Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Corruption

En démissionnant, Blatter souhaite « alléger les pressions » sur la Fifa

L'insubmersible patron de l'instance dirigeante du foot mondial a finalement lâché la barre et annoncé de nouvelles élections lors d'un congrès extraordinaire à tenir le plus tôt possible.

C’était vendredi dernier en plein ouragan : Sepp Blatter venait d’être réélu président de la Fifa. Mais, depuis, la tempête a eu raison de celui que l’on disait « insubmersible »... Hier, l’homme-Fifa a démissionné à la grande surprise générale, après avoir reçu une ultime estocade : la mise en cause de son bras droit et n° 2 de la Fifa, Jérôme Valcke, dans le scandale de corruption qui secoue l’instance dirigeante du ballon rond mondial. Photo AFP

La tempête a fini par avoir raison de l'insubmersible Joseph Blatter : le patron de la Fifa a annoncé hier qu'il renonçait à la présidence de l'instance, secouée par une série de scandales de corruption et qui devrait avoir un nouveau patron d'ici à mars 2016. M. Blatter (79 ans), en poste depuis 1998 et pourtant réélu vendredi dernier pour un 5e mandat, a indiqué qu'il allait convoquer un congrès extraordinaire au cours duquel son successeur sera désigné. Au fil des ans et des affaires, le Suisse a souvent filé la métaphore du capitaine qui n'abandonne pas son navire, quelle que soit la violence des éléments contraires. Mais cette fois, c'en était trop : la mise en cause directe de son bras droit, Jérôme Valcke, a précipité sa démission. Il faut dire que quelques heures auparavant, le New York Times a accusé M. Valcke d'être le responsable d'un virement de 10 millions de dollars sur des comptes gérés par l'ancien vice-président de l'organisation Jack Warner, déjà mis en cause par la justice américaine dans le scandale de corruption. Hier matin, la Fifa a tenté de dégonfler ces accusations en affirmant que M. Valcke n'était en rien en cause dans ce virement et qu'il ne s'agissait que d'un projet d'aide à la diaspora africaine dans les Caraïbes, au nom de l'Afrique du Sud. Mais cette dernière réplique du tremblement de terre de mercredi dernier a donc été la plus terrible.
Aussitôt la nouvelle de la démission de Blatter connue, l'équipe du prince jordanien Ali ben al-Hussein, qui s'était retiré des dernières élections après un premier tour où il avait été désavoué, a assuré qu'il était « prêt à prendre la tête de la Fifa à tout moment, si on me le demandait ».
Beaucoup le pensaient indestructible. À tort. L'ère Blatter est donc sur le point d'arriver à terme, mais les procédures pénales en cours, elles, continuent. Dans un communiqué, les autorités suisses ont en effet indiqué que sa démission n'avait « pas d'incidence » sur l'enquête en cours.

 

 

 

 

 

Nouveaux calculs
Sollicité par L'Orient-Le Jour, Wadih Abdelnour (journaliste au quotidien al-Hayat et conférencier olympique) a estimé que la décision de Blatter « n'est pas aussi surprenante qu'elle peut paraître, vu les circonstances et les remous qui ont émaillé ces derniers mois, et surtout les bouleversements » qui ont découlé du scandale de corruption à grande échelle mis au jour par les justices américaine et suisse.
« Premièrement, Blatter avait deux buts : être élu pour un 5e mandat de président de la Fifa, ce qu'il a réussi à obtenir, et (de ce fait) mettre au point les réformes nécessaires à cette institution. Maintenant, malgré sa démission, il va rester en place jusqu'à l'élection de son successeur. Blatter peut donc entamer ces réformes », quitte à ce qu'elles soient complétées après son départ. « Deuxièmement : beaucoup de dossiers vont être ouverts ces prochains jours dans le cadre des enquêtes en cours menées par les justices suisse et américaine. Blatter et d'autres responsables de la Fifa vont être entendus et pourront ainsi s'exprimer publiquement sur les diverses affaires. »
De plus, le président démissionnaire de la Fifa, ajoute M. Abdelnour, « en décidant de rendre son tablier, allégerait de la sorte la pression exercée sur son institution et (indirectement) influerait positivement sur les décisions juridiques à venir ».
Pour cet expert du foot, une chose est sûre en tout cas : « Une nouvelle élection va avoir lieu. De nouveaux calculs et de nouvelles donnes entrent donc en jeu. Michael Van Praag, le président de la fédération néerlandaise qui avait retiré sa candidature au dernier scrutin, pourrait ainsi se représenter. Michel Platini, le président de l'UEFA, pourrait lui aussi revoir sa position initiale (refus d'être candidat et se focaliser sur sa propre institution) et présenter sa candidature. Toutefois, le prince Ali ben al-Hussein reste le favori dans ces conjectures, étant donné les 73 voix qu'il avait obtenues au premier tour du dernier scrutin, avant son abdication avant même le second tour. Le prince jordanien est en outre soutenu par les États-Unis et plusieurs confédérations. Mais vu que son mandat de vice-président de la Fifa est arrivé à terme au bout des quatre années réglementaires et que sa charge n'a pas été renouvelée, il pourra se présenter comme simple membre de l'institution (à l'instar de Luis Figo qui s'était lui aussi désisté avant les élections qui ont vu Blatter reconduit à son poste). »
Il n'en reste pas moins que, vu la période transitoire de dépôt des candidatures et de préparation du nouveau scrutin, le plus important maintenant est l'application des réformes tant souhaitées au sein de la Fifa. « Et pour cela, affirme M. Abdelnour, Blatter aura amplement le temps d'agir, même s'il se fait seconder, car tout seul il n'y arrivera pas : il a ainsi nommé Domenico Scala, président indépendant de la commission d'audit en conformité de la Fifa, pour superviser la présentation et la mise en œuvre de ces mesures ainsi que d'autres initiatives. »
De cette manière donc, pris en charge par la Fifa elle-même et non pas par une seule personne, qui plus est controversée et sur le départ, Blatter s'assure que son legs lui survivra. Que sera sera...

 

---

 

« Je répète : ce qui compte le plus pour moi, c'est l'institution Fifa et le football »

« J'ai profondément réfléchi sur ma présidence et sur ces 40 dernières années de ma vie qui ont été inextricablement liées à la Fifa et à ce magnifique sport qu'est le football. Je chéris la Fifa plus que tout et je ne souhaite faire que le meilleur pour le football et pour cette institution. J'ai décidé de me représenter à la présidence, car je suis convaincu que c'était la meilleure option pour l'organisation. Les élections sont terminées, mais les défis qui se posent à la Fifa ne le sont pas. La Fifa a besoin d'une profonde restructuration. Bien que les membres de la Fifa m'aient conféré ce mandat, il n'a pas le soutien de l'intégralité du monde du football (...). C'est pourquoi je remettrai mon mandat à disposition lors d'un congrès électif extraordinaire.
« Cette décision prendra effet le plus tôt possible, à savoir à la date à laquelle un nouveau président pourra être choisi (...). Je continuerai d'exercer mes fonctions en tant que président (...) jusqu'à l'organisation de ces prochaines élections. Le prochain congrès ordinaire de la Fifa aura lieu le 13 mai 2016 à Mexico, mais cette échéance ne ferait que retarder inutilement l'entrée en vigueur de ma décision. C'est pourquoi je demanderai au comité exécutif d'organiser le plus tôt possible un congrès extraordinaire pour l'élection de mon successeur.
(...) Puisque je ne serai pas candidat et que je suis donc désormais libre des contraintes qu'impose inévitablement une élection, je serai en mesure de me concentrer sur la mise en œuvre des ambitieuses et profondes réformes qui transcenderont nos premiers efforts en la matière. (...) Je me suis battu pour ces changements et, comme chacun le sait, mes efforts ont été contrés. Cette fois-ci, j'y parviendrai.
(...) Mon profond attachement à la Fifa et à ses intérêts, qui me sont très chers, m'a amené à prendre cette décision. Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont toujours soutenu (...) et qui ont tant fait pour le football que nous aimons tous. Je répète : ce qui compte le plus pour moi, c'est l'institution Fifa et le football. »

 

---

 

Ils ont dit...

 

*Michel Platini (président de l'UEFA) : La démission de Sepp Blatter est « une décision difficile, courageuse, et c'est la bonne décision ».


*Michael Van Praag (président de la fédération néerlandaise et ancien candidat) : C'est une « très bonne nouvelle ».


*Département d'État US : « Le gouvernement des États-Unis n'est pas en position de décider qui est le président de la Fifa » et n'a pas poussé Sepp Blatter à démissionner, a affirmé une porte-parole.


* Sunil Gulati (président de la fédération US) : La démission surprise de Blatter est une « occasion exceptionnelle – et immédiate – pour un changement positif au sein de la Fifa ».


* Vitaly Mutko (ministre russe des Sports) : « Le discours de Blatter montre clairement qu'il a voulu maintenir l'unité de la Fifa. Il veut que les réformes continuent. »


*Luis Figo (ancien candidat) : « C'est un bon jour pour la Fifa et le football. Le changement arrive enfin ! » (Il a appelé à) « une nouvelle ère de dynamisme, transparence et démocratie dans la Fifa ».


* Frédéric Thiriez (président de la Ligue de football professionnel) : Le président de l'UEFA, Michel Platini, serait « le président idéal pour la Fifa. Aujourd'hui, ce qui compte, c'est l'avenir. L'avenir du football mondial et de la plus grande organisation sportive au monde ».

 

---

 

Le Qatar dément un article du « Washington Post »

Le Qatar s'est élevé hier contre le quotidien américain Washington Post, jugeant « complètement faux » un article qui estime à 4 000 individus le nombre d'ouvriers susceptibles de mourir pendant la construction des infrastructures de la Coupe du monde de football 2022 dans l'émirat. « L'image et la réputation du Qatar ont subi un énorme préjudice » en raison de cet article, indique dans un communiqué particulièrement virulent le bureau de la communication du gouvernement. « C'est complètement faux. En fait, après près de cinq millions d'heures de travail sur les sites (...), pas un seul ouvrier n'a perdu la vie », a affirmé le gouvernement qatari. Le Qatar est régulièrement critiqué pour les mauvaises conditions de travail des milliers d'ouvriers œuvrant à la construction des infrastructures du Mondial 2022.

 

Lire aussi
Guerre froide autour du ballon rond

Platini a tué le père, mais est-il prêt à prendre sa place ?

La tempête a fini par avoir raison de l'insubmersible Joseph Blatter : le patron de la Fifa a annoncé hier qu'il renonçait à la présidence de l'instance, secouée par une série de scandales de corruption et qui devrait avoir un nouveau patron d'ici à mars 2016. M. Blatter (79 ans), en poste depuis 1998 et pourtant réélu vendredi dernier pour un 5e mandat, a indiqué qu'il allait...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut