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Nos Lecteurs ont la Parole - Georges TYAN

Qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce qu’il n’y a pas ?

Je m'étais promis de rester loin du sujet de la présidentielle, le chemin est ardu, semé de pièges, d'embûches, de traquenards qui semblent dépasser tous les hommes de bonne volonté qui se démènent pour tenter de démêler l'écheveau inextricable tressé par des vipères du genre le plus dangereux qui soit.
Au tout début, beaucoup avaient pensé qu'il s'agissait d'une gentille petite comédie, les plaisanteries les meilleures étant les plus courtes, tôt ou tard elle finira bien par lasser et passer.
Avec le temps qui prenait son temps, l'on a vite déchanté: il s'avérait qu'elle prenait l'allure d'une vicieuse tragédie. Les auteurs omnipotents jusqu'au bout des ongles en avaient juste gribouillé les premières lignes, puis suivant l'humeur du moment, c'est par petites touches qu'ils construisent puis reprennent la trame d'un scénario devenu sans queue ni tête.
On dirait que ces gens-là ont pris Boileau comme maître à penser: «Hâtez-vous lentement et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez...»
Et attendant le bon vouloir de ces messieurs à se remettre à l'écriture, leurs hommes liges, pour ne pas dire de main, embrigadés dans ce mauvais script, n'ayant à leur disposition que deux ou trois pages d'une histoire longue comme un jour sans pain, se retrouvent désœuvrés. Devant justifier de salaires mirobolants, rien à voir avec les aides sociales, et pour continuer d'accaparer le devant de la scène, ils occupent le public à coups de décisions théâtrales qui ne trompent plus grand monde.
Le Libanais de base, comme vous et moi, n'en peut plus d'attendre que l'ouvrage soit poli et repoli. Il n'a plus voix au chapitre, on l'a fait taire il y a longtemps déjà, ni d'avis à donner, les législatives sont un lointain souvenir. Pire, au cas où elles se tiendraient demain matin ou dans six mois, ce sera kif-kif bourricots que nous sommes devenus, conditionnés par le manque de vision et d'espoir de lendemains meilleurs, les mêmes reviendront place de l'Étoile, pour commettre non les mêmes erreurs, mais les mêmes fautes.
Une erreur est bénigne, elle peut être corrigée, rattrapée, contournée; la faute est grave, elle est mortelle, il faut tout effacer et reprendre de zéro. C'est ce que semblent faire les tuteurs ayant la haute main sur le devenir de notre pays. Ils ont tellement fauté, foiré, se sont égarés, fourvoyés dans les dédales, les méandres sanglants d'un scénario incongru, bête et méchant, qu'ils ne savent plus comment s'en sortir, nous enfermant dans les oubliettes de leurs contradictions.
D'habitude l'imagination de ces personnages froids, impersonnels, manipulateurs, calculateurs, imperméables à la souffrance, sans foi ni loi, ne cale jamais. Leurs ressources dans le domaine du mal sont inépuisables, allant de la création de conflits aux complots, passant par les meurtres, les assassinats au gros et au détail, peu importe, partout sur la planète.
Ils se prennent souvent à anticiper les désirs de leurs commanditaires, notamment les chefs d'État flibustiers, redevables de leurs positions aux conglomérats et autres multinationales qui doivent faire tourner à plein régime leurs installations, pour rentabiliser leurs investissements en s'appropriant au moindre coût les richesses souterraines des pays que l'on brûle.
Leur catalogue d'options est gros comme une encyclopédie, ils ont le bras long, de la manne à profusion pour acheter les consciences, repérer, choisir minutieusement les minables, les repris de justice, les assassins, effacer leurs casiers judiciaires, leur donner une virginité nouvelle, en faire comme par magie des chefs charismatiques, peaufiner leur maléfique éducation, puis les envoyer parés d'un verni de respectabilité entamer leur sordide besogne.
À la disposition des élus du mal, des moyens financiers considérables sont tenus, doublés d'une couverture médiatique des plus efficaces. La communication étant devenue un art à part, elle permet de distiller en continu le venin de la hargne et de l'obscurantisme. Compte tenu du fait qu'elle rapporte également les moindres faits et gestes, un moyen efficace de les surveiller et s'assurer de leur docilité.
Qui donne ordonne: ces institutions du mal sont loin d'être caritatives, elles travaillent, semble-t-il, sur dossiers et sur résultats. C'est pourquoi je n'arrive pas à imaginer que leur plan se soit arrêté au blocage de l'élection présidentielle, ou à garder figées nos institutions en attendant le dénouement de je ne sais quel développement régional ils nous ont reliés et auquel ils tentent de trouver une issue.
Je ne crois pas non plus que leur ordinateur se soit détraqué. Cela me rappelle l'anecdote éculée suivante : une machine des plus performantes a été créée, le monde entier est en extase devant les résultats prodigieux, elle a réponse à tout. S'amène un Libanais qui pianote quelques mots sur le clavier. L'ordinateur tourne et mouline des heures durant puis rend l'âme et s'éteint à jamais. Les concepteurs intrigués demandent à notre compatriote quelle question il avait posée, et notre ami de répondre tout bonnement: qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il n'y a pas.
S'il en est ainsi, profitons de l'aubaine, prenons nos affaires en main. Il y a un pays qui se meurt en dépit de toutes les attractions, les festivités estivales en préparation, qui ne sont en fait qu'un palliatif momentané, une opération cosmétique, qui a l'avantage d'égayer un présent gris tendance noir, soutenant notre moral, prouvant au monde la volonté des Libanais de vivre en paix et d'être heureux.
Il n'y a pas de temps à perdre. Il sera trop tard quand ces érudits de la malfaisance se réveilleront, remettant encore une fois sur le métier leur ouvrage.

Je m'étais promis de rester loin du sujet de la présidentielle, le chemin est ardu, semé de pièges, d'embûches, de traquenards qui semblent dépasser tous les hommes de bonne volonté qui se démènent pour tenter de démêler l'écheveau inextricable tressé par des vipères du genre le plus dangereux qui soit.Au tout début, beaucoup avaient pensé qu'il s'agissait d'une gentille petite...

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