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Lifestyle - La mode

Les « Mécaniques célestes » d’Élie Top

Moustache fine « à l'américaine », costumes de toile, cravate portée à cru, autour du cou plutôt que du col (clin d'œil évident à un certain Alber Elbaz, son mentor), Élie Top fut la signature derrière les bijoux accessoires de Lanvin. Quelques mois avant le départ du maître, il s'est cependant lancé, sous sa marque éponyme fondée en janvier 2015, dans la création de bijoux précieux aujourd'hui disponibles à Beyrouth.

Élie Top, très « marcel-proustien ». Photo DR.

Il y a quelque chose de proustien, voire de « marcel-proustien », chez ce jeune créateur qui semble avoir été jeté dans notre époque par une machine à remonter le temps. Manières félines, regard attentif, discours précis, verbe bas, gestes délicats trahissent en Élie Top l'ancien élève de l'École de la Chambre syndicale de Paris. À la différence qu'après avoir longtemps manipulé tissus et patrons, ce qui lui valut d'être engagé comme assistant d'Alber Elbaz, alors directeur artistique d'Yves Saint Laurent, il s'est trouvé propulsé (« parce que j'étais tellement jeune qu'on ne savait pas quoi faire de moi », sourit-il) au département bijoux et accessoires de la maison. Il y fréquente Loulou de La Falaise et apprend avec passion cet art du contrepoint sans lequel la mode ne jouerait qu'une musique sans relief. Quand Alber Elbaz passe à la création de Lanvin, il l'embarque avec lui. Parallèlement, pour échapper aux contraintes d'une partition attachée à une saison, à une collection de vêtements particulière que suppose l'exercice de la « costume jewellery », Élie Top dessine. Il adore dessiner. Presque en secret, il monte ses « Mécaniques célestes » qu'il va bientôt faire réaliser dans un atelier vosgien.

 

Astres, scaphandres et sphères armillaires
Venu comme un appelé à ce domaine marginal de la mode qu'est le bijou, Élie Top savoure le bonheur de créer de l'allure et du style sans lien direct avec le vêtement.
Pareil à un petit garçon jouant dans un boudoir, lui qui a grandi à la campagne, dans le nord de la France, entre Béthune et Lille, donne corps à un univers fantastique, à la croisée de Jules Verne et de Tintin. Son inspiration prend directement sa source dans la culture de ce début du XXe siècle d'où il semble être tombé. Lui, qui affirme ne jamais être aussi heureux que quand il dessine, s'en donne à cœur joie. Il imagine des « Mécaniques célestes »: sphères armillaires, scaphandres, anneaux saturniens, et visiblement cherche perfection et beauté dans le cosmos, réjouissant pléonasme. Mais à la source, il y a, dit-il, « tous ces objets mi-scientifiques mi-esthétiques, de la Renaissance au XVIIIe, décrivant le système solaire et le zodiaque ». Un cabinet de curiosités, en somme, surgi entre murmures de soie, houppettes et poudre de riz. Il y a aussi ces échos dont il s'entoure, la voix de Klaus Nomi, les chansons de Léonard Cohen, d'Elli et de Jacno, la musique de Bach. Il y a Éva, de Simon Liberati, le dernier livre lu. Il y a cette expo de Raymond Hains, vue chez Max Hetzler à Paris. Il y a la prégnance de son premier voyage à Rome, à l'âge de 9 ans. Il y a ce film qui l'a marqué : Trois souvenirs de ma jeunesse, d'Arnaud Desplechin. Quand il dessine, Élie Top revoit peut-être la silhouette de sa tante paternelle, « une femme sophistiquée, obsédée de mode et de vêtements ». Cette silhouette se superpose à celles d'autres femmes emblématiques, Anna Piaggi, Inès de La Fressange, Loulou de La Falaise, Nancy Cunard.

 

Des créations complexes
C'est à toutes ces figures qu'il dédie sa constellation de sphères en pierres dures, entourées d'un entrelacs complexe d'anneaux d'or sertis de diamants. Ces complications précieuses, déclinées en bracelets, colliers, boucles d'oreilles et bagues, s'enchâssent dans des boîtiers brutalistes, en argent noirci aux soudures apparentes, suspendus, pour les colliers et sautoirs, à des chaînes de facture artisanale. Rien ne laisse soupçonner que telle bille dorée peut s'ouvrir et révéler un trésor mi-horloger, mi-joaillier, mi-cabinet à secrets et mi-boîte à musique, le mécanisme en moins. Véritables confidences faites bijoux, les créations d'Élie Top entretiennent une aura de mystère et posent un défi à l'adage selon lequel « aimer, c'est interroger ». Leur fabrication est confiée par le créateur à un atelier vosgien, choisi pour son « enthousiasme et son savoir-faire à la fois manuel, traditionnel et tourné vers les nouvelles technologies ». Elles sont disponibles à Beyrouth, sur commande, à l'enseigne Sylvie Saliba.

 

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