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Moyen Orient et Monde - États-Unis

Le cirque Bibi

« Veni, vidi, vici », souligne le Premier ministre israélien qui s'adressera aujourd'hui au Congrès. Il est certes venu, va voir (ce qu'il va voir), mais la victoire n'est pas certaine.

Bibi lors de son discours hier devant l’Aipac. Mark Wilson/Getty Images/AFP

« Son arrivée ne doit pas tourner au cirque », a fait remarquer le secrétaire d'État, John Kerry. En fait, ça l'est presque déjà, dans le sens qu'on se bouscule au portillon pour le voir et l'entendre, beaucoup plus par curiosité que par conviction.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est donc venu donner le discours de sa carrière à Washington, mais dans une ambiance de très grandes divisions, même entre les juifs américains. Son initiative risque d'avoir des répercussions négatives sur les relations israélo-américaines, déjà bancales. D'après les sondages du Wall Street Journal, 48 % des Américains sont opposés à cette visite et 58 % n'y prêtent aucune attention. Mais Bibi, lui, affirme qu'il est là en mission (pour convaincre les États-Unis d'attaquer l'Iran), comme l'avait fait Winston Churchill pour leur demander d'entrer dans la Seconde Guerre mondiale. Une autre de ses arrogances pour laquelle il a été remis en place par plusieurs « Think Tanks » qui lui précisent que 2015 n'est pas 1938 et qu'il est loin d'être Churchill.

 

(Lire aussi : Netanyahu à Washington "pour une mission cruciale et même historique")


Que cherche vraiment à faire le Premier ministre israélien ? Amener le Congrès, traditionnelle citadelle de l'État israélien et aujourd'hui majoritairement républicain, à voter une loi pour attaquer l'Iran, provoquant un veto du président Barack Obama qu'on pense ainsi embarrasser. John Boehner, le président de la Chambre des représentants (à l'origine de l'invitation de Netanyahu et sans consulter la Maison-Blanche) et ses acolytes républicains pensent pouvoir toquer le veto présidentiel car le momento leur est favorable, avec la tenue de la conférence annuelle du groupe de pression israélien, l'Aipac, où Netanyahu s'est fait entendre hier. Or il n'est pas aisé d'obtenir, comme cela est nécessaire, le vote des 2/3 du Congrès pour annuler le veto.

 

Le deal avec l'Iran, déjà plus que « fifty-fifty »
Un autre argument de M. Netanyahu : certains pays arabes dont l'Arabie saoudite partagent son option de la guerre contre l'Iran. Or, tous les ambassadeurs arabes accrédités à Washington ont refusé l'invitation, lancée par l'ambassade d'Israël d'aller écouter le discours de Bibi au Congrès. Sans compter que le « deal » avec l'Iran n'est pas purement américain, les négociations se faisant avec un partenariat français, anglais, allemand, russe et chinois. Et selon plusieurs officiels à Washington, l'accord avec l'Iran « a dépassé les fifty-fifty ».
La récente déclaration de la conseillère à la Sécurité nationale, Susan Rice, qualifiant le discours de Benjamin Netanyahu au Congrès de « destructeur », n'est que le sommet de l'iceberg. Derrière ses portes closes, l'administration réfute totalement toute l'argumentation du dirigeant israélien, d'autant qu'il est inacceptable qu'un leader étranger vienne haranguer les foules deux semaines avant les élections chez lui.

 

(Lire aussi : Entre Obama et Netanyahu, rien ne va plus)

 

La sénatrice Feinstein : « Arrogant de parler au nom des juifs »
Côté démocrates, certains ont demandé au Premier ministre israélien de se réunir avec lui. Il a refusé. Réaction de Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de la Californie et présidente de la commission des Renseignements au Sénat : « C'est arrogant de sa part de parler au nom des juifs. Et, certainement, il ne parle pas en mon nom. » Elle est elle-même juive et elle ira l'écouter, mais, à ses dires, sans « jump and down ». Beaucoup feront comme elle car les vrais boycotteurs ne seront que trois douzaines.
Benjamin Netanyahu est arrivé à diviser les juifs américains dont une majorité n'approuve pas que l'État d'Israël soit sous l'influence de religieux extrémistes. Il y a deux jours, l'Anti Diffamation Committee lui a lancé un « Stay home », à cause d'une publicité dans la presse, financée par un juif américain et qui s'en prenait à Susan Rice en termes blasphématoires. Il n'est jusqu'au Mossad qui n'approuve pas l'initiative de leur Premier ministre.

 

(Lire aussi : Quand le Mossad contredisait Netanyahu sur le nucléaire iranien)


Last but not the least, tout le monde à Washington se demande pourquoi il ne s'occupe pas de balayer devant sa porte, notamment avec le grave problème de logement dont souffre son pays, celui des deniers de l'État où il a puisé pour sa demeure personnelle et les dépenses de son épouse et la situation inquiétante à ses frontières. Sans compter que personne n'est plus impressionné lorsqu'il martèle qu'un autre Holocauste va s'abattre sur Israël.
Et la Maison-Blanche lui tire le tapis sous les pieds en ne l'y recevant pas. Signe extérieur d'une détérioration certaine des relations (traditionnellement inébranlables) entre les deux pays.

 

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