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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Vers une partition « à la yougoslave » de la Syrie ?

Les rumeurs les plus variées qui circulent sur les caciques du régime, dont Ali Mamlouk et Rustom Ghazalé, concernent l'avenir du pays, sur lequel divergeraient Damas et Téhéran.

En haut, de gauche à droite : Ali Mamlouk, chef du bureau de sécurité nationale du parti Baas syrien (capture d’écran YouTube), Rustom Ghazalé, chef du renseignement politique en Syrie (Louai Beshara/AFP). En bas, de gauche à droite : Qassem Souleimani, à la tête des forces spéciales al-Qods au sein des gardiens de la révolution (Mehdi Ghasemimehdi Ghasemi/Isna/AFP) et le président syrien Bachar el-Assad (AFP).

Décidément, les crises au sein du régime syrien se multiplient. Il y a trois semaines, plusieurs médias, dont la chaîne télévisée panarabe al-Mayadine, annonçaient la mort de Rustom Ghazalé, l'ancien chef des services de renseignements syriens au Liban et un des hommes forts du régime du président Bachar el-Assad. Cette annonce était le dernier acte d'une saga qui aura duré plus d'un mois et au cours de laquelle les rumeurs les plus folles ont circulé.


Une source sécuritaire haut placée à Damas avait révélé le limogeage de Rustom Ghazalé, chef du renseignement politique en Syrie, ainsi que celui du chef du renseignement militaire, Rafic Chéhadé, après une violente dispute entre les deux hommes. Des rumeurs ont fait état d'un différend concernant des propriétés balnéaires, d'autres ont affirmé que Rustom Ghazalé, un sunnite baassiste nationaliste, partisan de l'unité de la Syrie, était opposé à la mainmise de l'Iran et du Hezbollah sur ce pays, et que cela avait causé sa perte. Chéhadé aurait torturé Ghazalé avant de le laisser entre la vie et la mort devant l'hôpital al-Chami de Damas, où il a été admis jusqu'à son décès.


Avant-hier, ce fut au tour du général Ali Mamlouk, chef (sunnite) du bureau de sécurité nationale du Baas et conseiller du président Assad en matière de sécurité, d'être l'objet de toutes sortes de spéculations. D'après le quotidien britannique The Telegraph, le général, suspecté d'avoir préparé un coup d'État pour contrer l'influence iranienne sur le régime Assad, aurait été placé en résidence surveillée.


Encore une fois, l'Iran revient sur le devant de la scène. En juillet 2012 déjà, des informations avaient fait état de l'implication de la République islamique dans l'attentat qui a visé le bâtiment de la sécurité nationale à Damas. L'attaque, qui avait entraîné la mort du ministre syrien de la Défense, Daoud Rajha, de son vice-ministre également beau-frère de Bachar el-Assad, Assef Chawkat, ainsi que du général Hassan Turkmani, chef de la cellule de crise en charge de la répression de la révolte, avait pourtant été revendiquée par l'Armée syrienne libre (ASL). Certaines sources avaient néanmoins affirmé que ces membres-clés du régime, alors en réunion, avaient été spécifiquement visés pour avoir critiqué l'omniprésence iranienne dans les cercles restreints du régime.
À l'époque, des rumeurs avaient également couru sur la présence, réelle ou pas, à la réunion de Maher, frère cadet de Bachar, et qui aurait eu les jambes sectionnées par l'explosion.

 

(Repère : Pour l'armée de Bachar el-Assad, une série de revers en quelques mois)

 

Théories du complot
Les théories du complot se cristallisent donc de plus en plus autour de l'Iran, qui chercherait à se débarrasser des proches du président syrien. « Selon plusieurs sources (Ali Mamlouk) aurait effectivement été mis sur la touche. Il incarne la vieille ligne du régime et verrait d'un mauvais œil la mainmise iranienne sur l'appareil sécuritaire du pays », affirme Frédéric Pichon, chercheur associé à l'université de Tours et auteur de Syrie : pourquoi l'Occident s'est trompé.


La présence iranienne en Syrie, concrète (militaire donc) ou politique, n'est pourtant pas chose nouvelle. Pourquoi alors les caciques du régime syrien seraient-ils réfractaires à l'influence d'un pays qui a toujours été solidaire, à tous les niveaux, du régime ? Pour M. Pichon, ce n'est pas tant la présence iranienne qui dérange, que sa vision de l'avenir de la Syrie. Pour le politologue, le nord syrien est « abandonné petit à petit » par les troupes de l'armée loyaliste, appuyée par le Hezbollah et des conseillers militaires iraniens.
« Les troupes convergent plutôt vers Damas, le Qalamoun, le sud du pays donc ; l'Iran ne va pas s'acharner à ce que le régime reprenne des localités comme Raqqa ou Qamishli (Nord-Est) », affirme le chercheur, ajoutant : « Je ne suis pas sûr d'ailleurs que le régime ait mis toutes ses forces dans les affrontements de Jisr el-Choughour (Nord) face à la coalition de rebelles appuyés par la Turquie et l'Arabie saoudite, (cette localité) n'étant pas prioritaire pour les Iraniens. » Et ce bien que Jisr el-Choughour ne se trouve qu'à une cinquantaine de kilomètres de Lattaquié, fief alaouite par excellence.
Il semble donc que l'Iran ait pris le parti de choisir ses batailles. Ne pas vouloir, dans l'immédiat en tout cas, reprendre les zones rebelles signifierait pour Damas accepter la possibilité d'une partition du pays, et qui se ferait « à la yougoslave », pour reprendre les termes de Frédéric Pichon.


Même son de cloche pour Joshua Landis, directeur du Center for Middle East Studies et professeur à l'Université d'Oklahoma. Le spécialiste n'adhère pourtant pas à la théorie selon laquelle Ali Mamlouk aurait engagé des discussions secrètes avec l'opposition et/ou les services de renseignements turcs. « Il n'y a pas d'opposition à proprement dite à laquelle il peut s'adresser, et il y avait des rumeurs la semaine dernière selon lesquelles Mamlouk était hospitalisé. D'ailleurs, certaines sources ont affirmé que Ali Mamlouk s'est rendu à son travail cette semaine comme d'habitude (...) l'Iran a toujours fait partie intégrante de la vie politique syrienne de toute façon. »


Toutefois, M. Landis ne rejette pas la théorie selon laquelle une partition de la Syrie soit envisagée par l'Iran. « Pour certains, un morcellement du pays serait une énorme défaite et ferait apparaître Assad comme étant faible », alors que depuis le début du conflit (en 2011), il accuse des « terroristes » agissant pour le compte de pays étrangers de vouloir mettre le pays à feu et à sang. « Cela remettrait toute l'identité syrienne en question », estime Joshua Landis, qui ajoute : « Si j'étais la République islamique, j'hésiterais à soutenir une partition du pays. »


Pour l'expert, une partition de la Syrie, si elle « serait difficilement vendable à la communauté internationale (qui prône l'unité du pays) », pour toutefois représenter « une solution, notamment à la question des réfugiés ».

 

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commentaires (6)

N'importe quoi !!

Bery tus

15 h 12, le 13 mai 2015

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Commentaires (6)

  • N'importe quoi !!

    Bery tus

    15 h 12, le 13 mai 2015

  • IL est fascinant de voir la vaste armée bien rétribuée des lobbyistes occidentaux chantant les louanges d’une institution traditionnelle et conservatrice, alias la Maison des saoud, se lançant maintenant dans une nouvelle politique étrangère affirmée.Comme cela concerne la matrice idéologique de toutes les variantes salafowahabite dans la galaxie démente de l’extrémisme bensoud, je l’appellerai plutôt une mise à jour de la règle de Mob [gang, NdT]. Loin d’être aussi divertissante que la saga du Parrain de Coppola, mais certainement plus sinistre.Imaginez l’indignation, diffusée jusqu’aux galaxies lointaines, si cela se déroulait chez des adversaires certifiés pur sucre de l’Empire du Chaos comme l’Iran, le Venezuela, l’Équateur, la Russie ou la Chine. Mais comme la Maison des saoud est notre bâtard [le Secrétaire d’État (de Roosevelt), Sumner Welles, a dit : «Somoza est un bâtard!» Et Roosevelt a répondu: «Oui, mais c’est notre bâtard.»] complet avec un ministre, Ali al-Naimi, capable de dire que Dieu doit fixer le prix du pétrole, ils peuvent s’en sortir avec tout ce qu’ils veulent.Le nouveau capo di tutti I capi de la Maison des saoud, le roi salman, le Serviteur des Deux Saintes Mosquées, doit avoir peaufiné son personnage d’Al Pacino pour apprendre à être rapide comme un coup de poignard. Parlons mafia , mais ayons un regard circulaire svp !

    FRIK-A-FRAK

    11 h 35, le 13 mai 2015

  • Aucune mention de leurs roles potentiels dans l'assassinat de Hariri...

    Raspoutnikof

    11 h 23, le 13 mai 2015

  • Pourquoi "à la yougoslave" ? A la libanaise serait plus adéquat....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 22, le 13 mai 2015

  • Liban, pays des mille sources.

    Christine KHALIL

    08 h 53, le 13 mai 2015

  • LA PARTITION DE LA SYRIE À LA YOUGOSLAVE EST UN SOUHAIT RELIGIEUX ET NON ARABE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 08, le 13 mai 2015

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