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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Programme d’entraînement US : « Recherche rebelles modérés désespérément »

Le ratage du Train and Equip Program est, entre autres, dû au fait que la priorité de l'opposition armée reste Assad, et non Daech, selon David Rigoulet-Roze.

Des membres de l’Armée syrienne libre (ASL) à l’entraînement dans la Ghouta orientale, en 2013. Archives AFP

« Échec cuisant », « embarrassant », « fiasco »... Autant de termes fréquemment utilisés pour qualifier le programme américain d'entraînement des rebelles syriens modérés, annoncé en 2014 et pour lequel un budget de plus de 500 millions de dollars était prévu. Sur les milliers de candidats promis, un peu plus d'une petite centaine de combattants – soit deux « promotions » de 54 et 70 personnes – ont répondu aux critères américains et réussi leur formation au cours du « Train and Equip Program ».

Appelées les Nouvelles Forces syriennes (NFS) par le Centcom (US Central Command), ces recrues n'ont toutefois pas répondu aux attentes occidentales. En juillet, le premier contingent de 54 personnes est entré en Syrie, dans la région d'Alep, pour prêter main-forte aux rebelles armés sur place contre l'État islamique (EI). Aujourd'hui, il n'en resterait que quatre ou cinq hommes combattant effectivement sur le terrain, alors que les autres ont été capturés, ont fui le pays, fait défection, ou ont été tués. Rebelote à la mi-septembre, lorsque le second contingent, de 70 personnes celui-là, pénètre à son tour en Syrie. Washington perd alors tout contact avec le commandant de cette unité, Anas Ibrahim Obeid, également appelé Abou Zeid, qui aurait fait défection avant de créer une nouvelle unité, le Rassemblement des révolutionnaires d'Atareb, d'où il est originaire. Plusieurs rumeurs circulent très vite sur sa défection et sur le fait qu'il aurait donné – ou pas – le matériel sophistiqué (six véhicules militaires, des armes légères et des munitions, selon certaines sources) gracieusement fourni par le gouvernement américain au Front al-Nosra, en échange d'un passage sécurisé dans des zones tenues par cette branche syrienne d'el-Qaëda.


(Lire aussi : Le responsable d'un groupe armé de rebelles syriens formés par les USA aurait jeté l'éponge)

Sur les réseaux sociaux, des photos montrant des soi-disant combattants d'al-Nosra tenant des armes américaines sont de fait relayées. Un spécialiste expliquera par la suite que ce sont en réalité des combattants entraînés par les USA, et dont les clichés avaient été repris par al-Nosra dans un souci de propagande. Entre-temps, trop tard pour le Pentagone, profondément humilié par tous ces échecs. Et il y a une dizaine de jours, un autre rebelle démissionnaire, Mohammad al-Ataribi, devenu porte-parole de la nouvelle entité citée antérieurement, a expliqué avoir voulu combattre le régime du président syrien Bachar el-Assad et non Daech (acronyme arabe de l'EI), responsable selon lui de bien moins d'atrocités. Selon un porte-parole du Centcom, de nombreuses recrues ont, quant à elles, rejoint les différents groupes rebelles auxquels elles appartenaient avant d'être choisies par le gouvernement américain. Et ces derniers jours, plusieurs déclarations sur l'interruption supposée de ce programme ont été contredites par des responsables du département de la Défense américaine.

Craintes américaines
Que s'est-il donc passé pour que ce programme d'entraînement, si prometteur en théorie, tourne au désastre ? Certains observateurs ont mis le ratage de ce programme sur le compte du but annoncé, à savoir lutter contre Daech, et non pas le président Assad, comme l'a expliqué Mohammad al-Ataribi. Ce que confirme Aron Lund, éditeur de Syria in Crisis, un site Internet géré par le think tank Carnegie Endowment for International Peace : « Il est nécessaire, déjà, de noter que de nombreux rebelles syriens considèrent que Bachar el-Assad est leur problème principal, et non l'EI. » Un autre point à soulever est que les États-Unis sont très méfiants et craignent d'appuyer « des rebelles en réalité liés à des groupes comme el-Qaëda, par exemple, ou encore l'EI ». Or, sur le terrain, la situation est loin d'être claire, entre les combats généralisés et les défections quotidiennes. « Il leur a donc fallu s'assurer que les rebelles sélectionnés pour le programme d'entraînement ne sont pas antiaméricains, impliqués dans des crimes de guerre, des affaires de corruption, liés à un mouvement jihadiste, etc. », explique l'expert, précisant à ce sujet qu'il faudrait déjà commencer par définir ce que l'on entend par « modérés ».

Même son de cloche au niveau de David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS) à Paris et rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques. « La difficulté de ce programme, c'est tout simplement sa sélectivité. (...) Et c'est toujours le même problème qui n'est pas résolu, à savoir "est-ce qu'il y a des interlocuteurs fiables sur le terrain et qui seraient susceptibles de constituer une alternative à la fois à Bachar el-Assad, et aux groupes jihadistes". Et pour l'instant la réponse est non, puisque (ce programme) est un fiasco total. On pourrait résumer le manque d'interlocuteur fiable par la formule suivante: "recherche rebelles modérés désespérément". »

(Lire aussi : Des rebelles formés par les Américains ont remis des munitions au Front al-Nosra)

 

Manque de vision
L'échec de cette formation, pour l'instant en tout cas, n'est pas sans mettre en avant un manque de sérieux, de vision même, de la part des États-Unis, quant à l'avenir du conflit syrien sur le terrain, d'autant que les forces armées kurdes sont depuis un bon moment celles qui ont jusque-là le mieux réussi contre l'EI, en Irak comme en Syrie. À moins que cet apparent manque de sérieux ne soit en réalité destiné à caresser la Turquie dans le sens du poil, d'autant plus que « l'entraînement des rebelles se fait sur le sol turc (entre autres) et les rebelles choisis doivent également correspondre aux critères » d'Ankara, comme le rappelle M. Lund. Selon M. Rigoulet-Roze, « il y a des hésitations de la part de Washington, dues notamment à cette absence d'interlocuteurs qu'on ne trouve pas vraiment ». Ce n'est d'ailleurs peut-être pas une coïncidence si en outre le général John Allen, envoyé spécial du président Obama auprès de la Coalition internationale contre Daech, vient de présenter sa démission. « Politiquement, la coalition internationale est fragile, très faible, et sur le terrain, ceux qui font la différence sont les coalitions salafo-jihadistes : c'est soit Jaych al-Islam (Armée de l'islam), soit Jaych al-Fateh (Armée de la conquête) », souligne le chercheur.

Changement de rhétorique
L'aveu de cet échec est intervenu en même temps qu'un changement de discours occidental en ce qui concerne le sort du président Assad, sur lequel achoppent toutes les discussions. Coïncidence ? « Je ne saurais dire s'il existe un lien entre les deux. Le programme a été une source d'embarras pour le gouvernement américain, qui s'avère incapable de former ne serait-ce qu'un petit groupe de rebelles. Mais je ne pense pas que (cette nouvelle attitude occidentale) soit directement liée à ce programme d'entraînement de rebelles », avance Aron Lund. « Plusieurs facteurs ont contribué à ce changement discursif, comme l'accord sur le nucléaire iranien, l'intervention russe dans l'ouest syrien, les tentatives de la coalition internationale (menée par les USA) d'éradiquer l'EI, les efforts du médiateur onusien Staffan de Mistura pour créer une sorte de groupe de contact » pour apporter une solution quelconque au conflit syrien...

Selon certains observateurs, ce changement rhétorique pave la voie à une aide quelconque à Assad. Ce que réfute David Rigoulet-Roze : « Ce n'est pas un appui à Assad ; si appui il y a, il serait par défaut. Il n'est pas souhaité par les Occidentaux. Effectivement, il y a un changement dans la rhétorique, mais pour les anti-Assad, il ne peut pas faire partie de la transition. » Et de rappeler que le départ du président syrien n'est plus réellement demandé comme préalable à toute négociation ou transition, ce qui était le cas avant. « Pour les Français, il fait partie du problème, et non de la solution ; les Américains sont un petit peu plus souples et pragmatiques à ce niveau, et même s'ils considèrent Bachar comme un tyran, la priorité reste Daech », conclut le chercheur.

 

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commentaires (4)

Et avec ca les huluberlus veulent que Poutine fasse confiance a cette "coalition ". Ca fait 5 ans que ca dure ce marche des "gentils "et des brutes . Poutine leur demandera la prochaine fois avant des frappes qui est signale gentils et qui est brutes . eux les huluberlus dissent qu'ils savent . Si les frappes de la "coalition" avaient ete relevantes , Palmyre prise en plein jour par des colonnes de bacteries auraient ete sauvee par des frappes de la "coalition".

FRIK-A-FRAK

13 h 47, le 01 octobre 2015

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Commentaires (4)

  • Et avec ca les huluberlus veulent que Poutine fasse confiance a cette "coalition ". Ca fait 5 ans que ca dure ce marche des "gentils "et des brutes . Poutine leur demandera la prochaine fois avant des frappes qui est signale gentils et qui est brutes . eux les huluberlus dissent qu'ils savent . Si les frappes de la "coalition" avaient ete relevantes , Palmyre prise en plein jour par des colonnes de bacteries auraient ete sauvee par des frappes de la "coalition".

    FRIK-A-FRAK

    13 h 47, le 01 octobre 2015

  • Comme il est ridicule ce président US ! C'est incroyable !

    Halim Abou Chacra

    12 h 50, le 01 octobre 2015

  • MODERES AVANT L,ENTRAINEMENT... EXTREMISTES APRES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 28, le 01 octobre 2015

  • UN GRAND DANGER QUE D'INFORMER LES COMPLOTEURS DE LA COALOTION AVANT DES FRAPPES RUSSES. ILS IRAIENT DARE DARE LES AVERTIR , ILS FONT TOUS PARTIE DU MEME BORD ET DU MEME MONDE.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 05, le 01 octobre 2015

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