
Cette photographie montre une voiture brûlée lors d'un barrage routier organisé par les habitants du quartier des Portes de Fer à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 19 mai 2024. Photo Delphine Mayeur/AFP
De la gauche à l'extrême droite en passant par la majorité, les voix se font chaque jour plus nombreuses pour réclamer un report de la réforme contestée du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, où l'exécutif fait du retour à l'ordre un préalable à toute concession.
Après six nuit d'émeutes sur le Caillou, où l'on déplore six morts dont deux gendarmes, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est félicité dimanche du « succès » d'une opération massive des forces de l'ordre pour dégager la route reliant la ville et l'aéroport de Nouméa. Aucune nouvelle en revanche d'une possible prolongation de l'état d'urgence en vigueur dans l'archipel depuis jeudi. La décision doit pourtant être prise rapidement afin que le Parlement puisse, le cas échéant, voter sur le sujet avant l'expiration de la mesure le 27 mai au soir.
Un texte était bien « en préparation » vendredi, lorsque des parlementaires de tous bords ont été reçus à Matignon, mais selon le député Sacha Houlié (Renaissance) le gouvernement espérait plutôt écarter cette option à l'issue du week-end de Pentecôte, soit lundi, si la situation « s'était améliorée » dans l'archipel calédonien. L'exécutif reste également silencieux sur les conséquences politiques de la crise en cours. L'Elysée est resté silencieux sur les contacts annoncés entre Emmanuel Macron et les responsables calédoniens des deux bords.
A moins d'un improbable accord entre indépendantistes et loyalistes, le texte voté à l'Assemblée et au Sénat doit désormais être adopté par les deux chambres réunies en Congrès « avant la fin juin », a prévenu le chef de l'Etat. Echéance intenable pour le vice-président du Rassemblement national (RN), Sébastien Chenu, qui a estimé sur BFMTV qu' »on ne va pas réunir un Congrès maintenant vu l'état des lieux ». « On peut décaler, on n'est pas à six mois près », a-t-il ajouté, proposant également de repousser d'autant les élections provinciales prévues en décembre dans l'archipel.
« Éviter la guerre civile »
L'extrême droite partage sur ce sujet la position de la gauche et de plusieurs cadres de la majorité présents à Matignon vendredi, en faveur d'un report couplé à une mission de dialogue afin d'aboutir à un « accord global » sur l'avenir de l'ancienne colonie française. Seule la droite défend le maintien du calendrier, par la voix du président des Républicains Eric Ciotti rejetant « toute logique de temporisation » et affirmant dans un communiqué qu' »il n'y a pas lieu de suspendre » le processus législatif.
Ce qu'a contesté l'ancien Premier ministre Manuel Valls au Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Paris Première, jugeant qu' »il vaut mieux reculer aujourd'hui que demain, dans quelques jours, parce qu'il y a davantage de morts ». D'autres vont plus loin et réclament le « retrait immédiat » de la réforme, à l'instar des quatre présidents de régions Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion, signataires avec une vingtaine de parlementaires ultramarins d'une tribune publiée par le média public Outre-mer la 1ère.
Faisant de cet abandon le « préalable à la reprise d'un dialogue apaisé », ces élus s'inquiètent du choix de « réponses répressives (qui) risquent d'engendrer une spirale de violence et de compromettre le retour au calme attendu ». Au risque d'ouvrir un débat supplémentaire, le patron du parti communiste Fabien Roussel s'est de son côté prononcé au « Grand rendez-vous CNews-Europe1-Les Echos » pour « une forme d'indépendance » de la Nouvelle-Calédonie.
Quitte pour cela à convoquer un quatrième référendum pour permettre aux habitants de l'archipel de trancher à nouveau cette question: « Si c'est ce qu'ils décident, faisons-le ! ». Une piste également évoquée cette semaine par Marine Le Pen, qui a proposé d'organiser cette consultation dans 40 ans, à rebours de sa position précédente sur l'appartenance « définitive » du territoire à la France. « Il faut donner des perspectives pour trouver les voies de la paix » et ainsi « éviter la guerre civile », a tenté de justifier son M. Chenu, affirmant toutefois que « la Calédonie doit rester française ».