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Liban

Panégyrique pour un Grand

S'il fallait rappeler aux Libanais leur misère, la disparition de Fouad Boutros aura sonné comme un glas des plus sinistres.
Avec son départ, le déni de la réalité, ce voile que nous portons allègrement et qui nous protège si faussement, se déchire le temps d'un deuil pour nous recracher à la figure toute la laideur de notre condition. Et nous nous sentons soudainement seuls dans le silence glaçant du souvenir. De celui de ce temps que cet homme incarnait avec panache avec l'aplomb d'une stature exceptionnelle et l'intelligente modestie des grands.
Foncièrement réfractaire aux effets de manche caractéristiques de la gesticulation politique moyen-orientale, Fouad Boutros exécrait la parade et ne se préoccupait que du fond. Son action n'obéissait qu'aux exigences de la chose publique. À une époque où la diplomatie internationale s'amusait de la dépravation et de la bêtise des dirigeants libanais, la silhouette droite de Fouad Boutros en imposait. Son raisonnement, forgé à la rigueur de la science juridique, ne souffrait aucune faille. Sa perspicacité et sa ténacité agaçaient les plus retors et l'on devait compter avec lui. Son dégoût pour la médiocrité le faisait passer pour hautain mais avait le mérite de forcer le respect tant pour sa personne que pour le pays qu'il représentait. Il était ainsi l'ultime rempart d'un orgueil national bafoué à outrance.
Mais aussi et surtout Fouad Boutros était un homme honnête. Une vertu difficile à assumer dans un contexte où mégalomanie et démagogie sont synonymes de prééminence et de survie politiques. Au risque de paraître pessimiste et impopulaire, il ne s'autorisait aucune analyse, aucune démarche, aucune communication publique, si elle n'était confortée par un réalisme implacable, épuré de toute subjectivité. C'est dire si un tel positionnement lui était coûteux au vu de la funeste réalité qui était celle du Liban tout le long de sa carrière politique.
Fouad Boutros était un homme intransigeant de ponctualité. Cette qualité était un corolaire de sa distinction naturelle, mais aussi de sa rectitude morale et intellectuelle. L'homme savait qu'il y avait un temps pour paraître et un autre pour s'éclipser et il respectait merveilleusement le calendrier de sa propre vie. Celle-ci ne pouvait plus s'accommoder de la déliquescence irréversible de cette idée du Liban qu'il défendait farouchement. Aussi, Fouad Boutros devait-il s'en aller. Il avait rendez-vous avec la postérité. Il ne devait pas la faire attendre.

Abdallah A. NAMOUR
Avocat à la Cour

S'il fallait rappeler aux Libanais leur misère, la disparition de Fouad Boutros aura sonné comme un glas des plus sinistres.Avec son départ, le déni de la réalité, ce voile que nous portons allègrement et qui nous protège si faussement, se déchire le temps d'un deuil pour nous recracher à la figure toute la laideur de notre condition. Et nous nous sentons soudainement seuls dans le...
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