Le leader du parti des Forces libanaises Samir Geagea a tenu hier à la mi-journée une conférence de presse-fleuve, pendant plus d'une quarantaine de minutes, au cours de laquelle il a passé en revue et en détail la situation actuelle en rapport, notamment, avec la convocation de la Chambre à une séance plénière placée sous le signe de la « législation de nécessité » (voir par ailleurs). D'emblée, M. Geagea a annoncé la couleur en choisissant un intitulé à son intervention : « Du calme ! » s'est-il ainsi exclamé à l'attention de la classe politique.
Affirmant ainsi avoir la nette impression d'être en train d'assister à une falsification des faits, il a réaffirmé l'engagement de son bloc parlementaire à l'égard de la série de lois financières qu'il conviendra de voter au Parlement jeudi prochain. Il a toutefois rappelé que ce train de réformes monétaire et financier « ne date pas d'hier » et que celui-ci aurait eu maintes fois l'occasion d'être entériné s'il ne s'était plusieurs fois heurté au refus des composantes politiques en présence.
Suicide
M. Geagea a martelé qu'il ne remettait nullement en question aujourd'hui l'importance du vote de ces propositions de loi à caractère financier mais qu'en même temps, les propositions de loi concernant le recouvrement de la nationalité par les expatriés d'origine libanaise et la loi électorale le sont tout autant. « Nous sommes censés voter une loi qui doit faciliter la circulation des flux monétaires envoyés par les expatriés. Est-ce que nous voulons donc l'argent des expatriés sans les expatriés eux-mêmes ? » s'est-il ainsi interrogé avant de rappeler que cette proposition de loi (sur la restitution de la nationalité) stagne dans les couloirs du Parlement, de commission parlementaire en commission parlementaire, « depuis 2003 ». À ceux qui ont qualifié les revendications législatives de son bloc de « suicide », il s'est interrogé : « L'intervention militaire en Syrie n'est-elle pas un suicide en soi ? » « Je comprends qu'on nous dise que cette proposition de loi électorale ne passera pas, mais je n'admets pas qu'on m'accuse de mener le pays au suicide, c'est triste. Du calme! » s'est-il exclamé.
Répondant également aux accusations de « déstabilisation de la scène interne », il s'est demandé si la paralysie de l'échéance électorale ou le combat en Syrie ne sont pas à l'origine de l'instabilité politique actuelle. S'adressant au Hezbollah, il s'est interrogé sur la raison qui pousse le parti à respecter son pacte avec le député Michel Aoun en ce qui concerne « un dossier aussi important que la présidentielle, quitte à paralyser un pays tout entier, mais pas lorsqu'il s'agit de faire figurer la loi électorale à l'ordre du jour de la séance parlementaire ». Samir Geagea a, dans ce cadre, mis en garde ceux qui soutiennent qu'il est urgent de voter le paquet de lois à caractère financier : « Prenez garde, ils vous exploitent pour parvenir à leurs fins politiques »; et de rappeler que par le passé, ce même train de réformes aurait dû être voté mais qu'à l'époque, la paralysie du législatif avait conduit le Liban à figurer sur la liste noire du Gafi. Il a cependant souligné qu'il est, de même que son bloc parlementaire, « convaincu à 100 % de la nécessité de valider ces lois ».
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L'absence de volonté politique
Pour Samir Geagea, la loi électorale est tout aussi urgente : « Nous sommes à un an et demi des élections. Dans quelque temps il sera trop tard pour voter une nouvelle loi et nous serons contraints de revenir à la loi de 1960. Mais ça suffit ! Les deux prorogations du mandat du Parlement ont eu lieu sous prétexte de se donner du temps pour tailler une loi électorale assez représentative. » M. Geagea a relevé que, selon l'accord de Taëf, la parité au sein du Parlement, entre musulmans et chrétiens, doit être garantie, or la loi actuelle ne respecte pas cet objectif. Il a expliqué que la parité constitue l'un des piliers principaux de l'accord de Taëf, au même titre que le monopole de la force légitime qui doit être entre les mains de l'État, « mais la présence d'un État dans l'État (allusion au Hezbollah) fait que ce deuxième pilier est actuellement absent de l'équation ».
Allant plus loin et répondant à ses détracteurs qui rejettent l'inscription de la loi électorale « sous prétexte que les FL et le Courant patriotique libre ne sont pas d'accord sur le même texte », il a affirmé : « Avec le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste, nous sommes tombés d'accord sur un texte. Le CPL et le Hezbollah en ont préparé un autre. En quoi cela pose problème que nous ne soyons pas d'accord sur une même mouture ? » « C'est trop d'hypocrisie politique », s'est-il exclamé avant de soutenir que le vote au Parlement a justement été institué pour ce genre de situations, surtout que la loi est examinée en commission parlementaire depuis plus de cinq ans et qu'elle n'a jamais recueilli l'unanimité. « Qu'est-ce que cela peut faire s'il y a 17 propositions de loi électorale ? » a-t-il renchéri.« Ce qui manque, c'est simplement la volonté politique », s'est-il désolé.
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Popularité et représentativité
Samir Geagea s'est ensuite attardé sur la problématique de la représentativité de la masse chrétienne et sur le point de savoir si celle-ci continuerait à être représentée selon les termes du pacte national au cas où les FL, le CPL et les Kataëb s'abstiendraient de prendre part à la séance parlementaire. Tenant des propos très fermes à l'égard des députés chrétiens indépendants, il a réaffirmé toute l'amitié qui le lie à eux sans toutefois manquer de rappeler que « les FL, le CPL et les Kataëb représentent 80 à 85 % de l'électorat chrétien ». « Celui qui veut se rendre à la séance n'a qu'à dire qu'il s'y rend parce qu'il est ami avec untel ou untel (...)mais qu'il ne s'avise pas de prétendre qu'il représente une base qu'il n'a pas les moyens de représenter », s'est-il insurgé. Et de poursuivre, à titre d'exemple : « Malgré toute l'amitié et l'estime sans borne que je voue à Bassem el-Sabeh et à propos duquel je pourrai discourir des heures durant, je ne pourrai jamais dire que Bassem el-Sabeh représente la communauté chiite », a-t-il poursuivi. « Charles Malek était un homme d'État, quelqu'un d'exceptionnel, et en dépit de sa grande popularité il n'a jamais réussi à remporter les élections du Koura », a-t-il également rappelé.
Et de conclure sa conférence de presse par deux messages, l'un adressé au président de la Chambre, Nabih Berry, l'autre à l'ancien Premier ministre, Saad Hariri. À Nabih Berry, qu'il a qualifié de « père du respect du pacte national dans son acception moderne », il lui a rappelé qu'il ne s'agit pas de choisir entre « la mort et la maladie mais entre la maladie et la santé ». « Mais la mort n'est pas uniquement causée par les problèmes financiers. Les pays voisins n'avaient pas de soucis financiers. D'autres problèmes peuvent tuer plus rapidement que les questions financières et ce sont ceux-là que nous devons résoudre », a-t-il martelé. À l'adresse de l'ancien Premier ministre, il s'est remémoré une phrase du Premier ministre martyr Rafic Hariri qui avait affirmé qu'entre musulmans et chrétiens « il s'est arrêté de compter ». « Vous êtes le plus à même de perpétuer son héritage », lui a-t-il dit.
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Il est dommage que vous n'agissiez pas, M; Geagea car vous êtes assimilé à un certain général ... distinguez vous des minus, allez à l'assemblée nationale aider notre PM
15 h 56, le 10 novembre 2015