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Moyen Orient et Monde - Décryptage

À chacun des deux vainqueurs son fantasme de référendum...

Sortie de l'UE ou sortie du Royaume-Uni ? Charles Pattie, professeur à l'université de Sheffield, et Richard Chambers, avocat et conseiller technique au Pnud, répondent aux questions de « L'Orient-Le Jour » après la victoire de David Cameron et des nationalistes écossais aux législatives britanniques.

Juin 1962. Face à la volonté du Premier ministre de l'époque Harold MacMillan de faire entrer le Royaume-Uni dans la communauté européenne, le général de Gaulle s'était montré surpris. Sauf qu'il a confié à M. MacMillan qu'il la senti « déterminé à participer à la construction de l'Europe », précisant avoir été « impressionné par cette détermination ». Pourtant, quelques années plus tard, ce même Charles de Gaulle s'opposera à l'entrée du royaume au sein de ce qu'on appelait alors la CEE.

53 années plus tard, le rêve européen ne semble plus vraiment être la cup of tea de la majorité des sujets de la reine. La victoire écrasante aux élections législatives, hier, des conservateurs, d'une part, et des nationalistes écossais du SNP, d'une autre, a braqué les projecteurs sur la question de l'indépendance en général.
Le Premier ministre sortant David Cameron aura fait du référendum sur la question du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne sa principale promesse de campagne. Hier, à l'annonce des résultats, il a réitéré son souhait de se pencher sans plus tarder sur le sujet. Mais la question lancinante d'un hypothétique référendum aura-t-elle pour autant déclenché une avalanche de votes en faveur de son parti ? Cette diabolisation de la communauté européenne n'est-elle, au final, qu'un instrument utilisé par certains partis politiques et certains médias, plutôt qu'un réel mal-être de l'opinion publique ?

 

(Lire aussi : Cameron : Je vais maintenant former un gouvernement conservateur de majorité)



Charles Pattie, professeur à l'université de Sheffield, estime que ce référendum encore virtuel « n'est pas l'argument numéro un qui aura fait pencher la balance » des votes, et semble même « être le dernier de la liste ». Si les Britanniques ont choisi de poursuivre avec ce gouvernement, c'est avant tout parce qu'« ils sont satisfaits de sa politique économique », explique-t-il. En outre, David Cameron « va tenter de négocier avec l'Europe avant de mettre à exécution son plan de référendum », assure-t-il.
Pour Richard Chambers, avocat britannique, ancien chef du bureau de Beyrouth de l'IFES (International Foundation for Electoral System) et conseiller au sein du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) en Jordanie, la promesse d'un référendum a été un « élément important pour rallier des voix, sans toutefois être la raison principale de l'adhésion majoritaire des conservateurs ». Selon lui, David Cameron a pu, de cette manière, diriger les électeurs tentés de voter Ukip (eurosceptiques). « L'effondrement des votes en faveurs du Parti travailliste a évidemment également profité à (David) Cameron » ajoute-t-il.

 

 


Poupées russes

Pour M. Pattie, la victoire écrasante du Parti conservateur était tout à fait « inattendue ». Le raz de marée provoqué par le SNP en revanche était « prévisible », mais « a dépassé toutes les espérances en provoquant une véritable tempête ». Malgré la déconfiture lors de la tentative d'une accession à l'indépendance de l'Écosse, le 18 septembre dernier, le SNP a « déclenché les passions et la population était très enthousiaste », relève-t-il. Les travaillistes, en force en Écosse, espéraient faire perdre M. Cameron. Mais c'était sans compter sur la « perte de confiance, voire l'impression de trahison qu'ont eue les Écossais à l'égard des travaillistes qui s'étaient alliés avec les conservateurs sur la question du référendum ». C'est cela qui a redirigé les votes vers le SNP. « Cette alliance n'a pas été vue d'un bon œil par les Écossais », confirme M. Pattie.

 

(Lire aussi : Cameron II : nouveau mandat, nouveau discours)


Dans tous les cas, les résultats des élections auront fait ressurgir un aspect essentiel et inscrit dans l'ADN des Britanniques : la volonté de la petite poupée russe, l'Écosse, de sortir de la poupée moyenne, le Royaume-Uni, qui elle-même souhaite ardemment sortir de la grande poupée qu'est l'Union européenne, le fameux Brexit. Pourtant, profitant d'un vent indépendantiste favorable, le pays des Scots n'en reste pas moins fidèle à la grande poupée qu'est la communauté européenne. C'est un véritable triangle amoureux avec toutes les vicissitudes que cela induit.

Visiblement, les conservateurs et le SNP ont une vision divergente sur la question. Charles Pattie explique que les deux partis vont devoir « faire des concessions. La leader du SNP, Nicola Sturgeon, espère, au cas où la question serait remise sur le tapis, que les quatre nations constitutives, l'Angleterre, l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande du Nord, puissent se prononcer séparément » mais, toujours selon M. Pattie, « les conservateurs au pouvoir n'accepteront jamais. Ils mettront en avant l'unité du royaume : nous sommes ensemble et nous le resterons. Mais si cela devait arriver, il est certain que l'Écosse tentera sa chance avec un second référendum ».

Pour le moment, le SNP et les conservateurs semblent donc tiquer sur ce point crucial du débat électoral. Comme le rappelle M. Pattie, « il est plus facile de leur trouver des désaccords que des points de convergence ». Richard Chambers, sur la même longueur d'onde que son compatriote, estime que « le SNP luttera contre le référendum (lié à l'UE) et fera tout ce qui est en son pouvoir pour rester au sein de l'UE ».

 

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