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Lifestyle - Liban pop

Trois stars, trois clips, trois messages : Elissa contre la violence domestique (1/2)

Les réalisateurs libanais Angy Jammal, Hass Ghaddar et Cherine Khoury ont mis en image la reine des ventes, Waël Kfoury et Myriam Farès, lors de trois clips révélés quasiment ensemble il y a quelques jours.

Titre-phare du plus récent album d'Elissa Halet Hob, la chanson Ya Mrayti (Mon miroir) n'avait pas besoin d'un clip, ayant déjà touché par sa musique et ses paroles l'ensemble du monde arabe depuis plus d'un an déjà. Mais la reine des ventes aime ajouter à sa vidéographie ses plus grands tubes. Une façon, en quelque sorte, de les archiver. Et c'est à l'une des réalisatrices de clips les plus branchées du moment, la Libanaise Angy Jammal, qu'elle a confié la tâche de traduire en images ce titre écrit par Ziad Bourji et composé par Ahmad Madi, le temps d'un clip qui a été déjà visionné par plus de trois millions de personnes, visiblement conquises.

S'il y a bien une chose que l'on constate en suivant le travail d'Angy Jammal, c'est qu'elle adorerait faire du cinéma. Elle a la (fâcheuse?) manie de transformer les chansons en mini-films, ne s'empêchant presque jamais de leur ajouter un prélude, un interlude et une conclusion, et de les découper, coller et recoller au service de son histoire. Le tout saupoudré parfois de scènes d'actions hollywoodiennes. Mais Ya Mrayti est sans doute, jusque-là, son clip le plus accompli, car elle a su mettre au profit de l'émotion sa technique de cinéaste et son talent. Elle a surtout réussi à sortir Elissa de son image de star, récurrente dans presque tous ses clips.
L'histoire, elle, se déroule dans un village paisible. Une mère de famille y vit malheureuse, avec ses deux enfants et son mari qui la bat souvent. Elle cache tant bien que mal les traces de ces violences. Un beau jour, pour l'avoir vue avec un étranger, le mari la frappe au point de la laisser pour morte, et l'envoie se fracasser sur son propre miroir, témoin de toutes ses douleurs. La victime décide alors de mettre un terme à sa vie de couple pour essayer de vivre enfin heureuse avec ses enfants.

 

 

Si les paroles de la chanson évoquent de nombreux thèmes, comme la routine dans la vie de couple, le temps qui passe, la vieillesse, les rêves de jeunesse perdus et les idéaux déchus, on pourrait reprocher à Angy Jammal d'avoir « limité » la chanson au thème de la violence domestique. Mais la réalisatrice n'est pas d'accord. « J'ai moi-même choisi ce sujet, explique-t-elle. La chanson avait déjà connu un grand succès, j'avais envie de lui donner un nouvel objectif, de lui apporter quelque chose de neuf. Le hasard a fait que je discutais, il y a quelque temps, avec une femme qui me racontait avoir été battue lors de sa jeunesse et qui m'a avoué que cette chanson lui rappelait des souvenirs douloureux. Elle a alors pris un nouveau sens à mes yeux. » Et d'ajouter : « Elissa est superfun dans la vie de tous les jours, une femme vraie. C'est peut-être pour cela que je l'ai toujours vue dans un cadre différent de l'image de la star. Au début, elle n'était pas d'accord avec l'idée, puis elle m'a suivie et s'est investie encore plus que moi. Le tournage n'a pas été difficile. Quand une personne est en communion avec le sujet, elle peut souvent trouver en elle un énorme potentiel de jeu. » « Elissa n'a même pas refusé de paraître maculée de sang », affirme enfin la réalisatrice qui a tourné le clip en Serbie, dans un décor rappelant la Sicile et une ambiance rétro avec une héroïne un peu stepford wife.

La réalisatrice, récompensée en 2011 par un Murex d'or pour le meilleur clip de l'année, Majnoun de Ramy Ayache, a également dû glisser dans l'histoire – très subtilement cette fois – le plus récent téléphone portable d'une grande marque, sponsor du clip, ce qui l'a contrainte en quelque sorte à extirper l'histoire de l'époque très ancienne dans lequel elle l'imaginait au départ. Dans les images, l'on voit ainsi, à la fin du clip, Elissa accompagnée de ses enfants, quelques années après sa séparation avec son mari, passer dans un parc des moments heureux filmés au moyen de l'appareil téléphonique. « Le sponsor m'impose de nombreuses contraintes car je dois trouver une histoire dans laquelle je pourrais caser le produit, explique Angy Jammal. En même temps, le clip n'existerait pas sans lui. C'est toujours une sorte de relation "amour-haine" entre un réalisateur et le sponsor. Je sais que nombre de collègues en souffrent aujourd'hui, surtout que les agents publicitaires interviennent parfois dans les moindres détails, mais cela n'a heureusement pas été le cas avec Ya Mrayti où tout s'est bien passé. »
Un clip dont on retiendra surtout la direction artistique, une très belle scène d'Elissa fuyant dans la forêt et un message fort appuyé par l'ONG Kafa et adressé à toutes les femmes battues : « Brise le silence, mais ne brise pas ton image dans le miroir... »

*Après Angy Jammal, les interviews des réalisateurs Hass Ghaddar et Cherine Khoury paraîtront jeudi prochain dans la rubrique Liban pop.

 

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