Ce plaisir désormais immortel : le Nutella

Il a bercé notre enfance, cet obscur objet d'un désir gourmand, fruit défendu, bons points chocolatés, quand les parents jugeaient que nos notes étaient à la hauteur. Un moment suivi, toujours, de plaisir et de sourires. Nutella, le mot magique, une pâte à tartiner des moments pleins de douceur, le pot, mini, moyen, grand ou familial, un trésor qui renfermait une formule indémodable, emportée avec soi, parfois en cachette, dans une adolescence acnéique puis une vie d'adulte en manque de rêves naïfs et simples.
Le père du Nutella, Michele Ferrero, est mort hier à Monaco à l'âge de 89 ans, et c'est un peu normal que le monde entier se sente orphelin, tous âges, toutes races, toutes cultures, toutes appartenances communautaires et politiques confondus. Même les obsédés de la gym et du corps. Même le tout nouveau président de la République italienne, Sergio Mattarella, qui n'a pas caché sa peine : « J'ai appris avec émotion la nouvelle de la disparition de Michele Ferrero, un vrai entrepreneur, connu et apprécié en Italie et à l'étranger », a-t-il déclaré dans un communiqué.

C'est de son père pâtissier que Michele a hérité la recette d'une supercrema, à base, déjà, de noisette et de cacao. Il la modifie en 1964 et la rebaptise Nutella pour mieux l'exporter à travers l'Europe. Le succès est immédiat et en fait l'homme le plus riche d'Italie. D'autres succès chocolatés suivront : Kinder, Ferrero Rocher, Mon Chéri... Le groupe, présidé depuis 2011 par Giovanni, le fils de Michele, emploie aujourd'hui plus de 22 000 salariés à travers le monde et réalise un chiffre d'affaires annuel de plus de 8 milliards d'euros. « La » Nutella, comme disent les Italiens, y participe pour 1,7 milliard d'euros. Ses 11 usines à travers le monde en produisent chaque année 365 000 tonnes. Selon le magazine Forbes, le patrimoine de la famille Ferrero est estimé à 23,4 milliards de dollars, ce qui la place en tête des plus grandes fortunes d'Italie et au 30e rang mondial.

Michele Ferrero, particulièrement discret, était malade depuis plusieurs mois. Il a tiré sa révérence le jour de la Saint-Valentin. Il n'y a pas de hasard. Une chapelle ardente sera dressée à Alba, au nord-ouest de l'Italie, dans cette ville où il a bâti son empire. Le monde s'en souviendra, souvent, peut-être chaque jour, à chaque péché de gourmandise, à chaque pain couvert de Nutella. À chaque obsession sucrée transmise de génération en génération.


Pour mémoire

« L'amendement Nutella » fait des vagues