Le (très) regretté imam Mohammad Mehdi Chamseddine – qui fut de 1978 à 2000 le leader spirituel de la communauté chiite libanaise – doit certainement assister avec désolation et amertume aux développements qui marquent la scène chiite au Liban et dans la région. Le « testament politique » qu'il a enregistré de sa voix, durant les deux semaines qui ont précédé son décès, est aujourd'hui, plus que jamais, d'une brûlante actualité. Dans ce document audio, qui a une réelle portée historique, il exhorte ses coreligionnaires à ne pas se laisser entraîner dans « des projets (chiites) propres à eux » et à limiter leur action à la société dans laquelle ils évoluent. En clair, il les invitait à ne pas se placer au service de projets transnationaux qui ne pourraient, en définitive, que leur porter préjudice.
C'est malheureusement une voie diamétralement opposée que le Hezbollah a choisi de suivre dès sa fondation au début des années 80 en optant pour une allégeance inconditionnelle au guide suprême de la révolution islamique, le waliy el-faqih, pour toute décision à caractère stratégique, notamment la décision de guerre et de paix. Fidèle à un tel choix, le parti se pose ainsi depuis quelques jours en porte-étendard de la campagne iranienne menée contre le royaume wahhabite. Et dans ce même contexte, le Bahreïn vient d'annoncer le démantèlement d'une cellule, qualifiée par les autorités de « subversive », encadrée par le Hezbollah. En véritable visionnaire, l'imam Chamseddine avait mis en garde contre les retombées néfastes sur sa communauté de ce type de « projet chiite ». Force est de relever que ces fâcheuses retombées touchent aujourd'hui toutes les composantes du tissu social libanais. C'est précisément à ce niveau que la ligne de conduite du Hezbollah devient indéfendable. Car lorsqu'il rentre en conflit ouvert avec l'Arabie saoudite et certains États du Golfe, le parti chiite porte un préjudice indéniable aux intérêts des Libanais dans leur ensemble, ne fut-ce que sur le plan du mouvement touristique en différentes périodes de l'année.
Pis encore : en prenant la décision unilatérale, à la demande de Téhéran, de s'impliquer à grande échelle dans les combats en Syrie aux côtés du régime de Bachar el-Assad et en se livrant, de surcroît, à des actions militaro-
sécuritaires dans plus d'un pays de la région, le Hezbollah met en danger le fragile équilibre communautaire interne en exacerbant les tensions confessionnelles, ce qui a inéluctablement pour effet de booster dangereusement les courants jihadistes qu'il affirme vouloir combattre. En imposant de la sorte manu militari le fait accompli chiite transfrontalier, c'est tout le Liban que le Hezbollah prend en otage, sans que ses partenaires nationaux et, surtout, l'État aient droit au chapitre. Il est en effet bien établi qu'aussi bien l'engagement en Syrie ou ailleurs qu'un éventuel désengagement ultérieur sont tributaires exclusivement des calculs du guide de la révolution iranienne. Une amère réalité qui constitue le chemin le plus court vers la discorde sectaire généralisée sunnito-chiite et le renforcement des courants extrémistes ici et là.
Dans son testament politique, l'imam Chamseddine invitait ses coreligionnaires à s'intégrer sans réserves ni limites dans leur société respective et à œuvrer sur cette base à la réalisation de leurs droits. Une façon avant-gardiste (nous étions alors à la fin de l'an 2000) de prôner ce que l'on appelle aujourd'hui le vivre-ensemble. Un vivre-ensemble qui ne peut s'épanouir, dans notre cas spécifique, qu'avec son complément incontournable : la neutralité vis-à-vis des conflits régionaux. Le drame actuel du Liban réside, à n'en point douter, dans le fait que le Hezbollah est aux antipodes d'une telle option de neutralité positive, pourtant en tous points salvatrice pour toutes les composantes libanaises.
Le testament
OLJ / Par Michel TOUMA, le 11 janvier 2016 à 00h00
commentaires (12)
Les victoires a la Pyrrhus s'accumulent et bientôt certains vont tomber de leur piédestal se demandant le pourquoi du comment de cette chute mortelle. Ils croient encore en des victoires qui ne viennent pas et ne voient pas les malheurs qui vont s'abattre sur le pays si le Hezbollah Chiite résistant qui n'a plus rien de Libanais maintient son comportement. De plus le problème essentiel du Liban est le Hezbollah et son affiliation sans limite a l'Iran, tout comme l’était les partis dit "Nationaux" des années 60-70 qu'ils soient Druzes, sunnites ou autres qui s’étaient soumis a la Syrie (PSNS, Baas Syrien, etc...), l'Irak (Baas Irakien), l'Egypte (Nassériens), L'Arabie, la Libye et Dieu sait qui d'autres encore... Etant donné le grave problème d'appartenance de tout ces partis au Liban, nous avons tous les droits de tenter de les ramener dans le giron Libanais et de leur en rabâcher les oreilles jusqu'à ce que patriotisme s'en suive!!! Continuez Mr. Touma et le jour ou ils comprendrons qu'il n'y a de solution autre que leur "Libanité", nous serons la pour les accueillir a bras ouvert comme l'enfant prodigue qu'ils sont! Sinon, ils nous trouverons sur leur chemin et ils peuvent être sur qu'ils n'auront pas le dernier mot!!!
Pierre Hadjigeorgiou
12 h 38, le 14 janvier 2016