Comme prévu, un Conseil des ministres houleux s'est tenu jeudi, déclenchant le mouvement de protestation des partisans du Courant patriotique libre (CPL) lancé par leur leader, Michel Aoun, contre ce que ce dernier estime être une marginalisation des chrétiens libanais.
Le début de la réunion du gouvernement a été marqué par une dispute entre le chef du gouvernement Tammam Salam, et le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Les photographes présents ont pu filmer le début du débat entre les deux responsables avant d'être rapidement priés de sortir. Ces images rapportées par les médias locaux ont suffi pour que les aounistes, réunis au centre Myrna Chalouhi, à Sin el-Fil, dans la banlieue-est de Beyrouth, décident de former un convoi et de se diriger vers le Grand Sérail. Au même moment, les forces de l'ordre se sont déployées le long de la rue des Banques avant de bloquer toutes les rues qui mènent au Grand Sérail.
Photo Michel Sayegh.
Cela n'a pas empêché des dizaines de partisans du CPL de tenter de s'approcher du Sérail à pied, en empruntant plusieurs rues dont celle de l'Escwa et en criant des slogans en faveur de leur leader Michel Aoun et de son élection à la présidence de la République. Le mouvement a dérapé en accrochages entre les militaires rassemblés autour du Sérail et les militants aounistes. Les médias de la formation aouniste ont de leur côté accusé les agents des Forces de sécurité intérieure (FSI) d'avoir agressé les députés et les militants qui sont parvenus à se rapprocher du Grand Sérail.
Photo Michel Sayegh
L'armée refuse la confrontation
"Nous ne voulons pas de confrontation avec l'armée, nous sommes là pour que les politiciens nous respectent à nouveau, car ils nous ont manqué de respect", a déclaré Anthony, un militant aouniste de 19 ans.
L'armée libanaise n'a de son côté pas tardé à publier un communiqué dans lequel elle a affirmé qu'elle "ne sera entraînée dans une confrontation avec aucun parti". "Face à l'aggravation des tiraillements politiques dans le pays (...), accompagnés de mouvements de contestation populaire, il importe au commandement de l'armée d'affirmer que l'institution militaire ne sera entraînée dans une confrontation avec aucun parti", peut-on lire dans le communiqué. "L'objectif de l'armée est de protéger les institutions constitutionnelles, les biens publics et privés et la sécurité des citoyens, tout en préservant la liberté d'expression de tous les Libanais dans le cadre du respect des lois", ajoute l'armée dans son communiqué.
Photo Suzanne Baaklini
Dans un autre communiqué publié quelques minutes plus tard, l'institution militaire a annoncé que "sept soldats ont été blessés quand des manifestants ont tenté de forcer le barrage installé par la troupe aux abords du Grand Sérail". Une information démentie par le ministre de l'Education Elias Bou Saab qui, citant des officiers de l'armée, a affirmé qu'aucun soldat n'a été blessé.
Plus tard en début de soirée, le commandement de l'armée a reconnu avoir fait usage de la force, mais seulement après que certains protestataires s'en soient pris aux soldats et ont essayé de franchir les barrières de sécurité.
A la mi-journée, Gaby Layoun, ancien ministre de la Culture, a rejoint les manifestants. Il a été suivi par le député aouniste Ibrahim Kanaan. "Nous nous exprimons de manière démocratique et civilisée et espérons le retour à la Constitution, sinon nous poursuivrons notre mouvement", a déclaré ce dernier à la presse. "Ni les manifestations, ni le référendum, ni les élections législatives ne sont permis. Est-il uniquement permis de bafouer les droits?", a-t-il martelé.
Photo Michel Sayegh
"La bataille ne fait que commencer"
La démonstration de force aouniste s'est répercutée sur les débats en Conseil des ministres, le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, qualifiant la séance de "très dangereuse". Le Premier ministre a donc décidé de reporter après la fête du fitr le débat autour du mécanisme agréé pour le fonctionnement du Conseil des ministres en l'absence d'un président. Un seul point inscrit à l'ordre du jour a été adopté, celui du déblocage des fonds dus aux hôpitaux.
"Le gouvernement se réunira dans deux semaines et M. Salam a appelé au respect des règles qui régissent le fonctionnement du gouvernement", a déclaré le ministre de l'Information Ramzi Jreige à l'issue de la séance. Selon M Jreige, le chef du gouvernement a manifesté son mécontentement au sujet de l'ambiance qui règne aujourd'hui et a souligné que "les conflits ne doivent pas mener à la confrontation".
Le ministre Bou Saab a de son côté indiqué que M. Salam a promis de discuter des demandes aounistes dans deux semaines. "Notre désaccord aujourd'hui portait sur les moyens d'appliquer la Constitution", a-t-il souligné après avoir rejoint, avec Gebran Bassil, les manifestants devant le Grand Sérail. "Les prérogatives du chef du gouvernement sont respectées, mais cela devrait être le cas également pour celles du président de la République", a ajouté M. Bou Saab. M. Bassil a, lui, crié victoire. "Nous avons obtenu aujourd'hui ce que nous voulions. La bataille ne fait que commencer", a-t-il lancé.
Les militants aounistes ont par la suite quitté le centre-ville.
Selon la chaîne LBC, la solution trouvée lors du Conseil des ministres est le fruit d'un accord entre le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, représentant le Courant du Futur, le ministre d'Etat pour les Affaires du Parlement, Mohammad Fneich, pour le Hezbollah et Gebran Bassil.
En se rendant au Conseil des ministres dans la matinée, M. Bassil avait déclaré : "Aujourd'hui je manifeste pour l'application de la Constitution". Ce à quoi le ministre des Télécommunications, Boutros Harb, aurait rétorqué : "Qu'il commence d'abord par la lire"!
Ramzi Jreige avait pour sa part déclaré aux portes du Sérail : "Nous sommes contre le blocage, le général Aoun a le droit de donner son avis via tous les moyens démocratiques, mais il n'est pas seul détenteur du rôle de protéger les droits des chrétiens".
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Donc plus il y a une vacation présidentielle ... plus il y a de présidentiables dans la rue ...! de quoi nous plaignons nous ...? d'un excès de démocratie virtuelle...?
22 h 29, le 09 juillet 2015