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Économie - Agriculture

L’huile d’olive libanaise, un produit phare mais encore peu compétitif

Si le Liban reste un exportateur net d'huile d'olive, les producteurs sont confrontés à de multiples obstacles qui fragilisent leur position sur le marché local.

La production annuelle d’huile d’olive libanaise est passée de 10 500 tonnes à 16 500 entre 2007 et 2014. Photo : DR

Le ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, a émis, mercredi dernier, une décision ministérielle pour réguler l'importation d'olives et d'huile d'olive au Liban. Désormais, chaque cargaison devra faire l'objet d'une autorisation préalable du bureau du ministre. « Cette décision vise à protéger l'huile d'olive libanaise et à empêcher l'introduction sur le territoire libanais d'huiles altérées », explique à L'Orient-Le Jour Magida Mcheick, chef du département des programmes au ministère de l'Agriculture. Une initiative à première vue difficile à comprendre s'agissant de l'un des rares domaines où le Liban dégage une balance commerciale excédentaire : en 2014, les exportations dépassaient de 8,99 millions de dollars les importations, même si cet écart a baissé de 22,5 % par rapport à 2013.

Huile syrienne
Reste que les oléiculteurs libanais font face à des surplus de plus en plus conséquents. Alors que la production d'huile d'olive libanaise est en nette augmentation ces dernières années – elle est passée de 10 500 tonnes en 2007 à 16 500 tonnes en 2014 selon le Conseil international de l'huile d'olive –, sa consommation annuelle sur le marché national est, elle, passée de 10 kilos par personne à 4,5 en l'espace d'une cinquantaine d'années, selon une étude sectorielle publiée par la banque BlomInvest. Surtout, les producteurs libanais doivent faire face à la concurrence des importateurs d'huile d'olive étrangère : selon les douanes, le Liban importait 4 418 tonnes d'huile d'olive, pour une valeur totale de 13,38 millions de dollars en 2014, essentiellement des pays arabes (hors Égypte).

 

(Pour mémoire : Inauguration d'un centre de collecte d'huile d'olive à Tayrfelsay)



Or depuis les accords de libre-échange conclus en 2005 avec ces derniers, ces importations sont exemptées de droits de douanes (70 %). Sans ces derniers, difficile de rivaliser en termes de compétitivité / prix : exemple avec l'huile syrienne (51 % des importations en 2014) dont le tank est vendu aux alentours de 50 dollars quand le prix du tank d'huile libanaise oscille entre 99 et 133 dollars, selon plusieurs producteurs.
Car le coût de la production d'huile d'olive au Liban demeure très élevé. D'abord, du fait de la structuration du secteur, dominé par des petits producteurs dont les capacités techniques diminuent et dont le capital d'investissement est moins élevé que celui de producteurs plus importants. « Il y a plus de 600 coopératives au Liban – presque une par village, mais bon nombre d'entre elles ne possèdent pas de bureaux », affirme Roland Andary, responsable de la section huile d'olive au sein du projet LIVCD financé par l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAid). Ensuite, la teneur en huile des olives libanaises est relativement faible : elle est estimée entre 18 et 25 % par BlomInvest contre 22 à 26 % pour d'autres variétés recensées par l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel. « En règle générale, un bon olivier devrait faire 20 kilos mais au Liban, il fait en moyenne 6 kilos », ajoute Youssef Farès, producteur d'huile d'olive à la tête d'Olive Trade.

 

Qualité
Pour aider les oléiculteurs à surmonter cette situation de surproduction et améliorer la compétitivité de leurs produits, les bailleurs de fonds internationaux ont multiplié les aides. L'Agence française de développement a par exemple financé à hauteur de 0,7 million d'euros un projet de développement oléicole dans le Sud-Liban entre 2008 et 2010. Mais en la matière, c'est le projet LICVD de l'USAid qui décroche la palme avec 8 millions de dollars consacrés à un projet d'aide au développement de l'huile d'olive organique entre 2005 et 2008. Ce dernier a surtout misé sur l'amélioration des outils de production. Notamment à travers « l'utilisation de pressoirs modernes qui peuvent transformer 1 500 kilos d'olives par heure – le Liban en compte à l'heure actuelle une centaine – en lieu et place des traditionnels – qui en transforment 1 000 kilos par heure », résume Roland Andary.


(Pour mémoire : Le groupe Freiha se lance dans la production d'huile alimentaire)



Au-delà de ce sursaut quantitatif, les experts internationaux cherchent aussi à sensibiliser les producteurs sur la nécessité d'adaptation qualitative. Un des problèmes majeurs rencontrés par le marché de l'huile d'olive réside en effet dans le manque de traçabilité et de certification des produits. Si l'Institut des normes libanaises (Libnor) a mis en place des critères de qualité censés être obligatoires depuis 2010, bon nombre d'acteurs ne les respectent pas et certains n'hésitent d'ailleurs pas à mélanger des huiles libanaises et importées. « Quand vous allez au supermarché, il est inscrit partout : "huile d'olive libanaise" mais qu'est-ce que cela signifie ? », s'interroge Youssef Farès. Les progrès majeurs réalisés à ce niveau concernent surtout les huiles destinées à l'exportation qui doivent respecter les normes internationales en vigueur mais un important travail doit encore être fait. La plupart des moulins et des embouteilleurs libanais ne possèdent en effet pas de certifications telles que les normes ISO.

Autant de chantiers qui ne peuvent dépendre exclusivement d'aides internationales jugées « trop ponctuelles » par Youssef Farès. « Tout le monde est prêt à mettre de l'argent pour installer des équipements et veut construire des moulins mais il y en a déjà 510 dans le pays, c'est énorme ! On ferait mieux de rénover ceux déjà existants, de consolider ce qui est déjà en place », souligne-t-il. Et d'ajouter : « L'aide internationale c'est bien, mais si on a un fil directeur à travers la mise en place d'une stratégie sur le long terme qui restructure tout le secteur. Au Liban, il n'y a jamais eu de politique agricole ! »

 

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