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Liban - Interview

Ross Mountain : Le talent de ses habitants est la plus grande richesse du Liban

Pour le représentant permanent du Pnud qui vient tout juste d'achever sa mission, le Liban est un peu une seconde patrie. Dans un entretien avec « L'Orient-Le Jour », il met l'accent sur la délicate situation que vit le pays avec la crise des réfugiés syriens.

Une petite réfugiée syrienne remettant une rose à Ross Mountain. Photo d’archives

Ross Mountain, représentant permanent du Pnud au Liban et vice-représentant personnel de Ban Ki-moon pour les affaires humanitaires, a achevé sa mission à Beyrouth le 31 juillet dernier. Il a rempli deux mandats au Liban, le premier durant les années quatre-vingt-dix, pendant lequel il a été témoin de l'opération israélienne « Les raisins de la colère » et aussi de la reconstruction du pays après la guerre civile. Son second mandat, entamé en 2014, a été marqué par la guerre syrienne et la crise humanitaire des réfugiés.
Originaire de Nouvelle-Zélande, Ross Mountain a aussi fait partie de la délégation libanaise à Stockholm, pendant la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah, devenant pour une courte durée consultant auprès du gouvernement de Fouad Siniora. « M. Siniora a effectué une demande auprès du secrétaire général de l'Onu pour que je puisse travailler sur la conférence de Stockholm ;
à l'époque, je remplissais un mandat en République démocratique du Congo. J'ai pris donc un congé annuel et je suis venu au Liban », se souvient-il.
Ross Mountain, qui remplira d'autres missions onusiennes après la fin de son mandat à Beyrouth, compte néanmoins passer une importante partie de son temps au Liban. Se souvenant de son premier mandat au pays du Cèdre, il affirme : « Le pays avait un président de la République et un gouvernement. C'était du temps d'Élias Hraoui et de Rafic Hariri, et le plan de reconstruction était entamé. » Commentant son second mandat, il note : « Quand je suis revenu l'année dernière au Liban, l'occupation syrienne était finie, les Israéliens avaient évacué le Liban-Sud, le centre-ville était reconstruit et la livre libanaise était solide. Aujourd'hui, le pays fait face au flux de réfugiés venus de Syrie, et cela constitue une autre forme de défi. La fragilité des structures de gouvernance est bien évidente. Le Liban fait face à une immense pression et le fait qu'il tienne toujours le coup relève du miracle. Peu de pays pourraient supporter une telle pression. »
Mettant l'accent sur la résilience des Libanais, il poursuit : « Cela est extraordinaire de voir côte à côte des réfugiés syriens accueillis par une population libanaise pauvre sans que n'éclatent de graves problèmes entre les deux communautés. Il ne faut pas pour autant penser – sur le plan national ou international – que cela pourrait durer éternellement. C'est pour cette raison donc qu'il est essentiel d'aider le Liban. »
Ross Mountain a fait du dossier des réfugiés syriens au Liban et de l'aide octroyée à la communauté hôte son cheval de bataille. « Il faut préserver la cohésion libanaise, aider le pays à surmonter cette crise, le Liban accueillant le plus important nombre de réfugiés par rapport au nombre de ses habitants dans l'histoire moderne », dit-il, ajoutant qu'on « devrait mettre en place des projets qui servent aussi bien les réfugiés syriens que la population hôte. C'est ce qui se passe actuellement, que ce soit sur le plan de l'infrastructure, de la santé ou de l'éducation. Les projets mis en place doivent aider à préserver la stabilité du pays et permettre aussi un peu au Liban de tirer le maximum d'une situation qui n'est pas avantageuse ».
« Quand on a 10 000, 50 000 ou 100 000 réfugiés, on est devant un problème de réfugiés ; quand on accueille plus d'un million de réfugiés, c'est un problème national qui se pose. C'est ainsi qu'il faut poser le problème », explique-t-il, martelant qu'il « est très important que la communauté internationale aide le Liban à préserver sa stabilité ».
« Nous souhaitons tous que les Syriens puissent rentrer chez eux demain. Mais on voit ce qui se passe : la situation devient de plus en plus complexe et on compte déjà huit millions de Syriens déplacés dans leur propre pays en plus des quatre autres millions qui se sont réfugiés dans les pays voisins. Les réfugiés syriens ne resteront pas au Liban éternellement, mais ils y seront pour les quelques années à venir. La situation n'est pas propice à leur retour ou à ce que d'autres pays aident le Liban d'une façon significative pour alléger leur nombre dans le pays. Il faudra donc s'assurer de maintenir la stabilité », indique-t-il.

Trouver une solution aux inégalités
Ross Mountain, qui est également venu au Liban à maintes reprises à titre privé, met l'accent sur le talent des Libanais qui vivent au Liban ou à l'étranger. « Cette somme de talent est exceptionnelle », affirme-t-il, exprimant son optimisme pour le Liban, « même si le pays a besoin et mérite beaucoup plus d'aide ».
En réponse à une question, il note que pour préserver la stabilité du Liban, il faudra aussi un engagement des personnalités politiques locales à sécuriser le pays. La bonne volonté des responsables est nécessaire dans ce cadre. La communauté internationale devrait aussi intervenir. « Sur le plan politique, on sait qu'il est nécessaire de maintenir la stabilité au Liban. Mais le pays a aussi besoin d'une aide financière, pas seulement d'un soutien politique. Le Liban a besoin de tous ses amis à cette étape », dit-il.
Invité à évoquer ce qu'il préfère en ce qui concerne le peuple libanais, M. Mountain confie : « L'esprit de débrouillardise des Libanais. Cette attitude qu'ils ont devant la vie en pensant que tout est possible et en y croyant vraiment. Au Liban, le mot impossible n'est pas fréquemment utilisé. Les Libanais trouvent toujours les moyens de rendre les choses possibles. La force du Liban réside dans le talent de ses habitants. C'est la résilience du pays et de ses habitants qui a permis au Liban de continuer malgré toutes les difficultés vécues. » « J'aime aussi la cuisine libanaise », ajoute-t-il.
Ce qu'il n'aime pas ? « Les inégalités au Liban ; un million de Libanais environ vivent dans la pauvreté. Peut être faut-il donner plus d'importance à ce problème d'inégalité », dit-il. Et d'ajouter : « J'ai remarqué aussi que certains agendas politiques barrent la route à ce qui est bon pour le Liban, et cela malgré le fait qu'il existe de graves menaces qui pèsent sur le pays. Il est très inquiétant de voir que le Liban est sans président, que son Parlement travaille au ralenti et que son gouvernement pourrait être complètement paralysé. »
Comment présenterait-il le Liban à un collègue onusien ? « Je lui dirais : "Si vous avez la chance de visiter le pays, allez-y." Je dirais que le Liban est plein de contradictions et que cela fait partie de son charme. Je parlerais aussi des Libanais et de la cuisine du pays. »
« Tout le monde ne comprend pas les pressions auxquelles le Liban fait face. Pour préserver la stabilité, il faut que le monde entier reconnaisse les dangers qui pèsent sur le Liban. C'est toute une situation qu'il faut gérer », souligne-t-il en conclusion.

Ross Mountain, représentant permanent du Pnud au Liban et vice-représentant personnel de Ban Ki-moon pour les affaires humanitaires, a achevé sa mission à Beyrouth le 31 juillet dernier. Il a rempli deux mandats au Liban, le premier durant les années quatre-vingt-dix, pendant lequel il a été témoin de l'opération israélienne « Les raisins de la colère » et aussi de la...

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