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Bon embarras !

Toi président, et moi Premier ministre : si le marché Hariri-Frangié conclu récemment à Paris ne devait avoir qu'un mérite, un seul, ce serait sans doute celui d'avoir replacé au centre des préoccupations nationales la nécessité, pour le Liban, de se doter au plus vite d'un chef de l'État. Or plutôt que de précipiter un happy end, ce pavé lancé dans la mare stagnante de l'élection présidentielle n'aura réussi, à ce jour, qu'à semer la confusion au sein des deux blocs politiques antagonistes, plongeant un peu tout le monde dans l'embarras.

À tout seigneur tout honneur : Saad Hariri, le concepteur de ce troc passablement tiré par les cheveux, doit constater en ce moment qu'il a gravement indisposé plus d'un allié, notamment chrétiens, et plus particulièrement les Forces libanaises de Samir Geagea : qu'il a même de la peine à contrôler ses propres troupes, la télécommande maniée à partir de ses exils de Paris ou Riyad s'avérant, dans ce cas précis, peu concluante.

Il n'est pas le seul d'ailleurs à déplorer ce contretemps. Si en effet les puissances occidentales ont applaudi à son projet, c'est en bonne partie parce qu'elles s'inquiètent du glissement, lent mais continu, de la rue sunnite libanaise dans le radicalisme, par réaction aux événements de Syrie : phénomène que seul pourrait endiguer un leadership modéré bien présent dans la place, actif, attentif aux besoins socio-économiques des couches les plus défavorisées de sa clientèle politique.

Hier encore promis au trône de Baabda, Sleiman Frangié se retrouve soudain assis entre deux chaises. Car ni il peut pardonner à ses alliés de lui avoir refusé une chance réelle de rafler la présidence en invoquant leur soutien indéfectible à un Michel Aoun gravement handicapé pourtant ; ni il peut se résoudre à faire désormais cavalier seul en claquant la porte d'un 8 Mars dont il partage les options, et à leur tête la fidélité au dictateur syrien Bachar el-Assad. De toutes les parties en présence, le Hezbollah, quant à lui, passe pour s'accommoder le mieux de la vacance présidentielle ; c'est néanmoins une gêne certaine que traduit le silence assourdissant de la milice qui, sans prendre publiquement position, laisse ses deux principaux alliés maronites, devenus rivaux, régler leurs comptes comme des grands.

Gêne encore plus visible chez le président de l'Assemblée nationale, qu'une vieille inimitié oppose à Michel Aoun et qui passe, de surcroît, pour avoir béni, de concert avec le leader druze Walid Joumblat, les tractations de Paris. Pour corser l'affaire, voici que Nabih Berry se fait inviter officiellement en Arabie saoudite au moment précis où le torchon brûle furieusement à nouveau entre ses amis du Hezbollah et le royaume, qui vient de décrocher la station télévision al-Manar de son satellite, Arabsat. Merci, mais on verra plus tard, ne pouvait qu'être sa réponse ...

Le plus dérouté, le plus déboussolé de tous reste cependant le citoyen, systématiquement tenu à l'écart de l'actualité souterraine, de cette crypto-politique qui donne lieu aux contorsions les plus improbables. En un mot comme en mille il se demande, le citoyen, dans quel cocktail de sauces d'importation, et combien longtemps encore, va devoir encore mijoter la recette présidentielle. Cela faisait dix-huit mois que l'on trompait sa faim. Manque de pot, les cuistots ont mis les couverts trop tôt.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Toi président, et moi Premier ministre : si le marché Hariri-Frangié conclu récemment à Paris ne devait avoir qu'un mérite, un seul, ce serait sans doute celui d'avoir replacé au centre des préoccupations nationales la nécessité, pour le Liban, de se doter au plus vite d'un chef de l'État. Or plutôt que de précipiter un happy end, ce pavé lancé dans la mare stagnante de...