Rechercher
Rechercher

Liban

Carole Alsharabati : Le mouvement de contestation n’est pas tenu de proposer des solutions

Carole Alsharabati.

Depuis le 22 août dernier, des masses populaires ont répondu aux appels des divers collectifs de la société civile pour protester, dans la rue, contre la crise des déchets, qui ne faisait que s'aggraver depuis le 17 juillet. Or l'action de ces groupements ne s'est pas limitée au dossier des déchets. Elle a touché à des sujets tout aussi épineux, à l'instar de la corruption ou de l'électricité, allant jusqu'à revendiquer le changement du système politique, « géré par un ensemble d'individus corrompus qui devraient être remplacés ».

C'est à partir de ce point que Carole Alsharabati, directrice de l'Institut de sciences politiques (ISP) à l'Université Saint-Joseph, débute son analyse du mouvement. « Les relations au sein de la société libanaise sont verticalement construites autour de la confession et des services que les chefs communautaires offrent à la masse populaire, souligne-t-elle. Or le mouvement civil a créé un lien horizontal, transcendant les confessions entre les Libanais. Un lien axé sur des principes tels que la laïcité, la gouvernance, la lutte contre la corruption, la tenue d'élections législatives permettant au peuple de s'exprimer, la fin de la paralysie des institutions, etc. », affirme Mme Alsharabati.

La directrice de l'ISP ne manque pas de soulever ici l'idée d'un « défi » auquel les leaders politiques seraient confrontés. Selon elle, « certaines formations politiques sont descendues dans la rue quelques jours après les manifestations du collectif de la société civile parce qu'elles se sentent » défiées « par la force et l'ampleur de plus en plus grandes du mouvement de contestation ». Une allusion à la manifestation organisée par le Courant patriotique libre en réponse à l'appel du général Michel Aoun, le 4 septembre dernier à la place des Martyrs, c'est-à-dire le lieu même où les collectifs du mouvement civil avaient massivement manifesté le 29 août.


(Lire aussi : Entre les plans des uns et des autres, les solutions attendent toujours)

 

« Une force de pression »
Pour Carole Alsharabati, « le mouvement de protestation représente une force de pression sur la classe politique. Il exerce cette seule et unique fonction. Il n'est donc pas tenu de présenter des solutions aux crises contre lesquelles il s'indigne », dit-elle, en réponse aux critiques qui reprochent à la dynamique de rue de ne pas proposer de solutions concrètes. « Il appartient aux partis politiques de mettre en place des programmes pour répondre aux revendications populaires. Or les formations libanaises n'accomplissent pas ce devoir et n'ont pas de vision leur permettant de remédier à ce problème, dans la mesure où elles sont majoritairement axées sur la personne même du chef du parti », souligne-t-elle.

Concernant la polémique portant sur la tenue d'élections législatives avant l'échéance présidentielle, tel que le réclame la société civile, proposition considérée par la dynamique comme étant la solution pour donner la chance à de nouvelles élites de faire partie des instances décisionnelles, Mme Alsharabati rappelle que, « d'un point de vue constitutionnel, la priorité est à l'élection d'un nouveau chef de l'État ». « Mais la solution espérée exige quelque chose de plus fondamental », souligne-t-elle. Selon elle, « il faut opter pour un processus qui irait du bas vers le haut, sous l'effet de la pression populaire et en l'absence de mécanismes institutionnels qui puissent contenir la corruption, d'où l'inutilité d'une solution à travers les institutions politiques ». Dans le même contexte, elle estime que « les deux camps du 8 et du 14 Mars sont anéantis par la nouvelle génération, qui constitue la majeure partie des activistes de la société civile ». Mais elle nuance toutefois cette idée en affirmant que « les protestataires n'accepteront pas un président consensuel, tout comme ils refusent un président de l'une des deux alliances politiques, car de tels chefs d'État chercheront à perpétuer le système politique actuel ».

« Plus de retour en arrière »
Qu'en est-il de l'avenir du mouvement civil ? Pour Carole Alsharabati, « il n'y a plus de retour en arrière possible, dans la mesure où les collectifs de la société civile ont réussi à dévoiler la faiblesse des milieux politiques du pays ». Elle fait état également d'un « fossé générationnel entre les activistes et la classe dirigeante, qui se fait sentir depuis un mois ».
« Nos leaders sont issus d'une mentalité traditionnelle, basée sur les acquis familiaux, alors que les activistes de la nouvelle génération prônent une mentalité valorisant le mérite et la compétition, ce qui explique la continuité de ce mouvement et l'incapacité des politiciens à le récupérer », conclut-elle.

 

Lire aussi
Politique vs politique, l’édito de Michel Touma

Pour mémoire
Marwan Maalouf, la tête dans les nuages et les pieds sur terre

Wadih el-Asmar à « L’OLJ » : « Tol3et re7etkoum » est pour un État de droit

Étudiants libanais en révolution

Depuis le 22 août dernier, des masses populaires ont répondu aux appels des divers collectifs de la société civile pour protester, dans la rue, contre la crise des déchets, qui ne faisait que s'aggraver depuis le 17 juillet. Or l'action de ces groupements ne s'est pas limitée au dossier des déchets. Elle a touché à des sujets tout aussi épineux, à l'instar de la corruption ou de...

commentaires (3)

Chère Carole, J’ai lu avec attention l’article de Yara ABI AKL et votre déclaration que « le mouvement de contestation n’est pas tenu de proposer des solutions ». Puis-je déclarer que je ne suis pas entièrement d’accord avec cette prise de position ? Prenons certains cas de défauts de gouvernance spécifiques et voyons ensemble, si vous le voulez, quel devrait être le rôle respectif de la société civile et des autorités pour y remédier. Dans le cas de la crise actuelle des déchets vous recommandez ainsi que la Société Civile poursuive ses mouvements de protestations jusqu’à ce que les Autorités prennent les mesures nécessaires pour y mettre fin. C’est bon, mais si elles ne le font pas, et que la crise s’envenime et des dizaines, voire des centaines de citoyens soient atteints du cancer ou toute autre maladie résultant de l’afflux des déchets dans les rues de la capitale, que ferait alors la Société Civile ? Une autre crise, non moins grave se profile à l’horizon. Celle de la dette qui enfle au rythme journalier de quinze millions de dollars. Vous voulez donc que la Société Civile attende patiemment que le pays tombe en faillite car elle n’est pas tenue de proposer de solutions? Chère Carole, j’estime, pour ma part, que la Société Civile et les Autorités font partie d’un même corps et doivent agir, à tout moment, en « participation ». Mais, pour ceci il faudrait que la première soit adéquatement informee.

George Sabat

17 h 09, le 01 octobre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Chère Carole, J’ai lu avec attention l’article de Yara ABI AKL et votre déclaration que « le mouvement de contestation n’est pas tenu de proposer des solutions ». Puis-je déclarer que je ne suis pas entièrement d’accord avec cette prise de position ? Prenons certains cas de défauts de gouvernance spécifiques et voyons ensemble, si vous le voulez, quel devrait être le rôle respectif de la société civile et des autorités pour y remédier. Dans le cas de la crise actuelle des déchets vous recommandez ainsi que la Société Civile poursuive ses mouvements de protestations jusqu’à ce que les Autorités prennent les mesures nécessaires pour y mettre fin. C’est bon, mais si elles ne le font pas, et que la crise s’envenime et des dizaines, voire des centaines de citoyens soient atteints du cancer ou toute autre maladie résultant de l’afflux des déchets dans les rues de la capitale, que ferait alors la Société Civile ? Une autre crise, non moins grave se profile à l’horizon. Celle de la dette qui enfle au rythme journalier de quinze millions de dollars. Vous voulez donc que la Société Civile attende patiemment que le pays tombe en faillite car elle n’est pas tenue de proposer de solutions? Chère Carole, j’estime, pour ma part, que la Société Civile et les Autorités font partie d’un même corps et doivent agir, à tout moment, en « participation ». Mais, pour ceci il faudrait que la première soit adéquatement informee.

    George Sabat

    17 h 09, le 01 octobre 2015

  • QU'ELLE A BIEN DÉCRIT LA SITUATION MADAME ALSHARABATI CAROLE. ON PEUT COMPARER LE MOUVEMENT À LA NAISSANCE D'UN BÉBÉ. PAS DE RETOUR EN ARRIÈRE. IL EST NÉ. IL VA GRANDIR. ÉVIDEMMENT UN BÉBÉ N'A PAS LES MOYENS AUJOURD'HUI DE TROUVER LES SOLUTIONS À TOUS CES PROBLÈMES QU'ON LUI OFFRENT CES FAMILLES DE ZAÏMES, MAIS QU'IL VA APPRENDRE TRÈS VITE. CETTE NOUVELLE GÉNÉRATION ATTEND DE VOIR PRÔNER UNE MENTALITÉ QUI VALORISE LE MÉRITE ET LA COMPÉTITION. IL EST TEMPS DE SE LIBÉRER DU POUVOIR ET TOUS LES ABUS DE POUVOIR QUE CES MÊME FAMILLES EXERCENT SUR NOUS. WALID JOUMBLATT PRÉPARE TAYMOUR DE LA MÊME FAÇON QUE SON PÈRE KAMAL L'A PRÉPARER. AMIN GÉMAYEL LANCE SON FILS À SA PLACE. SLEIMAN FRANGIEH PRÉPARE SON FILS TONY COMME SI N'EST PAS ASSEZ. SON GRAND PÈRE A SACCAGÉ LE PAYS. AOUN, MON QU'IL EST GOURMAND. IL VA TOUT AVALER. LUI ET SES DEUX GENDRE. IL NOUS PREND POUR DES CONS CARRÉMENT. MAIS ON LE MÉRITE, POUR LE MOMENT. LES KARAMÉ, L'IMMORTEL BERRI, ET LES DEUX MERCENAIRES HASSAN NASRALLAH ET SAAD HARIRI QUI DÉTRUISENT TOUT SUR LEUR PASSAGE. ETC...ETC..

    Gebran Eid

    13 h 11, le 01 octobre 2015

  • ELLE A PRATIQUEMENT RAISON ! MAIS POUR QUE L'ON PARLE D'UN MOUVEMENT DE PROTESTATION EFFICACE... UN TEL MOUVEMENT DEVRAIT COMPTER AU MOINS UN MILLION DE PROTESTATAIRES... Où SONT-ILS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 26, le 01 octobre 2015

Retour en haut