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Lifestyle - Événement

La Fondation Aïshti place Beyrouth au cœur de l’art contemporain et de l’art de vivre

C'est le 1e juillet, à Paris, au Grand Palais, édifié comme son fronton l'indique « à la gloire de l'art », que Tony Salamé a donné le coup d'envoi de la Fondation Aïshti dont l'ouverture est annoncée les 25 et 26 octobre prochain. En présence du ministre de la Culture Rony Araiji et d'un grand nombre de conservateurs, architectes, galeristes, mécènes, collectionneurs et dirigeants de maisons de luxe, M. Salamé a présenté son projet avec l'architecte de la fondation David Adjaye, le curateur Massimiliano Gioni, concepteur de l'exposition inaugurale de la fondation, et Jeffrey Deitch, directeur sortant du Musée d'art contemporain de Los Angeles (Moca).

Tony Salamé à la tribune du Grand Palais.

La silhouette de la Fondation Aïshti, qui commence à prendre forme, intrigue de plus en plus les usagers de la route maritime à la sortie nord de Beyrouth. Mais le voile vient d'être levé sur ce bâtiment monumental revêtu d'une résille rouge, qui vient englober et surdimensionner l'ancien grand magasin Aïshti Seaside et sa façade caractéristique en acier Corten rouillé. Pour Tony Salamé, fondateur de cette entreprise de luxe et de mode, partie d'une petite boutique à Jal el-Dib pour devenir une chaîne régionale, c'est un rêve qui devient réalité. Prenant la parole pour accueillir et remercier les présents, il a expliqué son ambition de faire de Beyrouth une nouvelle destination et une nouvelle plaque tournante de l'art moderne et contemporain. « J'ai grandi, travaillé et entrepris dans un pays en guerre, mais auquel je n'ai jamais cessé de croire. Et c'est à ce pays fragilisé, qui n'a presque rien à donner à ses citoyens, que j'ai choisi d'offrir ce grand projet, pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il est naturel et gratifiant de donner ce qu'on peut pour améliorer et assainir l'environnement et la société dans lesquels on évolue. Ensuite, parce que la jeune création libanaise, qui rayonne aujourd'hui dans le monde entier, mérite d'avoir dans son pays un tel projet. J'espère que cette fondation va contribuer à renforcer la place du Liban sur la carte du monde. Elle va, en tout cas, contribuer à favoriser échanges et interaction entre artistes libanais et internationaux », a affirmé Salamé.


Le ministre Rony Araiji, qui avait précédé Tony Salamé à la tribune, a insisté sur la force du message « de protestation et de résistance » que transmet la création de cette fondation « face aux obscurantismes qui nous menacent », manifestant « l'adhésion du ministère de la Culture à cette formidable initiative privée » et proclamant « que le Liban que nous aimons est et restera ce pays ouvert aux échanges culturels et à la coexistence des religions. Un pays-pont entre l'Orient de la passion et l'Occident de la raison, par la volonté et la conviction de ses hommes ».

 

(Pour mémoire : La 9e édition du gala Aïshti Heartbeat)

 

Sous un même toit
Une présentation informelle, sur le mode d'un dialogue entre MM. Salamé, Adjaye et Gioni, modérée par Jeffrey Deitch, a ensuite jeté un éclairage sur l'intention, l'articulation et les spécificités de cette fondation qui fera cohabiter de manière inédite, au sein d'une même structure, l'art, la mode, le bien-être et les loisirs, dans le but de démocratiser l'accès du grand public à des œuvres trop souvent confinées derrière les murs de résidences privées. En réponse à une question de M. Deitch, Salamé a confié être devenu un collectionneur frénétique depuis sa rencontre avec un autre mordu d'art moderne et contemporain, Dino Facchini, propriétaire de la marque Byblos et du Byblos Art Hôtel à Vérone. M. Facchini transmet à Salamé le virus de l'Arte Povera au début des années 2000. Tony Salamé commence sa collection en achetant à tempérament des Fontana, Manzoni, Pistoletto ou Penone, œuvres séminales dont il perçoit très vite le lien logique et génétique avec des artistes plus récents dont il commence aussitôt à acquérir les œuvres, guidé cette fois par Jeffrey Deitch, rencontré à Art Basel, puis d'autres curateurs et galeristes. Plus de 2 000 œuvres plus tard, les unes disséminées dans les magasins et boutiques monomarque de la chaîne Aïshti, les autres dans ses résidences et la grande majorité dans un hangar, Tony Salamé songe sérieusement à une structure qui permettrait de les mettre en dialogue avec cet autre langage de notre époque qu'est la mode. Il veut surtout partager cette passion avec un public, l'exposer à une interaction.


Relancé sur son projet de musée, Salamé a raconté avoir d'abord approché Zaha Hadid, en 2006, au sortir de la guerre israélienne, pour poursuivre avec elle un projet commercial au centre-ville de Beyrouth, comprenant un espace d'exposition. Le temps que ce projet se mette en place, la célèbre architecte n'ayant pas tout de suite cru l'homme qui venait lui commander un bâtiment destiné au luxe dans un pays à moitié détruit, M. Salamé rencontre David Adjaye. Chevalier de l'Ordre de l'Empire britannique, cet architecte d'origine ghanéenne est un architecte d'artistes. Ses influences s'étendent de l'art contemporain à la musique, en passant par les sciences, l'art africain et la vie civique des cités. En 2000, il fonde son atelier, Adjaye Associates, qui remporte aussitôt des commandes prestigieuses dont l'une des plus récentes, en cours d'exécution, est le Smithsonian National Museum of African and American History and Culture situé sur le National Mall de Washington DC. « Au départ, j'ai fait appel à d'excellents architectes libanais, a souligné Salamé, mais je ne voulais pas d'un monument. Je voulais très précisément un contenant simple et efficace au service d'un contenu. David m'a compris. Il y a eu entre nous une connexion immédiate, surtout quand j'ai su qu'il avait passé une partie de son enfance au Liban. J'ai retenu du premier coup sa première proposition. » Aujourd'hui, le projet de Zaha Hadid est en cours d'exécution et celui d'Adjaye presque terminé, ce qui est un miracle, en moins de trois ans, des plans à la livraison.

 

(Lire aussi : « Beirut’s Nouvelle Vague » chez Aïshti)

 

Le point de vue de l'architecte
Révélant qu'il a vécu à Beyrouth dans son enfance le temps d'une mission diplomatique de son père, David Adjaye raconte qu'il a été écolier à l'ACS et évoque ses souvenirs d'une ville extraordinaire, couchée au bord de la mer. La résille d'acier rouge qui recouvre son bâtiment est un rappel, dit-il, des toits de tuile de l'architecture traditionnelle libanaise. Le motif qui orne cette grille comme une dentelle et se répète dans la mosaïque de marbre des sols est une sorte d'idéogramme pixellisé de la vague et de l'eau. Tout en jouant le rôle d'un moucharabieh qui favorise la ventilation de l'espace, il crée ainsi une intimité totale entre le bâtiment et la mer qui le borde. La position inclinée de la coque d'acier a deux effets, le premier étant d'absorber le bruit de l'autoroute trop proche et le second de réfracter le rayonnement solaire. Le bâtiment, pourvu de volumes monumentaux, est articulé en deux espaces parallèles qui communiquent entre eux par des passerelles et se soudent au niveau d'un « majlis » central, pensé comme un lieu de rencontre. Sur près de 40 000 m2 que représente ce complexe, extérieurs compris, 4 000m2 sont réservés à l'espace muséal proprement dit, mais la nouveauté est que ce musée communique avec une galerie marchande où boutiques et restaurants sont coiffés d'un spa et d'une piscine à ciel ouvert, ainsi que d'un bar en plein air. L'espace paysager qui sépare le bâtiment de la mer est rythmé par des dunes. En plus d'offrir des loisirs familiaux et sportifs, il servira d'extension à la fondation en accueillant les sculptures monumentales de la collection, sélectionnées par la commissaire Cécilia Alemani, spécialisée en art public.

 

L'exposition inaugurale
C'est Massimiliano Gioni, directeur artistique du New Museum, New York, et de la Fondation Nicola Trussardi, Milan, commissaire de la 55e Biennale de Venise et de dizaines d'événements artistiques d'envergure mondiale, que Tony Salamé a choisi pour concevoir et diriger l'exposition inaugurale de la Fondation Aïshti. En référence à une sculpture de l'artiste britannique Alice Channer, Gioni a pris le parti de réunir pour cette exposition les œuvres d'une cinquantaine d'artistes locaux, régionaux et internationaux parmi les 150 que comporte à ce jour la collection Salamé, sous le thème New Skin. Peau neuve : une urgence et une nécessité pour cette région du monde, mais aussi une résonance orchestrée avec brio entre l'art et l'architecture de la fondation, en particulier cette résille d'acier, exosquelette qui lui sert d'épiderme. Assis au bord de l'estrade, Gioni a lancé comme une boutade qu'il se « sentait à Beyrouth », ainsi placé à un cheveu du précipice. Il a ensuite parlé de sa rencontre et de sa première collaboration avec Tony Salamé pour l'exposition Here and Elsewhere sur l'art arabe contemporain, organisée de juillet à septembre 2014 au New Museum. « Seuls les gens superficiels ne jugent pas sur les apparences » a-t-il souri, citant Oscar Wilde, pour annoncer que l'exposition New Skin, centrée sur l'art abstrait des dix dernières années, combinerait art digital et manuel pour donner à ressentir des textures et des formes confrontées à la technologie.
La veille de l'exposition a été annoncée l'installation de 20 nouvelles œuvres de Richard Prince, récemment acquises par la fondation, au centre-ville de Beyrouth. Un livre de 300 pages, conçu, mis en page et édité par Karma, New York, comprenant un essai de Massimiliano Gioni et des « rédactions visuelles » exclusives, inscrira l'exposition New Skin comme un jalon dans l'histoire de l'art contemporain.

 

Consécration
Sur une table de 100m de long, accueillant sur la terrasse du Mini-Palais près de 130 invités, Tony Salamé était entouré du chargé d'affaires libanais Ghady Khoury et de son épouse Mona, du ministre de la Culture Rony Araiji et de son épouse Wadad, ainsi que de pointures prestigieuses du monde de l'art telles que, mis à part Jeffrey Deitch, Massimiliano Gioni et les meilleures plumes de la presse spécialisée française et internationale, et pour ne citer que ceux-là : l'artiste Daniel Buren ; la plasticienne Latifa Echakhch, prix Marcel Duchamp 2013 ; le directeur du Musée national d'art moderne et du Centre Pompidou Bernard Blistene ; la directrice artistique de la Fiac Jennifer Flay ; la commissaire de la collection François Pinault, Caroline Bourgeois ; Colette Barbier de la Fondation d'entreprise Ricard ; Catherine Couturier de la Fondation d'entreprise Beyeler ; Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton ; Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti ; et des galeristes d'envergure tels que Kamel Mennour et Marie-Sophie Eiché ; Daniele Balice et Alexander Hertling ; Max Hetzler et son épouse Samia Saouma. Parmi les décideurs du monde de la mode on reconnaissait Marco Gobbetti, CEO de la maison Céline, et son épouse ; Francesca Bellettini, directrice exécutive de la maison Saint-Laurent ; Céline Bench, directrice des ventes de Dior couture ; Jean-Marc Loubier, directeur exécutif du groupe Escada et de Sonia Rykiel ; ainsi que plusieurs directeurs généraux et commerciaux.


La présence de tant de bonnes fées autour du berceau de la Fondation Aïshti ne peut présager que d'un succès éclatant pour ce projet optimiste, ambitieux et courageux. Ce soir-là, au Grand Palais, Tony Salamé était officiellement et publiquement reconnu comme un pair par les acteurs les plus influents du monde de l'art contemporain, et Beyrouth, avec lui, retrouvait sa place au carrefour de la culture universelle, les médias les plus influents en faisant écho, du Figaro au Financial Times en passant par W Magazine, Art News et d'autres supports spécialisés. La Fondation Aïshti sera sans aucun doute une nouvelle destination dans ce Moyen-Orient de toutes les surenchères, mais avec un supplément d'émotion que nul ne saurait lui disputer.

La silhouette de la Fondation Aïshti, qui commence à prendre forme, intrigue de plus en plus les usagers de la route maritime à la sortie nord de Beyrouth. Mais le voile vient d'être levé sur ce bâtiment monumental revêtu d'une résille rouge, qui vient englober et surdimensionner l'ancien grand magasin Aïshti Seaside et sa façade caractéristique en acier Corten rouillé. Pour Tony...

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