La chaîne de télévision libanaise al-Jadeed, accusée d'avoir diffusé des informations sur des témoins protégés dans l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, a été acquittée d'outrage et entrave à la justice par le juge compétent en matière d'outrage du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), Nicola Lettieri.
Le tribunal a certes estimé que trois témoins présumés, sur un total de onze concernés par cette affaire, pouvaient être identifiés grâce aux informations publiées par Al-Jadeed-TV. Mais, a soutenu le juge Lettieri, rien ne montre que "les individus concernés ait souffert de quoi que ce soit à cause de ces divulgations".
L'accusation n'a "pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que la divulgation (...) pouvait objectivement miner la confiance du public dans la capacité du tribunal à protéger la confidentialité de certaines informations", a-t-il ajouté lors d'une audience publique dans la banlieue de La Haye, où siège le TSL.
La rédactrice en chef adjointe et la vice-présidente du conseil d'administration de la chaîne al-Jadeed, Karma Mohammad Tahsine Khayat, a elle aussi été acquittée pour la diffusion des reportages, mais a été reconnue coupable de ne pas les avoir retirés du site Internet de la chaîne lorsque le tribunal le lui avait demandé. Les visages étaient cachés et les noms complets n'étaient pas mentionnés, mais leurs initiales, profession, lieu de travail ou même des plaques d'immatriculation étaient soit mentionnés soit visibles à l'écran, selon l'accusation.
La peine de Mme Khayat sera déterminée lors d'une audience le 28 septembre prochain. Elle encourt une peine maximale de 7 ans de prison et/ou 100.000 euros d'amende. La défense a 15 jours pour faire appel du verdict.
"L'acquittement signifie que le TSL nous a fait perdre notre temps et perturbé notre travail pendant deux ans", a réagi Karma Khayat, restée à Beyrouth, dans un communiqué : "Au final, nous avions raison".
"Quant à ma condamnation pour entrave à la justice, un seul email ne peut pas être considéré comme une preuve suffisante contre moi, le TSL a pris cette décision pour sauver les apparences", a ajouté Mme Khayat, qui avait comparu libre à l'ouverture de son procès.
Al-Jadeed-TV et sa rédactrice en chef adjointe Karma Khayat étaient accusées d'outrage et d'entrave à la justice pour avoir publié des informations sur onze témoins présumés dans une série de programmes diffusés entre le 6 et le 10 août 2012. Après leur diffusion, le TSL avait requis que les reportages soient retirés du site Internet de la chaîne, ainsi que de la chaîne YouTube d'al-Jadeed, ce qui n'a pas été fait.
Les visages étaient cachés et les noms complets n'étaient pas mentionnés, mais "personne n'est dupe", avait lancé le procureur Kenneth Scott à l'ouverture du procès, en avril. Il soutenait que des informations telles que leurs initiales, profession, lieu de travail ou même des plaques d'immatriculation étaient soit mentionnés soit visibles à l'écran.
Les accusés affirment que les témoins ne sont pas identifiables et soulignent que leur but était, précisément, de dénoncer les dysfonctionnements du TSL, notamment les fuites d'informations confidentielles. Le TSL n'a jamais confirmé ni démenti que ces personnes étaient effectivement des témoins.
Premier tribunal international ad hoc créé pour juger une attaque "terroriste", le TSL a été constitué par l'Onu, à la demande du Liban, après l'attentat ayant coûté la vie à Rafic Hariri et à 22 autres personnes en février 2005 à Beyrouth.
Le tribunal a inculpé cinq membres du Hezbollah. Leur procès s'est ouvert en janvier 2014, mais en l'absence des accusés. Le parti chiite a en effet exclu la remise des suspects et accuse le TSL d'être le fruit d'un complot "israélo-américain" visant à le détruire.
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commentaires (6)
Encore un conSeil...., smîîîk mais "djeune" !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
12 h 40, le 19 septembre 2015