Pendant que le sort désespéré de milliers de réfugiés fuyant la guerre en Syrie faisait les gros titres de la presse cet été, les efforts diplomatiques déployés de nouveau pour mettre fin au conflit ont discrètement tourné court.
Pour les spécialistes de la Syrie, cet échec, passé largement inaperçu, ne fait que confirmer qu'aucune solution n'est en vue et que les divergences des puissances internationales ou régionales sur l'avenir de Bachar el-Assad semblent pratiquement insurmontables. Le pays paraît ainsi voué à se fragmenter toujours davantage en une multitude de territoires. Celui que contrôle le régime rétrécit, mais le président syrien est convaincu de pouvoir survivre grâce à l'appui de ses alliés russe et iranien. Les responsables occidentaux ont beau déclarer qu'aux yeux mêmes de ses alliés, Bachar el-Assad n'est plus considéré comme capable de remporter la victoire et de stabiliser la Syrie, Moscou lui affiche son soutien haut et fort.
La Russie continue en effet de fournir des armes à l'armée syrienne. Selon un responsable militaire syrien, ce soutien militaire russe a connu un « tournant majeur » récemment. « Nos liens se développent en permanence, mais ces derniers jours, il s'est produit un saut qualitatif », a résumé ce responsable à Reuters. De telles affirmations restent difficiles à vérifier, mais le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'est inquiété samedi auprès de Sergueï Lavrov d'informations selon lesquelles Moscou s'impliquerait davantage en Syrie. Selon le New York Times, les Russes ont dépêché une délégation militaire en Syrie et envoyé des constructions préfabriquées pouvant héberger des centaines de personnes sur une base aérienne syrienne, où un système de surveillance aérienne aurait également été déployé.
Priorité à la lutte contre l'EI
Les divergences sur le sort de Bachar el-Assad sont telles que les idées avancées pour une solution politique au conflit laissent pour l'instant de côté la question de l'avenir du président syrien, même si cela complique la stratégie de lutte contre l'organisation jihadiste État islamique (EI), qui est désormais présente jusqu'aux faubourgs sud de Damas. « Je ne vois pas un énorme changement de la part des Iraniens ou des Russes. On dit qu'ils éprouvent une certaine lassitude, mais leurs positions restent fermes », relève Andrew Tabler, spécialiste du Proche-Orient au Washington Institute. « Ils pensent que le départ immédiat d'Assad provoquerait un effondrement du régime. Washington considère aussi qu'une chute du régime serait une aubaine pour l'EI. Ils sont confrontés à un casse-tête : si Assad s'en va maintenant, cela profiterait à l'EI, mais s'il ne s'en va pas, il n'y a aucun espoir de recoller à nouveau les morceaux de l'État syrien. » « Le récent accès de fièvre diplomatique s'explique parce que tout le monde est inquiet, et a raison de l'être. Mais les résultats de ce processus sont incroyablement modestes. Ils ne font que renforcer les positions politiques antérieures sur le dossier », ajoute Andrew Tabler. Et pour Moscou et Téhéran, aucune solution alternative à Bachar el-Assad ne peut garantir leurs intérêts dans la région.
Depuis l'accord du 14 juillet sur le nucléaire iranien, l'Iran affirme chercher une solution politique au conflit syrien, mais rien n'indique que Téhéran soit moins présent sur le terrain. Quant à la Russie, elle a tenté sans grand résultat d'inclure le gouvernement de Damas au sein d'une coalition anti-État islamique. L'idée a été rejetée par plusieurs États dont l'Arabie saoudite. « Les propositions de nos partenaires pour un changement de régime à Damas n'ont aucune légitimité. Ils disent qu'Assad doit partir et ensuite ? Je crois qu'ils n'ont pas la moindre idée », résume une source diplomatique russe. « Il n'y avait pas de terroristes en Irak ni en Libye. Aujourd'hui, l'État libyen s'est effondré et les terroristes y pullulent. »
Le nouvel envoyé spécial des États-Unis pour la Syrie, Michael Ratney, a livré un point de vue diamétralement opposé à l'issue d'une visite à Moscou le 28 août dernier. « Nous avons conscience que le maintien au pouvoir d'Assad entretient l'extrémisme dans la région. C'est pourquoi une transition politique n'est pas seulement nécessaire pour le bien du peuple syrien, mais constitue une part importante dans la lutte contre les extrémistes », a-t-il dit. Toutefois, tout en insistant sur la nécessité du départ d'Assad, les États-Unis ne précisent ni quand ni comment. La France, qui insistait sur le départ préalable du président syrien, parle désormais de son départ « à un moment ou à un autre ». Cela ouvre la possibilité d'une transition qui débuterait avec le président syrien toujours aux commandes, même si l'hypothèse serait extrêmement difficile à « vendre » aux rebelles.
Vendredi dernier, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que Bachar el-Assad était prêt à organiser des élections législatives anticipées et à partager le pouvoir avec une opposition « saine », posant les limites de ce que Moscou considère comme acceptable. Parallèlement, l'émissaire des Nations unies Staffan de Mistura a invité les belligérants à prendre part à des groupes de travail pour discuter de questions constitutionnelles, politiques, militaires et sécuritaires. Mais l'une des difficultés à laquelle est confronté le diplomate italo-suédois est la désunion de l'opposition, même si certaines factions commencent à mieux s'organiser sur le plan politique.
Tom PERRY et Gabriela BACZYNSKA/Reuters
commentaires (3)
l'Ordure, dans tous les cas, finira dans les poubelles.... de l'Histoire parmi les "autres" Ordures.... de Beïrut !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
07 h 59, le 09 septembre 2015