Elles étaient neuf au total et la dernière s'est achevée en... 1272, il y a près de huit siècles et demi. C'est le chef de l'Église orthodoxe russe, en improbable successeur du pape Urbain II, qui vient pourtant de proclamer la dixième...
Fort heureusement, les figures sages de l'Église autochtone, naturellement plus au fait des réalités locales que Son Éminence Cyrille, font aussitôt le nécessaire pour tuer le mal (la discorde islamo-chrétienne) dans l'œuf.
À sa décharge, on doit néanmoins reconnaître que le patriarche de Moscou n'avait guère à l'esprit l'idée de bénir une vaste croisade contre les sunnites. La « guerre sainte » qu'il a évoquée ne visait, en principe, que les jihadistes. Sauf qu'avec la confusion qui prévaut à l'heure actuelle sur le point de savoir qui est extrémiste et qui ne l'est pas, et étant donné la situation terriblement volatile en Syrie, on pouvait craindre le pire au niveau des rapports entre chrétiens et musulmans.
Cela est d'autant plus vrai que le monde est échaudé par les précédentes politiques poutiniennes dans ce domaine. L'espèce de « guerre sainte » totale que le président russe avait mis en œuvre chez lui, en Tchétchénie, loin d'éradiquer le phénomène, n'a-t-elle pas abouti à faire de cette région « la plus grande fabrique de jihadistes du monde », selon l'expression d'un ambassadeur occidental en poste à Beyrouth ?
Il reste qu'à y regarder de plus près, l'intervention militaire russe dans le conflit syrien paraît motivée par des raisons qui dépassent le simple engagement à faire la guerre au jihadisme, même si cette démarche constitue nécessairement la raison officielle invoquée par Moscou.
Se fondant sur les cibles visées par l'aviation russe en Syrie, le camp occidental accuse Vladimir Poutine de ne pas faire la distinction entre jihadistes et rebelles modérés et d'être venu essentiellement renflouer Bachar el-Assad. Ce point de vue est recevable, dans la mesure où la Russie a clairement besoin, pour défendre ses intérêts, de maintenir à flot le président syrien et son régime.
Mais le maintenir à flot pour en faire quoi au juste ? Le replacer sur la carte du Proche et du Moyen-Orient comme joueur incontournable, tel qu'il était jadis, ou juste en faire « son » pion, plutôt que celui de quelqu'un d'autre, le temps que les intérêts de la Russie soient définitivement pris en compte ? Inutile de dire que la seconde option semble être la plus réaliste.
M. Poutine, comme Brejnev et Khroutchev avant lui, comme Nicolas II, les Alexandre et la plupart des stratèges de Saint-Pétersbourg et du Kremlin depuis deux bons siècles (à l'exception notable de Staline), voit dans le Moyen-Orient sinon son arrière-cour, du moins un espace quasi vital pour l'influence, la sécurité et la prospérité de son immense pays. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la démarche de Moscou, dont Bachar n'est qu'un rouage.
Sauf qu'immédiatement avant l'intervention russe, le président syrien était essentiellement la « chose » de l'Iran, l'une de ses principales armes dans la négociation planétaire qui commençait à s'engager, après l'accord sur le nucléaire, à propos du rôle et du poids de la République islamique dans la région arabe.
Vladimir Poutine en a décidé autrement. En « volant » Bachar à Téhéran, il a relégué les Iraniens au second plan et s'est imposé comme le principal joueur face au décideur américain. La réunion quadripartite de Vienne, hier, de laquelle l'Iran a été exclu, l'a d'autant plus consacré dans cette position qu'entre-temps, au sol, l'offensive déclenchée par le régime syrien et ses alliés persophiles pour reprendre des territoires perdus à Idleb et Alep semble s'essouffler.
Au final, si l'intervention de Moscou peut avoir pour effet de secouer la ruche des diplomates, elle n'aura guère été que négative. On est bien sûr loin d'être sorti de l'auberge et le maintien ou pas de Bachar el-Assad dans le cadre d'un pouvoir de transition continue d'entraver tout progrès dans les tractations.
Mais, pour l'instant, la diplomatie est de retour et cela, déjà, est une bonne chose.
Fort heureusement, les figures sages de l'Église autochtone, naturellement plus au fait des réalités locales que Son Éminence Cyrille, font...
commentaires (5)
Bachar n est qu un rouage Oui mais helas monsieur , ce rouage sans lequel tout le mecanisme est bloqué . Inutile de discrediter une personne qui a un role a jouer aupres des minorites de la region ..
Hitti arlette
11 h 47, le 24 octobre 2015