉ ?.
Gebran Eid
01 h 20, le 29 janvier 2016