L'Observatoire syrien pour les droits de l'homme (OSDH), créé en 2006 et basé à Londres, est devenu la principale source d'information sur le conflit en Syrie et ses évolutions quotidiennes. Or, pour ses détracteurs, l'OSDH, loin de constituer une source officielle fiable qui justifierait sa référence systématique dans les médias occidentaux, serait au contraire un acteur de la désinformation financé par le Qatar. Si son directeur, Rami Abdel Rahman, n'a jamais caché sa proximité avec l'opposition, et notamment le Conseil national syrien, il se défend néanmoins de toute connivence avec les pétromonarchies du Golfe. Dans cet entretien à L'Orient- Le Jour, il explique le fonctionnement de l'OSDH et les raisons qui motivent son choix éthique.
Sachant que vos sources proviennent de réseaux informels, comment fonctionne l'OSDH sur le plan du contrôle et de la diffusion de l'information ?
Depuis 2006, nous avons 200 activistes militants en Syrie qui travaillent pour l'OSDH et qui disposent chacun de son propre réseau. Ces activistes sont présents dans toutes les zones de combat, et ne sont pas exclusivement affiliés à des groupes de l'opposition armée. Nous avons nos sources au sein du Front al-Nosra, du groupe État islamique (EI), de l'Armée syrienne libre, etc., mais également au sein de la société et du régime. Les interlocuteurs du pouvoir ne sont pas ouvertement des militants de l'opposition, mais des supports qui, dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, nous informent de la situation. L'information collectée nous est transmise au siège de l'OSDH, et nous sommes chargés d'en vérifier l'exactitude. Nous avons besoin d'au moins trois sources différentes qui rendent compte des faits en rapportant une version identique. Si nous ne pouvons pas évaluer la véracité de l'information, nous ne la divulguons pas.
Le décompte des pertes humaines que vous présentez est-il réellement fiable ?
Quand un bombardement ou des combats ont lieu et que l'OSDH ne précise pas s'il s'agit de civils ou de combattants, cela signifie qu'après enquête, nous n'avons pas obtenu de précisions suffisantes, et que nous ne voulons pas prendre le risque de diffuser des approximations. Souvent, nos activistes qui mènent leur enquête sur le terrain se rendent compte que les chiffres sont gonflés par toutes les parties engagées dans les combats, qu'il s'agisse du régime ou des différents groupes de l'opposition. C'est la raison pour laquelle nous faisons en sorte de multiplier nos sources pour approcher au maximum la vérité.
Approcher la vérité, cela signifie qu'il n'y a pas de garantie de fiabilité ?
Notre crédibilité dépend de l'exactitude de l'information rapportée. Indépendamment des affinités ou de l'engagement personnel de chacun, nous informons, nous sommes animés par la recherche de la vérité. Cela implique d'enquêter en toute objectivité. Nous prenons des risques et nous subissons des pressions de tous bords. J'ai personnellement fait l'objet de menaces de mort de la part du régime, comme des groupes d'opposition armés, pour que je dévoile mes sources. C'est la preuve que nous tentons de travailler en toute impartialité. Je n'exclus pas le fait qu'il puisse y avoir des erreurs, mais ce n'est pas une volonté délibérée de désinformer. Comme je l'ai dit, nous tentons d'approcher la vérité, nous n'avons pas les moyens de contrôler à 100 % l'information, mais nous restons l'organisme le plus crédible et le plus responsable.
Comment concilier impartialité et soutien financier et logistique extérieur? D'où proviennent vos financements ?
Nos ressources financières proviennent largement des réseaux d'ONG européennes. Nous recevons également des dons de personnalités indépendantes en Europe. Nous ne sommes pas financés par des gouvernements étrangers et l'OSDH refuse de faire commerce avec les droits de l'homme. Nous sommes uniquement attachés à la cause du peuple syrien.
Nombreux sont ceux qui s'expriment au nom de la « cause du peuple syrien » en lui donnant un contenu à chaque fois différent. Qu'entendez-vous par là ?
Nous souhaitons que les combats cessent rapidement. Chaque jour, le bilan humain s'alourdit, et chaque mort compte. Nous refusons de prendre part à la bataille indécente des chiffres pour déterminer qui du régime ou des groupes d'opposition armés a fait le plus grande nombre de victimes. Chaque personne qui porte la responsabilité d'un meurtre devrait être traduite en justice, et il faut juger tous les criminels afin que la réconciliation soit possible. Cette réconciliation prendrait la forme d'une solution équitable et qui intégrerait toutes les composantes ethniques et confessionnelles de la société syrienne. Par notre travail, nous espérons faciliter la prise de conscience et l'urgence d'œuvrer pour le rétablissement de la paix en Syrie.
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Syrie : qui combat qui, et où
Ce qu'on a envi de lui demander a ce mysterieux personage , c'est aussi 1-le nombre de civils tues par les frappes "coalisees" et 2- la nationalite des victimes , parce qu'il ne pas ignorer que 80 nationnaux divers combattent en Syrie violentee, meme s'il n'en parle pas .
08 h 40, le 09 novembre 2015