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L'externalisation des frontières engendre "davantage de violence", alerte SOS Méditerranée

L'externalisation des frontières engendre

Des survivants arrivent au port de Kalamata, après le naufrage d'un bateau transportant des dizaines de migrants dans les eaux internationales de la mer Ionienne, le 14 juin 2023. Photo AFP

"Les gens continuent de passer" malgré les politiques d'externalisation des frontières mises en place par l'Union européenne (UE), alerte auprès de l'AFP Daniel Auerbacher, 32 ans, chef des opérations pour l'ONG SOS Méditerranée, qui porte secours aux migrants en Méditerranée à bord du navire-ambulance Ocean Viking.

QUESTION: Comment se déroule une mission de secours en mer? 

REPONSE: Après quelques jours d'entrainement, on met le cap vers la zone d'opérations, à environ 30 milles nautiques des côtes libyennes. On patrouille d'est en ouest. On reçoit des signalements par des avions d'ONG, de (l'agence européenne de garde-frontières) Frontex, d'autres bateaux ou via la ligne d'urgence Alarm Phone. Il nous arrive aussi de repérer nous-mêmes des embarcations grâce à notre surveillance aux jumelles. Une fois une embarcation repérée, chacun des 25 membres d'équipage se met à son poste. On met les semi-rigides à l'eau pour aller vers l'embarcation. 

Q: Quelles sont les priorités à bord? 

R: Dans un premier temps, on enregistre les migrants, ils prennent une douche, on leur donne des vêtements propres et secs, de la nourriture. On les soigne: beaucoup souffrent d'hypothermie, de mal de mer, ou de brûlures dues au mélange de carburant et d'eau salée. Les cas les plus graves sont pris en charge par l'équipe médicale. Après un moment de repos, on fait de la sensibilisation sur leurs droits à terre. On a aussi des activités plus ludiques, comme un atelier de coiffure, des jeux, de la musique.

Q: Ces dernières années, le gouvernement italien a multiplié les lois contre les activités des ONG, comme l'impossibilité d'effectuer plusieurs sauvetages à la suite. Comment vous adaptez-vous?

R: Il y a un côté désespérant. Quoi qu'on fasse, on se retrouve toujours avec une réponse qui nous empêche de faire notre travail, qui est d'aller secourir des gens en détresse. On a beau essayer de tout faire dans les règles, chaque mois il y a de nouveaux protocoles. Mais le droit international prime sur le droit national et européen, il requiert que les capitaines prêtent assistance à toute personne en détresse en mer. En l'absence d'autre navire en capacité de le faire, c'est notre devoir d'y aller.

Q: Vous avez lancé des procédures judiciaires?

R: On a quatre procédures judiciaires en cours contre les autorités italiennes, pour les détentions et les amendes qu'on a reçues. Pour la dernière détention (en février, ndlr), on a réussi à la faire lever via un recours en référé, ce qui a ouvert la voie à d'autres ONG, d'autres juges ont osé affronter la machine répressive italienne. 

Q: Cette politique restrictive décourage-t-elle les migrants à entreprendre la traversée?

R: Beaucoup de gens qu'on secourt ont fait la tentative de traversée jusqu'à sept fois. Mets un mur, les gens essayeront de passer au-dessus; mets des barbelés, ils essaieront de passer en-dessous. Cette politique ne marche pas. Les gens continuent à passer. 

Q: Pourtant, le nombre d'arrivées en Italie par la mer est en chute libre: depuis janvier, les passages par la mer ont baissé de 60% en 2024 par rapport à la même période en 2023.

R: En effet, on voit des gouvernements, dont celui de (Giorgia) Meloni, se féliciter que leur politique fonctionne. Mais quand on dézoome et qu'on regarde sur toute la Méditerranée sur la même période, les arrivées par la mer en Union européenne augmentent parce que les gens changent de route et s'adaptent aux obstacles. Par exemple, depuis janvier, on constate une explosion des arrivées en Espagne et en Grèce.

Q: L'UE a mis en place une politique d'externalisation des frontières, via des accords controversés avec la Libye et la Tunisie, entre autres. Qu'en pensez-vous? 

R: L'externalisation ne fait qu'engendrer un cycle de violence supplémentaire. On sait ce qui se passe en Libye et en Tunisie. Des interceptions en mer se font de manière très dangereuse. Les gens sont renvoyés ensuite en Libye dans des centres de détention, il y a des cas avérés, reportés et systématiques de torture, de viols et d'esclavage. On se retrouve avec un système de rançon pour pouvoir sortir, souvent grâce au soutien des familles restées au pays. Ils retentent alors la traversée et retombent dans des réseaux mafieux pour repayer leur passage. C'est un cycle infini.


"Les gens continuent de passer" malgré les politiques d'externalisation des frontières mises en place par l'Union européenne (UE), alerte auprès de l'AFP Daniel Auerbacher, 32 ans, chef des opérations pour l'ONG SOS Méditerranée, qui porte secours aux migrants en Méditerranée à bord du navire-ambulance Ocean Viking.



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