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Moyen Orient et Monde - Conflit

La stratégie russe en Syrie : bâtir une forteresse pour Assad

Un pilote de l’armée russe dans la base aérienne de Lattaquié le 3 octobre. Komsomolskaya Pravda/Alexander Kots/AFP

Au fil des opérations, la Russie dévoile sa stratégie en Syrie qui, selon des experts, vise à bâtir une forteresse autour de Bachar el-Assad en écrasant les rebelles les plus modérés et en fermant l'espace aérien aux Occidentaux.
« L'objectif, c'est de sécuriser une zone alaouite sur le territoire de la "Syrie utile" – Ouest densément peuplé qui concentre industrie et agriculture – et de laisser l'Est désertique au groupe État islamique (EI) », résume Igor Sutyagin, expert militaire au Royal United Services Institute (Rusi) de Londres. Les bombardiers russes attaquent ainsi les islamistes (Ahrar el-Cham, Front al-Nosra...) au contact direct de la zone contrôlée par Damas, dans le nord du pays, ainsi que sur les enclaves rebelles plantées au cœur de ce territoire, entre Homs et Hama. « Ils essaient de sauver la situation en soutenant les forces d'Assad et de ses alliés sur le front et en espérant peut-être reconquérir du terrain », analyse Michel Goya, historien militaire et chercheur à l'école Sciences-po Paris. L'opération aérienne pourrait être complétée par une offensive terrestre de l'armée syrienne, appuyée par des forces iraniennes et du Hezbollah, estime M. Sutyagin.
L'Occident reproche à Moscou de très peu s'attaquer à l'EI dans l'est du pays. « Les Russes frappent aussi contre l'EI pour justifier une posture, mais ce n'est pas en réalité leur priorité », considère M. Goya.
À la différence de la coalition conduite par les Américains, qui opère des frappes à haute altitude avec des chasseurs-bombardiers ultrasophistiqués, les Russes utilisent des avions d'attaque au sol Su-25 et des hélicoptères au plus près de l'adversaire. Avec ses douze Su-25 et seize hélicoptères de combat, stationnés à quelques minutes seulement de la ligne de front à Lattaquié, Moscou dispose d'une force de frappe puissante et flexible. Le risque est aussi plus grand pour les pilotes.

Moins scrupuleux
« Ils sont efficaces sur la ligne de front, c'est indéniable », multipliant les rotations et visant des cibles simples, mobiles, là où un Rafale français ou un appareil américain nécessite des moyens beaucoup plus lourds et plus coûteux, relève Michel Goya. Ceci explique l'effet de masse des frappes russes, qui s'enchaînent sans relâche depuis le 30 septembre. « Quantitativement, le bilan est forcément plus important », note l'expert.
Russes et Syriens sont aussi « beaucoup moins scrupuleux sur les dommages collatéraux », alors que du côté occidental, une grande partie du renseignement vise à mesurer ce risque, quitte à renoncer à une mission si celui-ci s'avère trop grand, dit-il.
L'armée russe, enfin, a accès au renseignement syrien, là où la coalition s'en remet exclusivement à ses propres moyens, images satellitaires et traque électromagnétique.
Tous ces atouts compensent certaines faiblesses de l'aviation russe qui aligne en Syrie un mélange d'appareils vieillissants (douze Su-25 et douze Su-24), conçus dans les années 60-70, et multirôles de dernière génération (quatre Su-30).

Occidentaux et Israéliens chassés du ciel
Par ailleurs, les bombardiers Su-24, à long rayon d'action, peuvent aller frapper en profondeur jusqu'à Raqqa, au cœur de l'organisation EI. Mais ils ne seront pas plus efficaces que les avions de la coalition dirigée par Washington, qui ont déjà frappé 2 500 fois en Syrie depuis un an, soulignent les experts.
Mais en investissant le ciel syrien et en déployant des moyens mobiles de défense antiaérienne (Pantsir et Tor M1), la Russie instaure une zone d'exclusion aérienne (« no-fly zone ») qui renforce la protection du régime de Damas. « La coalition, les Turcs et les Israéliens sont de facto chassés du ciel », note Michel Goya.
Le commandant des forces de l'Otan en Europe, le général Philip Breedlove, s'est publiquement ému d'une telle perspective en rappelant que Moscou avait déjà créé ce genre de « bulle » en mer Noire après avoir conquis la Crimée. Des incidents ont d'ailleurs été signalés ces derniers jours entre des avions turcs et russes, ajoutant à l'inquiétude des Occidentaux, même si Moscou a relativisé. « Il est de l'intérêt de tous de s'assurer que rien de fâcheux ne se produise, spécialement dans le contexte actuel de "relations froides" entre l'Occident, l'Otan et la Russie », souligne Douglas Barrie, expert en aéronautique militaire à l'International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres.
(Source : AFP)

Au fil des opérations, la Russie dévoile sa stratégie en Syrie qui, selon des experts, vise à bâtir une forteresse autour de Bachar el-Assad en écrasant les rebelles les plus modérés et en fermant l'espace aérien aux Occidentaux.« L'objectif, c'est de sécuriser une zone alaouite sur le territoire de la "Syrie utile" – Ouest densément peuplé qui concentre industrie et agriculture...

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