L'avocat d'un Libanais détenu à Prague figure parmi les cinq Tchèques portés disparus au Liban pour des motifs encore inconnus, a affirmé lundi à l'AFP le représentant légal de la famille du détenu.
"Nous connaissons très bien l'équipe tchèque portée disparue" depuis vendredi soir, a affirmé Kamal Mohsen al-Haf, qui est également le neveu d'Ali Taan Fayad, en détention provisoire depuis mars 2014 en République tchèque.
"Parmi eux, figure l'avocat d'Ali qui est venu au Liban quatre ou cinq fois et que nous avons rencontré ici ", a indiqué l'avocat qui parlait à l'AFP à Ansar, localité d'origine de M. Fayad.
"Il y avait aussi deux journalistes tchèques, un traducteur et le frère d'Ali, Saëb Taan Fayad, qui les conduisait dans sa voiture personnelle", a-t-il ajouté, affirmant qu'il ignorait l'identité du cinquième Tchèque.
"Nous avons l'habitude de les accompagner quand ils viennent au Liban", précise-t-il.
Les cinq Tchèques, ainsi que leur chauffeur, ont disparu vendredi soir, et leur voiture a été retrouvée dans la région de Kefraya, dans la plaine de la Békaa (est). Des soldats de l'armée déployés dans la région de la Békaa depuis samedi effectuent des opérations de recherches dans les hôtels et les endroits où le groupe se serait arrêté durant la journée. Plusieurs services de sécurité ont affirmé à l'AFP qu'ils ont bien été enlevés et que des appareils photos professionnels et de l'équipement vidéo ont été retrouvés dans la voiture.
Les cinq ressortissants tchèques étaient en mission journalistique au Liban, a indiqué mercredi une source à L'Orient-Le Jour. Ils ont effectué deux interviews peu de temps avant leur disparition, l'une à Fakiha et l'autre avec le président de la municipalité de Laboué, Ramez Amhaz, qu'ils ont enregistrées sur les caméras trouvées à bord de la voiture. Les interviews portent sur les jihadistes et les combats dans le jurd de Ersal, ainsi que les camps de réfugiés syriens dans la région.
Plusieurs pistes sont étudiées par les forces de sécurité, à part celle qui pourrait être liée à l'identité secrète du cinquième ressortissant, mais la plus plausible serait, selon la même source, celle d'un rapt en représailles à l'arrestation d'Ali Taan Fayad en République tchèque.
A Prague, le gouvernement a mis en place une cellule de crise. "Des recherches sont en cours au Liban", a indiqué à l'AFP la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Michaela Lagronova. "Nous ne pouvons pas confirmer l'enlèvement (...) cela constitue bien sûr l'une des alternatives examinées".
(Lire aussi : Mystère autour de la disparition dans la Békaa de cinq Tchèques et d’un Libanais)
"Ex-conseiller en Ukraine"
D'après M. Haf, le détenu Ali Taan Fayad, qui a la nationalité ukrainienne, a occupé le poste de "conseiller de l'ancien ministre ukrainien de la Défense pour les affaires du Proche-Orient" du temps de l'ex-président Viktor Ianoukovitch. "Il a été arrêté par les autorités tchèques sur demande des Américains qui l'accusent de +complot contre les Etats-Unis+ et demandent son extradition", a poursuivi l'avocat.
Il a réfuté les informations de presse faisant état de liens entre son oncle et le Hezbollah, classé sur la liste des "organisations terroristes" par Washington. "Ali n'a aucun lien avec le Hezbollah", a-t-il dit. "Nous sommes surpris par cet enlèvement", a poursuivi M. Haf.
La Cour municipale de Prague avait initialement donné feu vert à l'extradition aux Etats-Unis de M. Fayyad ainsi que de deux ressortissants de la Côte d'Ivoire, Faouzi Jaber et Khaled Marabi. Mais la Cour suprême a estimé que les Etats-Unis n'avaient pas offert de garanties suffisantes selon lesquelles les trois hommes n'y seraient pas soumis à des traitements inhumains. La Cour municipale devra se pencher de nouveau sur le dossier.
Selon le journal tchèque Dnes, le trio a été arrêté par un commando de la police tchèque à la demande des autorités américaines en avril 2014 à l'hôtel Sheraton à Prague, alors qu'il s'entretenait avec des personnes qu'il croyait appartenir à la guérilla colombienne FARC. En réalité, il s'agissait de membres de la police anti-drogue américaine DEA (Drug Enforcement Administration), d'après le journal. Les trois hommes ont été accusés d'avoir tenté de fournir aux FARC des armes en provenance d'Ukraine. La transaction d'un montant de 160 millions de dollars devait être financée par des profits de la vente de drogue, selon Dnes.
Interrogée par l'AFP, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Michaela Lagronova s'est refusée à commenter "des spéculations qui surgissent dans les médias".
Les enlèvements d'étrangers sont rares au Liban depuis la guerre civile (1975-1990), pendant laquelle de nombreux Américains et Européens, avaient été kidnappés.
Le dernier enlèvement de taille remonte à 2011 lorsque sept cyclistes estoniens avaient été retenus pendant quatre mois pour des raisons inconnus dans la Békaa avant d'être libérés vraisemblablement en échange d'une somme d'argent.
Certaines régions de la Békaa sont des zones de non-droit où sévissent des trafiquants de drogues, sur fond de tensions entre clans tribaux.
Pour mémoire
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LE TITRE EXPLIQUE TOUT...
18 h 45, le 20 juillet 2015