Durcissement de certaines positions et flou artistique du CPL et du courant du Futur

Ce n'est pas l'une des moindres ironies de la situation qu'à 48 heures de la date de convocation, jeudi, d'une séance législative jugée « de nécessité » par le président de la Chambre, le Parlement soit convoqué aujourd'hui même à élire un nouveau président de la République. Cette convocation, la 31e, finira par un report, comme les précédentes, en dépit des appels répétés de la communauté internationale, et hier même du Vatican, à l'élection d'un nouveau chef de l'État et à la recomposition des institutions.

À la veille de la séance de jeudi, le climat était hier à un durcissement des positions dont les maître-mots sont « consensus national » et « respect du pacte ».
Les Forces libanaises, par la voix de Samir Geagea, et les Kataëb, par celle de Samy Gemayel, ont tous deux contesté le défi qui leur est lancé et le chantage à l'urgence exercé à leur encontre et à l'encontre de ce qu'ils représentent, au nom d'un impérieux devoir de souscrire à une convention sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme... avant la fin de l'année, c'est-à-dire dans un mois et demi. « Où est l'urgence ? » s'est interrogé hier M. Geagea.
Aussi bien les FL que les Kataëb estiment aussi indispensable et urgent de se pencher sur une nouvelle loi électorale et donc d'inscrire ce point à l'ordre du jour des séances prévues jeudi et vendredi, ce que se refuse à faire Nabih Berry, accusé par M. Gemayel de « vouloir résumer à lui seul le Parlement ».
Cette volonté d'aller de l'avant et de faire fi de l'absence certaine, dans l'hémicycle, des députés Kataëb et FL, et de l'absence probable du CPL, ne manque pas d'indigner les leaders concernés qui se créditent, réunis, de plus de 80 % des votes chrétiens.
C'est pourquoi, d'ailleurs, M. Geagea est sorti de sa réserve hier pour avertir les députés chrétiens indépendants que leur maigre représentativité ne leur permet pas de prendre position comme ils le font.

Le « flou » du CPL
Plusieurs réunions ont marqué la journée d'hier, sans que toutes les positions ne se décantent encore. Une longue réunion de Georges Adwan (FL) et Ibrahim Kanaan (CPL), avec Nabih Berry, n'a pas donné les résultats escomptés. Le président de la Chambre s'y est montré toujours hostile à l'idée d'inscrire la loi électorale à l'ordre du jour de la réunion de jeudi.
Mais alors qu'à sa sortie du bureau de M. Berry, M. Adwan a réitéré les positions de son parti, que M. Geagea avait exprimées on ne peut plus nettement, le CPL semble vouloir continuer à louvoyer. « Nous n'avons pas tranché encore » la question de notre participation à la séance de jeudi, a dit M. Kanaan. « Nous nous concerterons sur ce point avec toutes les parties. »

La participation du CPL pourrait dépendre de l'inscription à l'ordre du jour de la séance d'une autre loi qui lui tient à cœur, la loi sur la récupération de la nationalité, qui était toujours en débat hier au Parlement. Car si le bloc de M. Berry, réuni hier, a dit « être ouvert et positif » à l'égard de ce projet de loi ( sinon « quelques remarques de détail qu'il discutera en séance », a-t-il dit), le courant du Futur, lui, cherche à en faire un tremplin pour faire passer le projet de loi sur l'acquisition de la nationalité libanaise par les femmes mariées à des étrangers, que certains considèrent comme la voie ouverte à l'implantation des Palestiniens.
Une autre longue réunion s'est tenue hier à ce sujet, au Parlement, entre les députés du CPL, du Futur et des FL, en présence aussi de trois membres de la Fondation maronite dans le monde, Charles Hage, Youssef Doueyhi et Hyam Boustany.
Le projet accorde le droit à la nationalité aux Libanais figurant, comme résidents ou émigrés, sur les listes de recensement postérieurs à l'annonce du Grand Liban (1920). Un premier recensement a été effectué en 1921, et complété en 1924. Le troisième recensement date de 1932.

Le Futur, pour sa part, reconnaît le droit à la nationalité des résidents figurant sur les listes de recensement, mais la conteste aux émigrés. Par ailleurs, il souhaite que la loi soit caduque deux ans après sa promulgation. Deux points qui dénaturent l'esprit même du projet de loi et lui font perdre son retentissement. Rétablir autant que possible, par le biais de cette loi, l'équilibre démographique entre chrétiens et musulmans au Liban, c'est renforcer l'identité nationale et le Liban multicommunautaire, fait-on valoir dans ces milieux.
Le courant du Futur se rendra-t-il à ce raisonnement cristallin ? Une nouvelle réunion est prévue à la Chambre, aujourd'hui, pour en débattre. Et, dans le cas où il accepte le projet de loi, cet argument jouera-t-il sur la décision finale du CPL et des Forces libanaises de participer à la séance de jeudi ? Réponse dans les prochaines heures.

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