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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Entre Ankara et Moscou, l’histoire ne se répéterait pas

Malgré les tensions qui enveniment les relations russo-turques, il ne semble pas que le conflit syrien ait raison du partenariat privilégié existant entre les deux pays, du moins pour l'instant.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan (à gauche) et son homologue russe Vladimir Poutine en décembre 2014 à Ankara. Umit Bektas/Reuters

Rien ne va plus entre Ankara et Moscou, dont les avions ont plusieurs fois violé l'espace aérien turc depuis le début des frappes russes en Syrie le 30 septembre. Hier encore, le président Recep Tayyip Erdogan a pratiquement menacé son homologue russe Vladimir Poutine de faire appel à d'autres partenaires pour construire Mersin Akkuyu, sa première centrale nucléaire, un projet d'envergure de 19 milliards d'euros mené par la Russie et qui devrait entrer en service en 2020. La Turquie est en outre particulièrement dépendante de la Russie qui lui fournit plus de 50 % de son gaz naturel, mais le président turc n'a pas hésité hier à affirmer qu'il se tournera vers d'autres fournisseurs, rappelant les liens commerciaux étroits qui lient leurs deux pays.

Malgré l'accalmie des dernières décennies, les rapports unissant les deux puissances n'auront pas été de tout repos. Rappelons l'une des guerres qui ont opposé au XIXe siècle les deux Empires ottoman et russe, ce dernier étant sorti victorieux du conflit après avoir « libéré » les peuples slaves sous domination turque.
Leurs liens s'étaient resserrés après la fin de l'Empire soviétique, donnant lieu à des accords commerciaux d'envergure. De plus, tous deux partagent un passé historique de grande puissance déchue, et entretiennent la même ambiguïté quant à une appartenance réelle ou non à l'Europe.


(Lire aussi : L'armée syrienne avance dans Sahl el-Ghab)

 

Camouflet
Toutefois, le dossier syrien affecte plus ou moins aujourd'hui les différents enjeux liant les deux pays, qui avaient pourtant réussi à maintenir de bonnes relations malgré des positions diamétralement opposées au sujet de ce conflit. S'ils ont beaucoup à perdre – la Turquie a besoin du gaz russe, et beaucoup d'entreprises turques sont implantées en Russie –, les tensions actuelles ne vont pas briser les relations russo-turques. « Ils ont trop besoin l'un de l'autre, et leurs économies sont à peu près complémentaires. De ce fait, et si d'autres violations n'ont pas lieu, ce partenariat va tenir », estime Bayram Balci, chercheur en sciences politiques et civilisation arabo-islamique au CERI-Sciences Po à Paris, et spécialiste de la Turquie, interrogé par L'Orient-Le Jour.

« En revanche, si les Russes persistent à violer l'espace aérien turc, les choses peuvent aller beaucoup plus loin. Ce qui vient de se passer est comme un camouflet à Erdogan qui était à Moscou il y a quelques jours seulement pour inaugurer une mosquée. Cela montre que la Turquie n'est pas écoutée par ses partenaires, alors qu'elle demande depuis longtemps la mise en place d'une zone-tampon dans le nord de la Syrie. La Russie a agi pendant ce temps à sa manière et sans tenir compte de ce que demandent la Turquie ou les Occidentaux », explique le chercheur. En effet, non seulement la Russie agit-elle en électron libre, mais, d'après Ankara et la coalition internationale contre l'État islamique (EI), elle ne vise pas – ou pas assez – ce dernier lors de ses raids, privilégiant comme cibles des rebelles armés soutenus par la communauté internationale et... la Turquie.


(Lire aussi : Damas, pomme de discorde entre Riyad et Le Caire ?)

 

Retour en force
Cette manière d'agir n'est pas sans rappeler, d'ailleurs, le caractère bien trempé de ces deux hommes que sont Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, assez similaires sur le fond, ce que ne manque pas de souligner M. Balci. Car plusieurs choses rapprochent les deux dirigeants, comme « leur populisme, leur politique autoritaire, leur hostilité à l'Occident... mais même cela ne tient plus ». M. Erdogan étant aujourd'hui obligé de se rapprocher de l'Occident, face au grand méchant ours russe, venu défendre son allié syrien. L'histoire se répète-t-elle entre ces deux pays ? Pour l'instant, il ne semble pas que ce soit le cas, et que Moscou soit en train de « sacrifier » Ankara, embourbée comme elle l'est dans sa crise politique. « Erdogan multiplie les déclarations selon lesquelles il va passer à l'action, mais, en vérité, il ne peut rien faire. Et en cas d'aggravation des tensions, les Turcs seront obligés de s'effacer face aux Russes », prévoit le spécialiste.

En attendant, souligne M. Balci, il est évident que la Russie est en train de supplanter la Turquie en tant que force régionale eurasienne. Il s'agit d'un véritable retour en force de Poutine, et encore, c'est la première fois que la Russie s'impose autant au Moyen-Orient de cette manière-là, au nez et à la barbe des Occidentaux pris de court, et qui ne peuvent rien faire pour arrêter cette force de perturbation qu'est la Russie.

 

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UNE HISTOIRE D,AMOUR COMME TANT D,AUTRES... LA FIN SERA TRISTE...

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 15, le 09 octobre 2015

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Commentaires (2)

  • UNE HISTOIRE D,AMOUR COMME TANT D,AUTRES... LA FIN SERA TRISTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 15, le 09 octobre 2015

  • Enfin soyons sérieux ! grâce à Erdogan et à ses triples-jeux incertains ... ,la Turquie est la cocue de la nouvelle donne dans la région...disons que Poutine le sait ...d'ailleurs, autant que les autres intervenants dans la région, Donc si les résidus de l'empire ottoman se délitent un peu plus ..., ca ne gênera personne ..!

    M.V.

    17 h 32, le 09 octobre 2015

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