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Monsieur le Président,

Je n'ai jamais écrit à un président de la République et c'est sans doute pour cela que je vous écris : parce que vous n'existez pas. Que vous n'existiez pas entoure votre inexistence d'une sorte de prestige lumineux. L'attente de votre apparition a quelque chose de mystique. Elle vous situe entre le père Noël, le dernier prophète et l'ange de l'Apocalypse. Pourquoi vous attend-on, d'ailleurs ? La Constitution actuelle ne vous aura laissé qu'une peau de chagrin de pouvoirs et d'attributions. Il est donc clair que votre venue ne changera pas grand-chose à nos vies, puisqu'au fond c'est cela qui importe : nos vies.

Mais il faut bien qu'il y ait un travail politique dans ce pays et un semblant d'arbitre à sa tête. On ne peut jouer à rien avec une pièce qui manque! Une chose est sûre, plus vous tarderez à venir et plus votre hypothétique mandat sera pourri. La justice est pourrie, l'environnement est pourri, la corruption bat son plein, les mauvaises habitudes s'installent, allez les déloger, le nombre de réfugiés enfle, allez les reloger, les infrastructures sont à la peine, déjà qu'elles n'ont jamais été à la fête.

Pendant la guerre, on qualifiait le Liban de jungle, rapport à la végétation folle qui remplaçait les habitations et les habitants, et aussi à une sorte de justice qui ignorait les lois. Plus tard, on a dit que c'était une ferme, rapport sans doute à notre propension à nous regrouper par espèces et nous organiser par enclos. Aujourd'hui, ce sont les écuries d'Augias et vous n'êtes pas, vous ne serez jamais Hercule. On le sait. Ça doit vous rassurer qu'on le sache. Parce que vous vous dites sans doute que deux ans de vide c'est long, et que les attentes grandissent avec l'attente. On n'est jamais à la hauteur de ça, de l'espérance de tout un peuple. Vous avez peur, sans doute, si vous êtes un honnête homme. Mais ce n'est pas encore le moment d'y penser. Pour l'heure, ce qui vous tourmente, c'est les autres. « Les autres veulent pas », comme dit Brel, même si « les vôtres » disent qu'ils veulent bien.

Car vous existez, Monsieur le Président, même si vous n'êtes pas encore. Être, c'est encore autre chose. Vous existez comme une fiction tenace pour laquelle nos parlementaires justifient leur salaire en feignant de vous élire sans jamais trouver de quorum. Vous existez comme un chat en l'absence duquel les souris dansent, que dis-je, mènent des sarabandes. Vous existez comme un hiatus de l'histoire. Comme une raison pour laquelle le Liban est, dans la forme, presque inexistant. Comme le garant d'une coexistence qui retient son souffle et partirait déjà en eau de boudin si elle ne vous gardait dans sa perspective, même lointaine. Comme une vieille habitude, une de ces vieilles habitudes qui rassurent et sans lesquelles, malgré soi, on se sent perturbé.

Je vous écris, mais je n'ai rien à vous dire, rien non plus à vous demander. Je n'ai qu'un unique passeport frappé du cèdre, et je n'ai même pas tout à fait compris s'il est valide ou pas. Je n'ai pas d'autre pays que cette quasi-Désolation. J'aimerais bien que ce soit un pays normal. Alors je vous écris.

Je n'ai jamais écrit à un président de la République et c'est sans doute pour cela que je vous écris : parce que vous n'existez pas. Que vous n'existiez pas entoure votre inexistence d'une sorte de prestige lumineux. L'attente de votre apparition a quelque chose de mystique. Elle vous situe entre le père Noël, le dernier prophète et l'ange de l'Apocalypse. Pourquoi vous...

commentaires (12)

C'EST BIEN CONTINUEZ À ÉCRIRE. MAIS ON A UNE ADRESSE VALABLE, ÉCRIVEZ À AÏN EL TINÉ.

Gebran Eid

01 h 07, le 29 janvier 2016

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Commentaires (12)

  • C'EST BIEN CONTINUEZ À ÉCRIRE. MAIS ON A UNE ADRESSE VALABLE, ÉCRIVEZ À AÏN EL TINÉ.

    Gebran Eid

    01 h 07, le 29 janvier 2016

  • Je partage tous les eloges et les compliments bien merites, et j y ajoute toute mon admiration pour cette description geniale d une personne inconnue, qu il s agisse d un President ou autre! Mes felicitations chere Mme Fifi!

    Zaarour Beatriz

    21 h 27, le 28 janvier 2016

  • Chere fifi vous avez tout dit ,rien a ajouter sauf Merci

    Dolly Talhame

    20 h 58, le 28 janvier 2016

  • Chère Fifi Abou-Dib, Je suis maronite depuis 87 ans, cet âge me permet de vous dire que nos hommes politiques maronites veulent toujours le beurre et l'argent du beurre, ils risquent de perdre les deux. Tant pis.

    Un Libanais

    17 h 18, le 28 janvier 2016

  • Tant qu'il y aura des personnes de votre trempe, chère Madame, le Liban, c'est certain, non seulement résistera, mais se regénérera et revivra. Merci Madame, que le Ciel vous garde!

    Collomby Pierre

    16 h 18, le 28 janvier 2016

  • CERTAINS PROBLÈMES PERSONNELS DÉPASSÉS... J'Y REVIENS. MADAME FIFI : DU PLUS QUE SUPERBE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 16, le 28 janvier 2016

  • Je crois que tout le peuple libanais se retrouve dans ce que vous avez ecrit aujourd'hui...

    Michele Aoun

    14 h 01, le 28 janvier 2016

  • Le comble, est qu’ils espèrent qu’on devra encore les remercier ! Et prétendent, ces puérils, que ce Pays est trop mauvais pour mériter posséder un Président "honnête, humble" et inepte dans leur "style" ! Et pour ne pas se tromper dans le compte des mandats qu’ils leur restent à tirer, ils comptent maintenant ; dans cette basse époque toute peinte de leurs "propres mains" en gris ; par minutes ! Au Parlement, dans les ministères et l'administration se presse donc à présent toute 1 foule d’hurluberlus, de hâbleurs et de farceurs dont on peut dire du meilleur qu'on ne sait d'où ils proviennent ! Toute une catégorie bruyante, une "bohème" dévergondée simili-éduquée et civilisée qui se pavane et se trimbale dans ses habits costumés de "bals costumés", avec la même grotesque "dignité" que les dignitaires indigènes des contrées "forestières" lointaines mais alors là très, très lointaines ! On se représentera plus facilement encore cette couche "supérieure", sphère et masse à ras de ce genre de conGlomérat, si l'on songe seulement qu'elle n'a pour "moralisateur" qu'1 arrogant et vociférant bigaradier, et comme "penseur" un aventurier de droit "divin" reclus, noirci, caché et cloîtré ! Mais que notre Séttt Fîfî soit rassurée : "Ils devront incessamment balayer dans et devant la porte de leur niche ; bien la laver et bien la récurer !". Malgré eux, et "leur Mauvais Œil aux paupières cousues bientôt !". "Combattants sans combat ! Héros sans héroïsme !".

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 24, le 28 janvier 2016

  • Les levantins savent patienter . C'est un art chez nous .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 08, le 28 janvier 2016

  • Superbe article, merci

    Sam

    13 h 04, le 28 janvier 2016

  • Oui, M. Le Président, Fifi vous écrit, mais... savez-vous lire ? Vivement votre prochain édito, chère Fifi, avec son parfum de fraîcheur. Cela nous fait du bien. F. MALAK

    Rotary Beyrouth

    12 h 00, le 28 janvier 2016

  • brilliant bravo

    LA VERITE

    10 h 31, le 28 janvier 2016

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